Le jour où le rookie Wes Unseld est devenu MVP de régulière : petit pivot mais immense rebondeur

Le 24 mars 2019 à 14:11 par Alexandre Martin

Wes Unseld
Source image : YouTube / Vintage NBA

Lors du All-Star Game 1997, pour ses 50 ans, la NBA a honoré ses 50 meilleurs joueurs. Au milieu des Kareem Abdul-Jabbar, Moses Malone, Wilt Chamberlain, Shaquille O’Neal, Bill Russell ou encore Hakeem Olajuwon, un petit pivot est présent ce soir-là. Il rend une tête à tous ces autres postes 5. Il est tellement moins connu aujourd’hui que c’en est indécent mais Wes Unseld a bien sa place au sein de ces légendes car il en est une, tout simplement. Et le monde de la balle orange n’a pas eu besoin de longtemps pour s’en rendre compte car cela s’est vu dès sa première saison sur les parquets de la Grande Ligue.

Le 4 juin 1968, New York accueille une nouvelle fois la grande cérémonie de la Draft. Bien positionnés juste derrière le premier choix des San Diego Rockets, qui n’hésiteront pas la moindre seconde avant de sélectionner un certain Elvin Hayes, les Bullets vont opter pour Wes Unseld, un joueur atypique, formé à Louisville dans le Kentucky. A l’époque, les Bullets sont installés à Baltimore et viennent de finir la saison 1967-68 avec seulement 36 victoires, ce qui ne leur a pas permis de participer aux Playoffs. Ils ont pourtant un duo d’arrières très performant avec Kevin Loughery et Earl “The Pearl” Monroe, accompagné d’un ailier sérieux et très athlétique en la personne de Gus Johnson. Le souci des Bullets est qu’ils se font dominer sous les cercles quasiment tous les soirs vu les monstres qui écument les raquettes dans ces années-là. Pour autant, en gardant le même style de jeu, basé sur la vitesse et la capacité à scorer de ses joueurs extérieurs, Baltimore va tout de même passer de 36 à 57 victoires dès la première saison de Monsieur Wes Unseld !

Car l’ami Wesley n’est pas un rookie comme les autres. A 22 ans et seulement haut de 201 centimètres, il s’est pointé sur les planches NBA pour jouer pivot et il a commencé instantanément son travail de sape. Il faut dire que si Unseld est petit pour le poste, il dispose d’un corps de 115 kilos directement taillé dans un bloc de granit. Il a très rapidement été surnommé “The Wide U” mais on aurait aussi pu l’appeler “le frigo américain” ou “le coffre-fort” tant il était compliqué de le contourner au rebond et douloureux de s’y frotter d’une manière générale. Son activité sous les cercles des deux côtés du terrain est incessante, et ses écrans aussi durs que larges ou vicieux. Son attitude est incroyable. Il ne recule devant rien ni personne, il défend le plomb, il est de tous les combats et en ressort souvent avec le ballon en main. Et attention, Unseld n’est pas juste un bestiau des raquettes, il comprend et voit parfaitement le jeu. Un vrai joueur collectif par définition, un gars qui fait en sorte que chacun puisse faire ce pour quoi il est doué. Un gars qui pouvait envoyer avec une précision impressionnante des “outlet passes”, ses fameuses passes laser façon quarterback au foot US, pour lancer un coéquipier en contre-attaque une fois le rebond cueilli. Un geste qui est repris par de nombreux joueurs depuis. Un geste qui mériterait de figurer parmi les plus connus aux côtés du skyhook de Jabbar, du dream shake d’Olajuwon ou du one-leg fadeaway de Dirk pour ne citer qu’eux.

En attaque, Wes Unseld n’est pas forcément le plus talentueux intrinsèquement parlant mais il sait se placer, il peut fluidifier le jeu et servir ses copains dans d’excellentes conditions – comme le montrent ses 4 passes décisives de moyenne en carrière – et, bien sûr, il profite de la tonne de rebonds offensifs grattés pour marquer une bonne partie de ses points. Voilà comment un rookie est devenu en un rien de temps l’élément qui manque à ces Bullets dotés d’excellents joueurs mais ne formant pas véritablement une équipe. Avec Unseld, c’est tout le collectif qui va mieux fonctionner car le pivot a ce don de faire sans rechigner tout ce que les autres ne veulent pas faire. Il est celui qui équilibre le groupe, celui qui fait en sorte que les autres puissent se concentrer sur ce qu’ils savent faire de mieux. Si la paire Loughery – Monroe envoie plus de 48 points par soir sur cet exercice 1968-69, ce n’est certainement pas un hasard, cela coïncide avec l’arrivée de Wes le rookie et avec l’explosion du compteur de wins des Bullets.

Le 24 mars 1969, la saison vient de se finir. Les Bullets s’apprêtent à retrouver les Playoffs dans le sillage d’un Wes Unseld qui vient donc de terminer ses 82 premiers match parmi l’élite avec 13,8 points, 18,2 rebonds et 2,6 offrandes de moyenne. A noter qu’il faudra attendre Dennis Rodman ensuite pour revoir un type prendre plus de 18 rebonds par soir sur une saison. Lourd. Il sera élu rookie de l’année devant un Elvin Hayes qui vient pourtant de finir meilleur scoreur de la ligue avec 28,4 unités par soir (et plus de 17 rebonds… !!). Les deux joueurs se retrouveront d’ailleurs quelques années plus tard sous le maillots des Bullets (à Baltimore puis à Washington) et gagneront un titre ensemble en 1978. Reconnaissons qu’avec deux tels monstres dans la raquette, il y a moyen de dominer. En attendant, dans la foulée de cette saison 68-69, c’est l’impact d’Unseld sur son équipe qui fait pencher les votants en sa faveur pour le ROY. Et pas que… Car ce rookie aux larges épaules et à la coiffure afro – qui vient de réussir à faire sa place sous les cercles entre Wilt Chamberlain, Bill Russell, Nate Thurmond ou Jerry Lucas – va se voir décerner le titre de MVP ! Il est le deuxième rookie-MVP de l’histoire et ils ne sont toujours que deux (avec un certain Wilt C.) au moment où ces lignes s’écrivent. Voilà qui témoigne de l’aspect inédit et exceptionnel de cette double récompense.

Pas étonnant donc au final de retrouver Wes Unseld en 1997 parmi les 50 plus grands noms de la NBA. Bien plus étonnant de ne pas entendre parler de lui plus souvent mais c’est tellement dans la lignée du joueur qu’il a été et de la carrière qu’il a mené : un monstre discret, un rebondeur immense, un facilitateur tourné vers le collectif dont les lignes de stats et le palmarès ne font que démontrer la domination. 


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