Norman Powell a activé le mode Paranorman cette saison : une explosion à retardement à l’image de sa trajectoire atypique

Le 13 avr. 2020 à 13:44 par Benoît Carlier

Norman Powell
Source image : YouTube/ GoDaddy Canada

Tout vient à point à qui sait attendre. Il a beau être une flèche sur le terrain, le proverbe traduit merveilleusement bien la carrière de Norman Powell qui s’est imposé comme l’un des piliers des Raptors cette saison. On ne parle pas de rugby mais bien d’un joueur dans l’année de ses 27 piges qui n’est pas étranger dans la remarquable campagne des champions en titre.

La trajectoire du Californien est tout sauf habituelle mais elle peut quand même donner de l’espoir à de nombreux joueurs aux quatre coins pays. Resté à UCLA durant l’intégralité de son cursus, c’est avec quatre années universitaires dans les jambes qu’il se présente à la Draft 2015 à l’âge de 22 ans. Le talent du guard a beau être intéressant, la norme veut que son plafond soit évidement moins élevé que ses petits camarades de promo adeptes du one-and-done et de trois ans ses cadets à l’instar de Devin Booker. Par chance il est récupéré par les Bucks en milieu de deuxième tour, en 46ème choix, et est envoyé à Toronto dans la foulée accompagné d’un futur pick de draft qui deviendra OG Anunoby contre Greivis Vasquez. Ainsi commence le chemin de Norman Powell dans la Grande Ligue, avec très peu de garanties de jouer et un contrat annuel de 650 000 dollars trois fois plus petit que ceux de Lucas Nogueira et Bruno Caboclo. Mais le natif de San Diego a déjà une certaine expérience avec ses quatre saisons NCAA dans le rétroviseur et Dwane Casey va très vite faire appel à lui et lui confiera même un rôle de starter lors des 17 derniers matchs de son année rookie. Une courte période qu’il terminera avec 12,7 points de moyenne, 4,1 rebonds, 1,9 assist, 0,9 interception et quelques changement de momentum grâce à ses dunks appuyés en contre-attaque, preuve de son potentiel indéniable. Il débute même son premier match de Playoffs où il est chargé de défendre sur Paul George avant de terminer fort la série en sortie de banc. Le reste de la postseason est plus délicat avec une élimination en finale de Conférence contre LeBron, ça ne s’invente pas. Mais le gamin qui n’en est pas un a déjà prouvé et Toronto sait qu’elle a mis la main sur une pépite à exploiter dans les années futures.

Les campagnes suivantes sont de la même trempe et les Raptors vont logiquement lui offrir une prolongation de 42 millions de dollars sur quatre ans pour compenser ces premières saison sous-payées en espérant le voir franchir une nouvelle étape de son développement à partir de l’été 2018. Cette première saison sous les ordres de Nick Nurse est un peu laborieuse malgré de nets progrès à 3-points et les rumeurs de trade réapparaissent. On imagine que Masai Ujiri aurait très bien pu l’envoyer à Memphis à la place de Delon Wright si son contrat n’avait pas freiné les Grizzlies dans le deal pour envoyer Marc Gasol au Canada mais par inspiration ou par obligation le président tient bon avec son prodige. La fin de la saison lui donnera raison avec un premier titre pour la franchise et un apport très irrégulier de Pow, très utile pour clôturer la série contre Milwaukee mais beaucoup plus discret en Finales NBA. Qu’importe, le second rounder a sa bague comme tous les autres et c’est même lui qui assure une bonne partie de l’ambiance lors de la célébration dans les vestiaires et pendant la parade. Mine de rien la fête c’est aussi important dans un endroit aussi froid que the 6. De retour à la Scotiabank Arena à l’automne dernier, Norman Powell se sait attendu avec des responsabilités plus importantes suite aux départs de Danny Green et Kawhi Leonard sur son poste. C’est donc l’année pour percer et il ne va pas falloir le lui dire deux fois, comme lorsqu’une brèche s’ouvre dans la défense sur une transition lancée à 1000 à l’heure.

L’arrière explose la porte d’un grand coup de pied pour vivre le moment qu’il avait toujours attendu. Rapidement titulaire grâce aux nombreux forfaits, il devient beaucoup plus régulier avec 59,3% d’effective field goal (15ème de la Ligue au milieu des intérieurs et des snipers) et n’est pas si loin du club des 50-40-90. Chaque minute supplémentaire est bien rentabilisée et il s’offre un premier record en carrière contre le Magic fin novembre avec 33 points dont 26 en deuxième période à 12/18 au tir et 5/8 du parking face à un Vavane impuissant (désolé). Il y en a un qui a bénéficié de la magie du bébé de Fred VanVleet en le portant dans ses bras. Mais contrairement aux autres années, ce coup de chaud sera beaucoup moins isolé malgré un premier arrêt de trois semaines à cause d’une luxation à l’épaule lors du passage à la nouvelle décennie. Cependant, pas de quoi dérégler la machine qui continue d’alimenter le scoring avec toujours autant d’application dès son retour, au début de la série de 15 victoires consécutives des Raptors. Avant que… patatras, nouvelle rechute et trois nouvelles semaines de convalescence à purger ce qui nous mène directement à la Norman Powell Week, début mars. Starter au poste 2 en l’absence de Fred VanVleet, il laisse éclater tout son talent en l’espace de trois matchs avec respectivement 26 points contre les Suns, 37 chez les Warriors et 31 à Phoenix avec uniquement des victoires à la clé et surtout ce fameux titre de joueur de la semaine partagé avec LeBron James. Le premier de sa carrière et aussi le dernier avant que la saison ne soit mise sur pause. Un beau symbole pour celui qui montre enfin toute l’étendue de son plein potentiel au milieu d’une saison surprenante de la part de Toronto qui pointe avec le troisième meilleur bilan de la Ligue à une vingtaine de matchs de la fin. Tant pis pour la norme, le mec se fait surnommer Paranorman après tout.

Two-way player à l’ancienne, l’ancien Bruin n’est pas un simple 3-and-D, lui qui sait aussi être un slasher qui peut grimper sur n’importe quel défenseur. Il est le deuxième joueur NBA le plus efficace en contre derrière Malik Beasley avec 1,25 point par transition et 4,4 actions du genre à chaque match selon NBA.com. En gros, lancez-lui le ballon en cloche dès la prise du rebond et il aura la nitro nécessaire pour conclure ça avec un lay-up dunk facile. Un scoreur assez complet qui doit encore un peu bosser son jeu au poste mais qui a largement rentabilisé son contrat pour les Raptors avec 16,4 points, 3,7 rebonds, 1,8 passe et 1,3 interception de moyenne à 50,2% au tir et 39,8% de la buvette. De nouveau blessé lors de son dernier match avant la suspension de la NBA, il va falloir profiter du confinement pour se construire une carapace un peu plus solide. Car sans toutes ces disparitions de quelques semaines, il aurait fait un bon candidat au trophée de meilleur sixième homme de l’année et aussi de meilleure progression de l’année. Et ça, c’est pas faute de vous l’avoir annoncé depuis un bail

Alors qu’il arrive déjà dans son prime au bout de sa cinquième saison chez les pros, Norman Powell a donné raison à Masai Ujiri d’avoir misé sur lui. Ça ne pourra peut-être pas monter bien plus haut mais toutes les conditions semblent réunies à Toronto pour que l’arrière vive sa meilleure vie. Peu importe ce qu’il se passera maintenant, le pari est déjà réussi pour le senior de UCLA issu du second tour. Venez le chercher.