La belle histoire de la semaine : après une longue année de galères, Jonathan Jeanne est de retour sur les parquets

Le 16 nov. 2018 à 18:38 par Clément Mathieu

Jonathan Jeanne
Source image : YouTube

Diagnostiqué avec le syndrome de Marfan quelques jours avant la Draft 2017, on croyait le jeune joueur français Jonathan Jeanne définitivement perdu pour le basket. Mais après plus d’un an de lutte et de passages chez les médecins, il a fait son grand retour chez les professionnels en rejoignant le club de Palma à Majorque, dans la deuxième division espagnole. Tous les joueurs de basket ont dû surmonter des obstacles dans leur carrière. Mais des parcours galères comme celui de JJ, il n’y en a pas eu beaucoup. C’est beIN Sport qui nous gratifie d’un superbe reportage sur son retour à la compétition.

Retour en juin 2017. Pendant les examens médicaux du Draft Combine, les médecins découvrent chez le jeune espoir du Mans un gonflement de la colonne vertébrale. Il est diagnostiqué d’un syndrome de Marfan, une maladie génétique très rare pouvant toucher les tissus conjonctifs de tous les organes du corps. Dès lors, la probabilité de voir l’intérieur de 2m18 jouer en NBA s’évanouit. La traversée du désert commence donc pour celui qui était attendu autour du 20ème choix du premier tour, et à qui on promettait une belle carrière outre-Atlantique.

“Quand j’apprends la mauvaise nouvelle, comme quoi c’est mort pour la NBA. C’est comme un néant, un trou noir, beaucoup de questions, beaucoup de choses qui arrivent en même temps. Tout ça est flou. On voit sa vie défiler, tous les sacrifices que l’on a fait… pour rien. On te ferme la porte alors que tu sais que tu es en forme pour jouer au basket.”

Nouvelle difficile à avaler pour le joueur qui était passé par l’INSEP et qui avait signé son premier contrat pro au MSB. Rien n’avait été détecté avant la Draft Combine et il se retrouve tout d’un coup inapte à la pratique d’un sport professionnel. Le club du Mans rompt son contrat dans la foulée de son retour des Etats-Unis. A partir de ce moment là, plus de sport pendant un an.

“L’année a été très très longue, je n’avais rien à faire en fait. J’ai passé du temps à regarder mon plafond. L’impression de passer de tout à rien. D’un entraînement de sportif de haut niveau à plus rien…”

Au même moment, loin des terres françaises, c’est un autre jeune joueur qui va attirer l’attention de Jonathan Jeanne. Isaiah Austin avait 21 ans lorsqu’on lui a diagnostiqué la maladie dans les mêmes conditions. Drafté symboliquement par la NBA en 2014, IA a lui aussi traversé un véritable parcours du combattant. Fin 2015, il consulte des spécialistes afin de subir une batterie de tests. Les examens concluants, il reprend l’activité sportive pour observer comment son corps réagit à l’effort physique. Les résultats sont si bons que les médecins l’autorisent à jouer à haut niveau. Malgré l’intérêt de plusieurs équipes de la Grande Ligue, la NBA ne veut prendre aucun risque et n’autorise pas Isaiah Austin à jouer en son sein. Sa maladie fait peur, et c’est d’un club serbe que le salut viendra. C’est à Belgrade que l’immense intérieur effectuera ses débuts en pro, puis direction la deuxième division chinoise, la NBL, en passant par le Liban. Deux ans après, ses statistiques parlent d’elles même35 points et 10 rebonds à 53% au tir, et attirent l’attention de Jonathan Jeanne qui va voir sa situation se décanter après avoir pris contact avec Isaiah.

“Isaiah m’a dit de consulter son médecin. Il m’a dit : si jamais tu ne peux pas jouer au basket pour des raisons médicales, il te le dira. S’il pense que tu peux jouer sans risque il te le dira.”

Direction San Francisco pour Jonathan Jeanne donc. Un retour au Etats-Unis, un symbole, une revanche. Car après avoir passé une multitude de tests très poussés à l’Université de Stanford dans un secteur spécialisé autour de la maladie de Marfan, on lui annonce qu’il est apte au sport de haut niveau. Le 28 mai 2018, Jonathan Jeanne recommence à espérer.

“J’appelle ma famille, personne n’y croit… C’est le phoenix qui renaît de ses cendres !”

Après cet événement, les bonnes nouvelles s’enchaînent très vite pour JJ. De juin à juillet, il est invité dans de nombreux camps d’entraînements à Los Angeles. L’occasion de se remettre au niveau et d’affronter des joueurs NBA comme Kyle Kuzma. Celui qui le surnomme le bébé Rudy Gobert voit en lui un gros potentiel et lui promet une belle carrière. Après un an sans jouer, le géant et son histoire impressionnent.

“C’était vraiment une bonne expérience. Il faut que tout le monde le sache. Il y a cinq mois, je n’avais ni agent, ni entraîneur, aucun club, aucun support médical et tout est arrivé en l’espace d’un mois. C’est superbe !”

C’est donc sous la coupe de son tout nouvel agent, Charles Misuraca, qui s’occupe également d’Isaiah Austin, que JJ se met à la recherche d’un contrat pro. Pour l’agent, la NBA discrimine les joueurs atteint de cette maladie trop méconnue. Jouer à l’international est possible, mais la Grande Ligue américaine suit les recommandations de l’American Heart Association et de l’American College of Cardiology. Deux instituts interdisant la pratique sportive professionnel et les sports de contacts aux malades. Mais l’histoire nous a appris que le joueur français ne lâche rien. Il est contacté par le club de Palma à Majorque, disputant la deuxième division espagnole. Le club est trop heureux de s’attacher les services d’un top prospect de draft et lui fait signer son premier contrat professionnel dans cette nouvelle vie de basketteur.

“C’est le début d’une grande histoire. C’est le premier club qui m’accepte comme je suis. Par rapport à tout ce qui c’est passé… le fait de pouvoir rejouer c’est une bonne chose. Mais le fait de pouvoir montrer au monde que je suis en bonne santé, c’est ça l’objectif.”

L’ambition du joueur est en accord avec sa jeunesse. L’énorme obstacle est à peine franchi que Jonathan Jeanne voit déjà plus loin. Il n’a sûrement pas oublié ses rêves de NBA ou d’ailleurs, mais pour l’instant il s’épanouit en Espagne. A l’heure où nous écrivons ces lignes, JJ a déjà joué sept matchs pour des moyennes de 6 points, 5 rebonds, et deux contres. L’essentiel est de toute façon ailleurs. Le voir heureux et en bonne santé est un soulagement immense. La belle histoire ne s’arrête pas là. Espérons que Jonathan Jeanne bougera ses grands segments jusqu’au plus haut niveau, son mental n’a de toute façon pas de limite.

Source vidéo et texte: Bein Sports