Kobe Bryant, les souvenirs de la rédaction : les mots ne suffisent pas mais parfois ils font du bien

Le 27 janv. 2020 à 17:49 par Giovanni Marriette

dear basketball 27 janvier 2020 rédaction
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Comme pour vous, ici les mots ont quelque peu traîné à sortir hier soir, cette nuit, puis encore ce matin. La rédaction TrashTalk a tout de même tenu à poser quelques phrases sur le mal-être, d’infimes bouts de mémoire dans un océan de souvenirs. Parce que ça fait aussi du bien, d’en parler.

Giovanni

13 avril 2016. Un mercredi soir comme un autre, mais ça c’est pour les gens que j’appellerai “les autres”. Car nous (nous c’est mes trois potes et moi), on a plutôt décidé de se retrouver dans les 2h30 du matin dans un petit appartement du centre-ville pour vivre la dernière soirée de la saison régulière. Cette nuit les Warriors devraient enfin taper le record mythique des Bulls 96 (72-10), ça valait bien une petite réunion entre potes non ? Sauf que… c’est presque ça. Car bien sûr qu’on va garder un œil sur ce qu’il se passe du côté de l’Oracle Arena (GS gagnera évidemment face aux Grizzlies), mais l’évènement du soir se passe plutôt au Staples Center de Los Angeles. Avec moi un fan inconditionnel de Kobe, qui n’a pas l’habitude de se lever la nuit mais qui a évidemment fait l’effort cette nuit-là, et mes habituels compagnons nocturnes, manquerait plus qu’ils ne soient pas là ce soir-là. Cette nuit vous vous en souvenez tous, c’est bien sûr celle lors de laquelle Kobe Bryant inscrira 60 points lors de son dernier match et lâchera un éternel et aujourd’hui si cruel “Mamba Out”, le visage crispé par l’émotion et le corps affaibli par vingt années de travail à la chaîne. Plus que la perf en elle-même, on l’a décrypté sous tous ses angles maintes et maintes fois, cette soirée restera à jamais gravée dans ma mémoire. Un dernier quart passé à jouer aux jeux des départements à chaque panier du Mamba, excités comme des ados de seize ans qui sortent pour la première fois en boîte. Un dernier quart passé debout, à 5h30 du matin, entre potes, à se prendre dans les bras les uns des autres comme si un frère se mariait, comme si on venait de gagner au Loto, putain que cette NBA nous rend fou, putain qu’est-ce que Kobe a pu nous faire transpirer de bonheur cette nuit-là encore et pour la dernière fois. Alors merci pour ça, notamment, entre mille autres merci.

Julien

TrashTalk n’existerait certainement pas sans Kobe Bryant. Tout simplement. Il est mon tout premier lien avec la NBA, celui qui m’a fait accrocher à ce sport en admirant ses exploits. Je me rappelle que c’est en voyant mes premières images de basket que je suis entré dans la spirale d’un fan de NBA. J’avais une dizaine d’années et c’était les actions d’un certain Kobe Bryant… J’ai commencé à acheter mes premiers magazines de basket dans lesquels on racontait ses exploits, j’attendais avec impatience le prochain poster de Kobe. C’était les années 2000, celles où j’ai grandi avec les Lakers et Kobe Bryant, celles où je tentais de reproduire ses gestes sur les terrains du collège, celles où j’ai appris le sens du terme Clutch… Les événements qui m’ont marqués sont nombreux, beaucoup trop nombreux. J’ai vibré au rythme de ses matchs, de ses exploits. Le three-peat, les différents All-Star Games, les 62 points contre Dallas, les 81 points face à Toronto, le dunk sur Steve Nash, celui sur Dwight, le titre de 2010 face aux Celtics, le dernier match face au Jazz… En fait, si je devais ne retenir qu’une année ce serait probablement 2006, celle où Kobe a porté à bout de bras les Lakers, celle où je me relevais la nuit pour regarder tous les matchs du Mamba. Et si je devais retenir un seul moment, ce serait le Game 4 face aux Suns de Steve Nash : de l’égalisation à 90 partout grâce à une interception de Smush Parker, jusqu’au game winner en prolongation sur la tête de Raja Bell. Un soir où j’ai réveillé tout le monde en criant, sautant partout dans ma chambre. Un soir de plus où Kobe a pris toute l’équipe sur son dos pour la porter à la victoire.

Nicolas

Kobe Bryant n’est plus là. Que dire ? Difficile de trouver les mots en ces temps très difficiles pour toute la planète basket et le monde du sport en général. Kobe Bryant fait partie de mes premières idoles et j’ai évidemment beaucoup d’images qui me reviennent en tête suite à cette terrible tragédie. Le Black Mamba a laissé énormément de souvenirs et de moments épiques durant sa carrière NBA, et c’est toujours compliqué de sélectionner dans ce genre de cas. Mais pour moi aujourd’hui, si je devais ressortir un moment parmi les autres, ce serait le Game 7 des Finales 2010 entre les Lakers et les Celtics. Pourquoi ce moment-là ? Car je suis parti en voyage à Los Angeles directement après la fin du match, au petit matin, juste après avoir vécu un incroyable moment de basket. J’ai pu aller dans la Cité des Anges pendant qu’elle était en fête suite au titre des Lakers, alors qu’aujourd’hui elle pleure son héros. Ce Game 7 face aux Celtics, et ce cinquième titre NBA pour Kobe donc, est l’un des plus grands instants de sa carrière, hands down. Il n’était pas en réussite ce soir-là mais à travers son intensité et sa rage de vaincre, il a réussi avec ses coéquipiers à arracher la baguouze contre ce rival de Boston toujours hardcore à jouer, et qui avait battu les Lakers deux années auparavant. Ce fut un combat de tous les instants, qui a peut-être plus que jamais montré le feu intérieur de Kobe même quand il était dans le dur. 6/24 au tir ? Ok, mais aussi 23 points à 11/15 aux lancers francs et 15 rebonds. Gagner, coûte que coûte, et c’est ce qu’il a fait, encore une fois. On a tous en tête cette image de Kobe qui célèbre sur la table de marque, avec le ballon de la rencontre dans la main et la casquette de champion NBA sur la tête. Une image magique, une image all-time, qui malheureusement donne des larmes de tristesse aujourd’hui. Repose en Paix Kobe.

Alexandre

Nous sommes dans la nuit du 12 au 13 avril 2013. Il doit être environ 6h30 du matin en France. Au Staples Center, les Lakers de Kobe Bryant, Pau Gasol et Dwight Howard sont sur la fin d’un match très serré et crucial pour la qualification en Playoffs, face aux Warriors. 109-107 pour Golden State. Il reste un peu plus de trois minutes avant la fin du temps règlementaire. Kobe a la balle en main. A presque 35 ans, il est encore en train de faire la misère à son adversaire. Harrison Barnes est sur lui. Le Mamba démarre main gauche, fait quelques mètres et s’écroule. A-t-il glissé ? Y a-t-il faute ? Toujours est-il que l’arbitre a sifflé mais ce n’est pas la priorité du moment de toute façon. Car instantanément, Kobe porte la main à son talon gauche et semble vraiment souffrir. Après de longues secondes, Pau Gasol l’aide à se relever mais Bryant boîte très bas. On voit qu’il peut à peine poser le pied gauche au sol. Il se traîne ainsi jusqu’au banc. Un soigneur vient tout de suite à sa rencontre et tâte le talon de la star. Conciliabule côté staff et joueurs de L.A. Les visages sont fermés. On ne le sait pas encore mais Kobe vient de se rompre le tendon d’Achille. Assis sur le banc, il discute avec son staff. On ne sait pas ce qui se dit mais on voit Bryant se relever et se diriger vers l’autre bout du terrain. A tous petits pas, grimaçant et visiblement dépité, le numéro 24 va se rendre sur la ligne de lancer. Sans trembler et malgré une douleur que l’on imagine très sérieuse, il va transformer ses deux tentatives et ainsi remettre les deux équipes à égalité. 109-109. Il expliquera plus tard qu’il “ne voulait pas laisser l’adversaire choisir le tireur de ces deux lancers”. Sur la remise en jeu, les Lakers font tout de suite faute pour permettre à Kobe de sortir. Avec le mêmes tous petits pas et sous une standing ovation du public, il va traverser de nouveau le terrain pour filer direct au vestiaire. Ce moment est le symbole du niveau d’abnégation et de résistance à la douleur du Black Mamba. Et c’est ce souvenir que j’ai envie de garder de lui. Au delà de toutes ses performances incroyables, de son palmarès hallucinant ou de son charisme fou, c’est ce guerrier des parquets que j’ai envie de garder en tête. Putain…

Ben

Heureux témoin d’une étape de la tournée d’adieu de Kobe Bryant à Toronto en décembre 2015, j’ai surtout eu la chance de le recroiser lors de sa venue au Canada à l’occasion de son dernier All-Star Game. Parmi toutes les stars que j’ai vu défiler au Air Canada Centre cette année-là, le Mamba est celui qui m’a le plus impressionné par son aura et son charisme. Il n’y a même pas photo. Sa simple arrivée dans la pièce attirait instantanément tous les regards comme des aimants. Mais au-delà de l’immense honneur d’avoir pu le voir jouer de mes yeux aux côtés de Roy Hibbert ou Robert Sacre, je me rappellerai surtout ce discours fait aux enfants de la région lors d’un événement organisé par son équipementier. Probablement un entre mille pour lui mais durant les 20 minutes de l’interview menée par Rick Fox, pas un bruit ne viendra gêner les mots de la légende. Toute l’assemblée, journalistes et staff y compris, était captivée par Kobe et ses conseils promulgués aux plus jeunes, bien loin des valeurs de Coubertin mais tellement sincères. Car comme son ancien coéquipier pouvait en témoigner en direct, il n’était pas là pour se faire des amis ou pour tisser des liens. Tout ce qui a toujours compté pour lui était de gagner, encore et encore. On se rend compte aujourd’hui qu’il faisait l’unanimité malgré tout, comme leader et comme grand frère. Il n’y aura toujours qu’un seul Mamba mais sa mentalité restera surtout une source d’inspiration infinie, quelque soit l’âge et la passion. Et son nom rimera toujours avec succès. Adieu Kobe, on ne t’oubliera jamais. Bonne chance aux nouveaux joueurs pour battre ses records car après tout, c’est tout ce qu’il a toujours souhaité… Aider chacun à devenir la meilleure version de lui-même.

Bastien

J’ai ce souvenir de décembre 2005. Un match des Lakers à Los Angeles, face aux Mavs de Dirk. C’était la grande saison de Kobe, celle de tous les records au scoring, celle de l’impossible… possible. Dans une rencontre dédiée notamment à Rick Fox, son coéquipier de longue date, Kobe va prendre feu et réaliser une performance qui, selon moi, est probablement la plus incroyable et difficile à reproduire de toute sa carrière. Ne tournons pas longtemps autour du pot, le Mamba va claquer 62 points en trois quarts-temps. En feu, Bryant anéantit tous ses défenseurs et donne la leçon aux Mavericks. C’est un show dont lui seul est capable, celui où le basket devient le jeu tel qu’il est, le show tel qu’il peut être. Mais sommes-nous vraiment conscients de ce qu’il se passe ? De voir un homme marquer plus de points que… toute une franchise en face…? Fin du troisième quart, 62 pour Kobe, 61 pour les Mavs. Il y aura peut-être un autre joueur capable de planter 81 points, il y aura peut-être un autre joueur capable de dominer autant son sport techniquement. Mais ça, défoncer les limites que l’on connaît, un scoreur qui bat à lui seul toute une équipe, non. Je ne peux pas le croire. Comme sa disparition d’ailleurs. Et dire qu’après avoir marqué ces 62 points, il annoncera réaliser un record encore plus grand quelques mois plus tard, un soir de janvier contre Toronto… Légendaire et hors normes, Kobe, tout simplement.

David

« If you don’t believe in yourself, no one will do it for you ». Ce slogan, l’un des premiers associés à la silhouette de Kobe Bryant, m’est toujours resté en tête. Pas tellement comme un mantra appliqué à ma vie mais comme le symbole de ce jeune homme débarqué dans la Ligue qu’il va marquer de son empreinte. À l’époque il détonne justement par cette assurance alors qu’il a encore tout à prouver au milieu des adultes. Mais il ne doute pas. Il taffe et fait sa place. Des soirs de façon brillante, d’autres fois dans la douleur. Comme pour lui rappeler sa jeunesse et tout le chemin à parcourir. Mais le lascar est déterminé et son style avec une pointe d’insouciance – ou d’insolence – ravit les fans. C’est ainsi qu’en 1997, il débarque au All-Star Game après avoir toisé la foule un an plus tôt, tel un gladiateur exhibant ses muscles en remportant le concours de dunk. Cette fraicheur qu’il a apporté à ses débuts, plus encore que ses exploits, est l’image que je garde de Kobe. Celle d’un gamin de 19 piges qui se frotte à son idole au milieu des stars, parce qu’il en fait partie. Et qui dégage un truc différent. Une forme de joie couplée à une détermination sans faille. Parce que même joué sérieusement, le basket est un jeu. Et que le plaisir d’y jouer est primordial.

Théo

La nouvelle est compliquée à avaler, et le timing est affreux… En pleine semaine anniversaire de ses 81 points, quelques heures seulement après que LeBron lui soit passé devant au tableau des scoreurs all-time. Kobe revenait de plus en plus au Staples Center, on le voyait avec… sa fille, notamment. Sa disparition soudaine est compliquée pour une bonne partie de jeunes fans NBA, ceux dont je fais partie, qui ont grandi avec ses exploits. A titre personnel il est la première légende du jeu que j’ai vu partir à la retraite. Et donc que j’ai vu partir tout court. Pour moi, Kobe est un être exceptionnel. Il n’est pas humain c’est sûr, ce gars devait même très probablement résister aux balles. Encore une déception tiens. Je suis un fan des Celtics, et j’ai adoré détester Kobe Bryant. On peut ne pas aimer le joueur, le personnage peut-être. Mais l’homme était, d’après tout un chacun, incroyable. C’était un adversaire phénoménal qui s’inscrivait incroyablement bien, notamment, dans cette rivalité entre Celtics et Lakers. Il a même permis de raviver cette rivalité. Pour vivre de grands moments de sport, il faut un grand adversaire. Et je ne sais pas s’il y a meilleur adversaire que lui. Si Boston a souvent perdu face aux Lakers, je suis heureux aujourd’hui qu’ils aient perdu contre ce mec-là. Je l’ai peut-être insulté devant ma télé, mais au fond de moi je respectais le talent du garçon. Le genre d’adversaire exceptionnel, celui qui a fait lever des gars pour aller s’entrainer plus dur, s’améliorer pour aller le fracasser en Playoffs. C’est arrivé, mais il nous a bien tapé aussi, nous, les C’s. Il me fait par exemple souffrir à chaque fois que je le revois inscrire un panier sur la tête d’Allen en 2010.  Ceux qui ont joué savent à quel point l’adversité force le respect. Ceux qui ne connaissent pas encore ce sentiment l’ont découvert hier soir, et il est plus fort que tout. Ah oui, LeBron James inscrivait sur ses chaussures samedi soir « Kobe 4 life »… Du coup en prenant compte de la nouvelle, je suis allé sur 2k hier soir. J’ai pris mes Celtics, j’ai affronté ses Lakers. J’ai monté la difficulté. Et je n’ai jamais autant apprécié de me faire taper par Kobe hier. Il était fort. Merci Kobe de m’avoir rousté, ça m’a fait un peu de bien. Merci pour tout d’ailleurs.

Jeremy

Kobe, je t’ai détesté… et j’ai adoré ça. Fan relativement récent de la NBA, quand j’ai commencé à la suivre tu n’étais déjà plus tout jeune. Adepte des Spurs et du jeu collectif, voir une star prendre autant de place et de shoots dans une équipe, à ton âge, franchement ça me dépassait. En témoigne ton dernier match. Je ne pouvais m’empêcher de regarder le score pour te tacler en cas de défaite. J’aurais sûrement lâché une vanne sur tes points marqués mais le résultat au bout, croqueur que tu es, juste pour faire chier. Le problème, c’est que tu étais avant tout un croqueur qui gagnait, et avec 60 points et la victoire pour ta dernière repréentation, j’ai bien été forcé de ranger mes vannes.  J’ai appris à te connaître dans l’adversité, et même dans celle-ci, comme tous, je n’ai pu que te respecter. Joueur et mentor aux valeurs extraordinaires, peu sont ceux qui ont impacté le basket autant que toi. Même moi, petit hater que je suis, j’ai crié de grands KOBE avant de faire de misérables airballs. Eh oui que veux-tu, tout le monde n’a pas ton talent, personne en fait. Et je suis loin d’être le seul. C’est aussi ça la marque des plus grands, influencer aussi largement son monde au point de devenir une référence dans celui des autres. Sur et dehors du terrain, ton absence va laisser un vide impossible à combler. Quand l’annonce de la disparition d’un joueur que l’on a aimé détester nous touche à ce point, c’est peut-être qu’au fond, on l’a aussi simplement aimé. Pour tout ce que tu as fait pour une franchise légendaire, pour notre monde et pour tous les autres, merci Kobe.

Ce n’est peut-être pas grand chose, mais c’est surtout une thérapie plus qu’autre chose. Si les mots ont du mal à sortir de votre bouche couchez-les donc sur le papier, ça va pas changer le monde mais on vous assure que ça permet de souffler un peu.