Ils sont nés 30 ans trop tôt : Mahmoud Abdul-Rauf, la sauce Curry avant Curry lui-même

Le 23 avr. 2020 à 17:24 par Bastien Fontanieu

Abdul Rauf
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C’est une question que l’on se pose, parfois. Qui a joué par le passé en NBA, et serait incroyable en évoluant dans ce nouveau jeu moderne ? Pour cette semaine dédiée aux meneurs sur TrashTalk, zoom sur un sniper d’exception et un créateur unique en son genre qui a été menotté dans les 90’s : Monsieur Mahmoud Abdul-Rauf.

Dès que l’article sur les 30 ans trop tard est sorti hier sur Ricky Rubio, quelques malins lecteurs se sont empressés de nous demander si nous allions faire le chemin inverse. Paf, connexion des cerveaux, oui justement. Pour chaque poste, il y aura une doublette 30 ans trop tôt30 ans trop tard, et nombreux seront les joueurs sélectionnables. Rien que pour ce premier épisode, combien de meneurs des années 80 ou 90 rêveraient de jouer dans cette NBA des années 2020 ? Nous sommes officiellement dans l’ère des guards, c’est un fait. Après avoir vu la Ligue être outrageusement dominée par le secteur intérieur, c’est une bascule qui a eu lieu dans cette décennie 2010 et a mis le pouvoir entre les mains des petits hommes. On ne peut pas remporter de titre avec une équipe de shooteurs, disaient les anciens. Puis il y a eu Stephen Curry et les Warriors. Puis il y a eu la libération des Kyrie Irving, des Kemba Walker, des Damian Lillard, et la naissance de Trae Young. Finies les responsabilités archaïques, qui imposaient aux meneurs de monter la balle, installer un système et bien défendre, désormais si vous avez le bras long et le viseur précis, vous pouvez devenir le point central de votre équipe. Et justement, il y en a du client à citer dans la réflexion des meneurs nés 30 ans trop tôt.

Mark Price, Michael Adams, Dana Barros (Drazen est un arrière hein, pour ceux qui s’étouffent), la liste est longue et pour ces snipers d’élite peut-être que leur légende serait différente s’ils jouaient actuellement en NBA. Mais aucun de ces meneurs n’arrive à la cheville de Mahmoud Abdul-Rauf lorsqu’il s’agit de soupirer et regretter qu’un meneur soit né à la mauvaise époque. Phénomène à LSU, Chris Jackson de son ancien nom était ce qu’on peut rapprocher le plus de Steph avant Steph. En catch-and-shoot ou en sortie de dribble, le tir de MAR était d’une incroyable propreté, un avant-gardiste qui s’est tout simplement gouré de porte en toquant chez les 90’s. Que ce soit à Denver ou Sacramento, ce micro-meneur exhibait le profil parfait pour dominer dans la NBA du futur : confiance, technique, inconscience totale concernant les shoots loupés précédemment, avec un flair unique balle en main et de bonnes qualités athlétiques. Les anciens qui l’ont vu jouer ne peuvent que secouer leur tête en l’imaginant dans notre Ligue moderne, avec une vingtaine de pick and roll par match et des missmatch face à des intérieurs à l’extérieur. Les plus curieux ? On vous conseille évidemment d’aller checker ses matchs, et son style flamboyant, lui qui reste considéré comme un des joueurs les plus spectaculaires de NCAA sur ces dernières décennies.

Mais si on s’arrêtait là, ce ne serait même pas assez, ni juste. Ce ne serait pas la bonne manière de peindre la toile en intégralité. Car parler de Mahmud Abdul-Rauf, c’est aussi parler d’une carrière brisée en plein prime, suite à des prises de positions qui choquaient à l’époque. En 1996, cinq ans après sa conversion à l’Islam, MAR refuse de se lever pendant l’hymne national américain récité avant chaque match, qu’il voit comme un symbole d’oppression. Menacé de mort, puni avec des amendes et suspensions, le meneur va voir une carrière potentiellement brillante en NBA s’arrêter soudainement, comme si la Ligue le lâchait sur le trottoir. Peut-on affirmer, aujourd’hui, que ses mêmes prises de positions seraient nettement mieux accueillies en 2020 ? C’est difficile à dire. Mais ce que l’on sait, et Colin Kaepernick peut en témoigner, c’est que bien des choses ont changé depuis 1996 et un athlète revendiquant certaines valeurs sera plus écouté, plus amené à créer un débat collectif. Oui, sur le terrain comme en dehors, Mahmoud Abdul-Rauf est né 30 ans trop tôt. L’homme comme l’athlète. Et ce ne sont pas deux trois moves avec la Big3 League qui vont réchauffer nos coeurs pour autant.

Tir létal, créativité balle en main, rapidité, finesse, qualités athlétiques, mentalité de scoreur et tout ça dans un corps de meneur qui assume ses prises de positions, Mahmoud Abdul-Rauf est un des grands perdants de la loterie des ères NBA. La bonne nouvelle à retenir quand même ? C’est qu’après avoir été oublié pendant plus de 20 ans, tout le monde reparle de lui. Et c’est plus que mérité.