Si Kobe Bryant était encore là, il nous dirait ceci : relevez-vous, embrassez la vie, et bossez avec passion pour réaliser vos rêves

Le 28 janv. 2020 à 13:55 par Bastien Fontanieu

Kobe Bryant
Source image : YouTube

Quasiment deux jours sont passés depuis la terrible disparition de Kobe Bryant, ce dimanche. L’impression que cela fait davantage un mois et demi tant le temps passe au ralenti, mais voilà – aussi – le challenge qui nous est imposé aujourd’hui. Un challenge qui nous lie tous, étrangement, à Kobe : celui de tourner la page et d’avancer la tête haute, comme lui nous dirait de le faire en premier.

Mardi matin, 9h.

Encore une journée qui démarre, une comme les autres sur le papier. Le café est là, le mug pareil, le clavier est le même, rien d’anormal ou de différent au premier abord. Et pourtant, tout semble si différent. Il y a ce mal-être qui perdure, une sensation partagée par tous ceux qui souffrent de cette tragédie. Comme si on avançait au ralenti, les pieds dans le béton. Comme si le cerveau était bloqué sur pause depuis 48h. Oui, ok, faut aller au boulot, déjeuner à midi et rentrer ce soir pour dîner. Logique, rien de nouveau là-dessus. Mais les goûts et les couleurs ne sont plus tout à fait les mêmes dans le moment présent. On se dit que ça va passer… mais pas maintenant.

Il y a ceux qui ne réalisent pas encore la nouvelle, et ne savent pas comment faire pour avancer. Il y a ceux qui nous écrivent (vous êtes nombreux, on vous remercie) pour nous témoigner leur douleur, leurs histoires, et ont juste besoin d’une main à attraper, d’une oreille à laquelle parler. Certains avancent plus vite que d’autres, d’autres avancent moins vite que certains. L’envie de taper un basket ? Pas trop. En gros, c’est le bordel. Et la même expression vient en tête, que ce soit dans l’insomnie de la nuit ou au réveil ce matin.

Putain, ça suffit oui…?

D’habitude.

Ce terme est important : d’habitude. D’habitude, on se réserve le droit de parler de basket, de basket, et de basket uniquement. Nous le faisons sous différentes formes, chaque jour, en comptant sur nos repères et automatismes pour ce faire. Il y a une certaine routine dans la forme, d’ailleurs. Une routine réconfortante. Match du soir, preview, recherche d’infos, coucou au matin, check-up à midi, et ainsi de suite. D’habitude, on peut compter sur cette base pour aller de l’avant, et faire fonctionner notre petite machine locale. Cette habitude, vous l’avez certainement, vous aussi, dans votre vie. Quelle qu’en soit la forme.

Peut-être que vous lisez cet article à la pause dej.

Ou bien dans les transports.

Peut-être que vous défilez cette phrase en terminant votre clope, ou votre café. Assis, ou debout.

Peu importe le modèle, qui appartient à chacun, on peut compter sur celui-ci pour se sentir rassuré. C’est notre petite recette à nous, à chacun d’entre nous. D’habitude, on entretient ce modèle pour qu’il reste chouchouté dans un coin de notre vie. Il est là, dans le paysage, sans faire de bruit. C’est rassurant. Et d’habitude, on sait comment faire au cas où quelque chose d’exceptionnel arrive. On a notre propre méthode et on l’applique avec conviction pour éviter de se sentir instable, bancal. D’habitude, on a une idée de comment agir et réagir face à la tristesse.

Mais soyons clairs aujourd’hui. Soyons honnêtes et disons les choses comme elles sont.

On parle du jour le plus triste dans toute l’histoire de la NBA.

On parle d’un des jours les plus tristes dans toute l’histoire du sport moderne.

Un des plus grands athlètes de tous les temps est mort, à 41 ans, avec sa fille de 13 ans dans ses bras.

Le décès de Kobe Bryant est d’une telle violence et soudaineté qu’il n’y a aucune place pour le “d’habitude”.

Voilà de quoi il s’agit.

Alors évidemment, de manière consciente et pragmatique, certains auront envie de faire leurs recherches, pour comparer. Une triste recherche, mais une recherche tout à fait compréhensible. L’autre événement qui vient en tête, c’est l’annonce de la séropositivité de Magic Johnson, le 7 novembre 1991. Mais n’allons pas plus loin, pas maintenant. Nous aurons l’occasion de le faire, collectivement, à l’avenir.

Si nous tenons à mettre des mots sur ce que représente la mort de Kobe Bryant, c’est tout simplement pour réaliser la puissance et le poids de ce moment, puis avancer ensemble. C’est pour ne pas avoir peur d’affronter ce que c’est pour ce que c’est, et ne pas avoir honte de réagir comme nous réagissons. D’habitude, on prendrait quelques jours pour s’en remettre, et on aurait quelques éléments auxquels se raccrocher. D’habitude, on ne serait pas aussi fragiles, aussi instables. Mais il n’y a pas de “d’habitude” ici.

Pour des milliers de basketteurs et basketteuses qui ont trouvé leur refuge dans le basket-ball, c’est comme si on souillait leur temple sacré. Comme si quelqu’un était entré et avait tout saccagé, comme un tremblement de terre venu défoncer nos fondations. Combien sommes-nous à avoir développé cette passion et cette curiosité pour la balle orange ? Combien sommes-nous à avoir entretenu une relation intime avec ce sport, dans sa pratique, sur les terrains ou devant un écran ? La mort de Kobe provoque ce sentiment inimaginable et pourtant si réel, celui d’avoir perdu un membre de sa famille. Il est important de le lire, de l’écrire, de le sortir, quelle que soit la manière, pour extérioriser cette boule au ventre et avancer la tête haute. Chacun la durée de son deuil, chacun sa façon de se recueillir, mais impossible de tourner la page sans faire face à cette triste réalité.

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C’était une envie soudaine, plus qu’autre chose. L’envie de voir Kobe dans un de ses nombreux documentaires. Le revoir jouer, le revoir parler. Mais surtout l’entendre, en fait. Ce lundi soir, après une journée exténuante et qui semblait interminable, je décidais de regarder Musele documentaire de Kobe Bryant diffusé sur Showtime en 2015. On vous le conseille, plus que jamais actuellement. Le savant du basket, toujours aussi précis, rayonnait par ses descriptions méticuleuses. Le père de famille, troublé par ses erreurs passées, touchait par la transparence de ses propos. Et au milieu de tout ça ? Une idée émergeait, une pensée, forcément liée à Kobe lui-même.

Mais que ferait Kobe à notre place ?

Ce dimanche, lorsque la NBA a appris la terrible nouvelle, un débat a eu lieu autour des matchs de la nuit. Est-ce qu’il était vraiment intelligent et bienveillant de laisser les joueurs s’affronter entre eux, avec un coeur aussi lourd et autant d’émotions en tête ? Est-ce que la meilleure des choses à faire n’était pas d’annuler ces matchs… ou de se retrouver sur le terrain, justement ? Si la décision finale continue et continuera à alimenter la discussion, la Ligue a plutôt opté pour une série d’hommages sur le parquet, entre les 24 puis 8 secondes écoulées sur l’horloge, les messages écrits sur les chaussures des joueurs, et les maillots 8-24 portés avec fierté pendant les introductions. Le match entre Clippers et Lakers, qui devait avoir lieu ce soir, a été reporté. Mais la NBA a décidé de continuer.

Et quelque part, la vie continue.

C’est ce que Kobe nous dirait.

C’est ce que Kobe nous a toujours dit, en fait.

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— TrashTalk (@TrashTalk_fr) January 26, 2020

Passez un bon moment, profitez de la vie. La vie est trop courte pour s’enfoncer ou se sentir découragé. Il faut continuer à avancer, continuer à aller de l’avant, mettre un pied devant l’autre, sourire et enchaîner.

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— TrashTalk (@TrashTalk_fr) January 28, 2020

Peut-être qu’elle est là, après tout, la lumière au bout du tunnel. Peut-être qu’elle est ici, la main tendue, la porte qui s’entrouvre et nous permettra prochainement de tourner la page. Elle vient de Kobe lui-même, et de son héritage unique. Les accomplissements ? Ce n’est pas très pertinent. Nous n’avons pas besoin de savoir qu’il a plus de 30 000 points en carrière, 5 titres de champion NBA, 2 titres olympiques et 20 saisons passées dans une seule et même franchise. Nous n’avons pas besoin de faits, son Dunk Contest, ses All-Star Games et ses Playoffs. Ce dont on a peut-être besoin, c’est de se rappeler ce que représentait Kobe avant toute chose. Avant que ce soit une page Wikipédia ou un simple CV.

Kobe affrontait les obstacles comme peu l’ont fait.

Kobe jouait avec la douleur comme peu l’ont montré.

Kobe devait sortir des flammes de l’hélico et sauver les rescapés. C’était la suite logique de ce qu’il nous avait toujours montré.

L’obstacle, la douleur, ce sont toutes les personnes qui sont profondément touchées par cette tragédie qui y font face aujourd’hui. Et si la méthode ou la durée, la recette ou le timing appartiendront à chacun, il faut avant tout se rappeler ceci. Si Kobe était assis à côté de nous aujourd’hui, et qu’il nous voyait en peine, sur pause, meurtris, il nous taperait dans le dos en nous disant de nous relever. Kobe nous tendrait la main et nous rappellerait qu’il n’y a pas d’obstacle tant qu’on ne s’en impose pas. Que la douleur physique est momentanée, mais que l’esprit contrôle tout le reste.

Kobe nous jurerait que s’il faut traverser deux fois l’océan Atlantique à la nage pour ne plus ressentir la moindre peine aujourd’hui, il pourrait y arriver et prendrait son plus beau maillot de bain dans la minute. Et quelque part, on le croirait. Car rien ne semblait impossible et infaisable avec lui.

C’est ça, l’héritage de Kobe, dans le monde du sport, dans nos temples sacrés dédiés au basket, et dans la vie d’une manière générale. Cette capacité quasi-inhumaine à dépasser les limites, à affronter la douleur, à chercher encore plus loin dans l’excellence et le bonheur, pour atteindre un sommet qui ne semble pas exister. Vous êtes prof ? Alors soyez le meilleur prof possible. Vous êtes étudiant ? Alors étudiez jusqu’à en perdre conscience et devenez le meilleur ou la meilleure dans votre domaine. Vous faites tel ou tel métier ? Vous êtes passionné ?

Alors foncez.

Acceptez les obstacles qui surviendront sur votre chemin. Appréciez chaque moment de votre aventure, bon comme mauvais. Comprenez que de perfection il n’y a pas, mais que le chemin qui mène vers cette perfection illusoire vous rapprochera du bonheur.

Ça y est.

Il est 14h, je peux enfin commencer à tourner la page.

Merci, Kobe.