Russell Westbrook et le Thunder, la fin d’une époque : onze années de hauts et de bas, mais une connexion éternelle

Le 12 juil. 2019 à 19:12 par Nicolas Meichel

Russell Westbrook
Source image : NBA League Pass

Cette nuit, aux alentours de 2h30 du matin, une page s’est tournée à Oklahoma City. Ou plutôt, un chapitre s’est refermé, pour ne pas dire un livre tout entier. Clairement, le transfert de Russell Westbrook vers Houston marque la fin d’une époque à OKC. Quand on pense au Thunder, on pense automatiquement à ce numéro 0 qui a tout donné pour sa franchise pendant plus d’une décennie. Il y a eu des hauts, il y a eu des bas, mais il y a surtout eu une vraie connexion entre le joueur et les fans de l’Oklahoma. Et ça, c’est intemporel.

Il y a encore trois mois, quand la saison régulière touchait à sa fin, ce scénario paraissait improbable. Russell Westbrook sous un autre maillot que celui du Thunder ? Non, pas possible. Dans une ère où les superstars n’hésitent pas à changer de crèmerie pour maximiser leur carrière sur comme en dehors des parquets, le meneur d’Oklahoma City faisait partie de ces rares joueurs liés à une seule et même franchise. A l’image d’un Dirk Nowitzki avec les Mavericks, d’un Tim Duncan avec les Spurs ou d’un Kobe Bryant avec les Lakers, Russ était parti pour faire toute sa carrière dans l’Oklahoma, dans l’équipe où il a été drafté. Alors oui, on sait, ce sont les Supersonics qui ont sélectionné Westbrook en quatrième position de la Draft 2008, mais il a débarqué à OKC en même temps que le Thunder, signe que le joueur et la franchise étaient destinés à faire un gros bout de chemin ensemble. Mais onze années plus tard, le voilà parti à Houston, où il évoluera avec un certain James Harden, également un ancien de la maison. Ce transfert était attendu après les derniers rebondissements qui ont entouré Oklahoma City, avec d’abord une nouvelle élimination au premier tour des Playoffs et puis surtout ce trade de Paul George vers les Clippers, qui a officiellement marqué le début de l’opération destruction-reconstruction portée par le manager général Sam Presti. On savait que ça allait arriver. Que ce soit du côté du Thunder ou de Russell Westbrook, on avait pris conscience qu’un transfert était probablement la meilleure chose à faire pour tout le monde. On peut donc parler de divorce par consentement mutuel mais ça reste un divorce. Et quand on est fan d’OKC, ou même tout simplement fan de NBA, cette séparation marque la fin d’une relation spéciale que l’on retrouve de moins en moins dans la ligue actuelle.

Pourquoi spéciale ? Car le public de la Chesapeake Energy Arena a vu l’évolution d’un joueur pendant ses onze saisons au plus haut niveau, passant du statut de rookie à celui de All-Star puis de superstar. Et dans le même temps, ce joueur a aidé à mettre le Thunder sur la carte NBA. Quand vous prenez la place d’une franchise comme les Seattle SuperSonics, dans un petit marché comme Oklahoma City, c’est à travers des phénomènes comme Russell Westbrook que vous arrivez à vous imposer dans le paysage du basket US. Ensemble, Russ et OKC ont vécu les mêmes choses. Des victoires éclatantes, des exploits historiques, mais aussi des défaites frustrantes et de vraies grosses déceptions. Le numéro 0 était présent quand le Thunder était au fin fond de la ligue lors de sa saison rookie. Il a grandement participé à l’ascension spectaculaire d’Oklahoma City aux côtés de Kevin Durant et James Harden, jusqu’à cette défaite lors des Finales NBA 2012 face au Big Three de Miami guidé par LeBron James. Il a connu les éliminations successives en Playoffs, qui ont débouché sur le départ de KD vers Golden State. Ce départ justement, il a évidemment fait très mal au Thunder, qui n’a pas remporté la moindre série de postseason depuis, mais il a également fait passer Westbrook dans une nouvelle dimension aux yeux des fans d’OKC. Sur le terrain, Brodie a affolé les compteurs comme jamais en réalisant trois saisons consécutives en triple-double (!!!), avec un titre de MVP 2017 en prime. Et dans les esprits, il est devenu le héros local, celui qui est loyal à sa franchise, celui qui prolonge son contrat pour rester avec son équipe de toujours pendant qu’un autre évolue dans une team cheatée sous le beau soleil californien. Tout ça, ça crée évidemment des liens très forts, et on ne parle même pas de son implication remarquable dans la communauté d’Oklahoma City.

“Je veux remercier tous mes fans à travers le monde qui me supportent durant ma carrière, mais en particulier ceux d’Oklahoma City. Vous êtes à mes côtés depuis le premier jour, pour les bons comme les mauvais matchs, et toujours là pour m’encourager. Je vous remercie vraiment.”

Ces mots, prononcés par Russell Westbrook lors de son discours du MVP il y a deux ans, parlent d’eux-mêmes. On le sait, Brodie est loin d’être un joueur parfait, et les fans d’OKC seront sans doute les premiers à le dire. C’est un athlète all-time, un gars qui peut mettre le feu dans n’importe quel match, mais aussi un joueur dont les fils se touchent parfois et qui peut prendre des mauvaises décisions, notamment dans le money-time. Si Kevin Durant est parti pour rejoindre le collectif de rêve des Warriors, ce n’est pas par hasard. Si le Thunder a été incapable de remporter la moindre série de Playoffs ces trois dernières années, ce n’est pas un hasard non plus. Clairement, il a sa part de responsabilité dans le manque de succès récent d’Oklahoma City avec Paul George à ses côtés, lui qui s’est par exemple fait bouffer par Damian Lillard au premier tour cette année. Mais les supporters du Thunder auront toujours un attachement spécial envers lui. Sur le terrain, il a toujours tout donné. Si Russ est un joueur qui divise énormément, il y a un sujet sur lequel tout le monde est unanime. Le mec se bat comme un chien, n’a peur de personne et évolue avec une intensité de tous les instants. Cette intensité et cette volonté de gagner sont des caractéristiques qui ont fait de lui le chouchou du public très bouillant d’OKC, qui s’est nourri de l’énergie de son poulain et inversement. L’ambiance de la Chesapeake Energy Arena quand Westbrook claquait un dunk surpuissant, c’était quelque chose. Voir Brodie célébrer une action décisive (ou pas d’ailleurs), avec 18 000 fans qui rugissent derrière, c’était lourd. Mais cela appartient désormais au passé, et on peut dire qu’Oklahoma City perd une partie de son âme avec son départ. Le Thunder sans Westbrook, Russ sous les couleurs des Fusées, c’est très difficile à imaginer. Evidemment, on va s’y faire avec le temps. C’est comme tout. Mais là tout de suite, non, on n’y arrive pas. Et pour être honnête, on n’a pas l’envie. Car on n’efface pas onze années comme ça, surtout quand il y avait une telle communion entre le joueur et son public.

Russell Westbrook n’a pas réussi à ramener un titre au Thunder, mais il a laissé une empreinte indélébile à Oklahoma City. Il n’a jamais été irréprochable, mais il a toujours été lui-même, avec ses qualités, ses défauts et son style bien à lui. Adopté par OKC, il est rentré au Hall of Fame de l’Etat de l’Oklahoma en 2016, et il aura un jour son maillot au plafond de la Chesapeake Energy Arena. Une légende locale, tout simplement.