La communication de Kevin Durant : un virage à 180 degrés qui a de plus en plus de mal à passer

Le 16 nov. 2018 à 19:04 par Clément Hénot

Kevin Durant
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Depuis 2016 et sa signature toujours très controversée chez les Warriors, Kevin Durant est un peu devenu un paria auprès des fans de la NBA, et cette altercation avec Draymond Green, même si elle est loin de n’être que de son ressort, ne va pas arranger sa réputation. Souvent critiqué, l’ancien ailier du Thunder a troqué son ancienne casquette de nice guy de la NBA pour enfiler celle de bad boy que beaucoup de monde espère voir tomber. Quelque part, KD a également contribué à sa propre chute niveau popularité, retour sur une descente dans l’estime de l’opinion publique bien plus précoce que ce que l’on pense.

De base, Kevin Durant est considéré comme un “gentil”, un gendre idéal qui ne disait jamais un mot plus haut que l’autre, tourné vers son équipe, courtois avec les médias et toujours souriant en conférence de presse lorsqu’il se pointe avec son sac à dos comme s’il devait transporter toutes les balles perdues de Russell Westbrook. Non, Durantula en avait marre de cette image de bisounours qui lui collait à la peau depuis son arrivée en NBA et dont il n’arrivait pas à se défaire. Par exemple, le monde fut choqué lorsqu’il découvrit que KD a le torse couvert de tatouages ou fumait la chicha. Certes, Kevin Durant est à la base considéré comme une bonne personne, mais il n’est pas cet enfant de chœur pour lequel il passe, sans pour autant être un bad boy impossible à gérer. Revenons sur les racines de ce revirement de communication aussi radical que calculé.

Tout cela commence par un spot publicitaire donné par Foot Locker et Nike, son équipementier. Foot Locker intitule sa pub “Not Nice” pour indiquer clairement que KD est un immense tueur sur le terrain. Cette publicité est la première amorce “calculée” d’un revirement de situation qui avait pourtant débuté avec une embrouille avec Chris Bosh lors d’un Heat – Thunder. L’ancienne star des Raptors fait faute sur Harden, auquel Durant demande de lui dunker dessus la prochaine fois. CB1 entend cette remarque et laisse comprendre au numéro 35 que ce ne sera pas le cas, la situation s’envenime et les deux récoltent une technique. Après la défaite, Kevin Durant semble encore aigri et cela se traduit dans ses propos.

“Je suis un mec calme, mais si quelqu’un vient mal me parler, je ne vais pas le laisser faire. Chris Bosh pense qu’il peut parler maintenant qu’il est dans une bonne équipe. Il y’a beaucoup de faux durs dans cette Ligue et il en fait partie.”

Ce premier accrochage semble toujours timide mais marque un vrai virage. Durant va ensuite beaucoup modifier sa relation avec les médias, elle qui était si cordiale au début, s’est assez rapidement envenimée. L’ancienne star du Thunder accusant les journalistes de souhaiter la chute de la franchise d’OKC. Cette sortie médiatique marque le passage du côté obscur qui se traduit également sur le terrain. Durant semble avoir le visage plus fermé, discute de façon beaucoup plus virulente avec les arbitres et s’agace plus facilement face à ses adversaires et tente de se faire plus intimidant. N’ayant pris que 12 fautes techniques entre 2007 et 2012, il égale ce total lors de la seule saison 2012-13 et il n’est pas rare de le voir prendre sa quinzaine de techs par an. Si le fait de ne plus vouloir avoir une image trop lisse est louable, le fait que ce changement intervienne de façon aussi drastique que flagrant pose quand même question quant à l’authenticité de ce changement de “nice guy” à “real thug”. Toutefois, KD garde encore une côte de popularité solide dans le monde du basket, grâce à son instinct de tueur sur le terrain et ses performances avec OKC.

Sauf qu’en 2016, Kevin Durant donne sans le vouloir un immense coup de poignard à cette côte de popularité : les Warriors qui viennent de signer 73 victoires en saison régulière éliminent son Thunder aux portes des Finales NBA alors qu’ils étaient menés 3-1. Golden State dispute ensuite les Finales contre les Cavaliers et s’incline au Game 7 à domicile alors qu’ils menaient à leur tour 3-1, c’est la première fois que ça arrive dans l’histoire de la Ligue. Environ un mois plus tard, KD rejoint les… Warriors à la free agency et créé un immense séisme dans le paysage NBA. “Traître”, “lâche”, “faible”, “suiveur”, “serpent”… nombreux sont les noms d’oiseaux qui fusent sur les réseaux sociaux et partout ailleurs, sans oublier le fameux “Cupcake”, surnom donné à l’époque par Kendrick Perkins aux joueurs softs du côté d’Oklahoma City.

Si les résultats sportifs donnent raison à Durantula avec deux bagues de champion NBA agrémentées de deux titres de MVP des Finales, ils ont été acquis, pour beaucoup, en suivant le chemin “de la facilité” en rejoignant une telle armada, qui en plus, l’a fait tomber aux portes des Finales. De plus, on a clairement eu le sentiment que KD semblait en retrait au moment de célébrer ces deux titres. Au-delà du fait de ne pas savoir déboucher une bouteille de champagne ou de recracher une bière, le mec semblait clairement un peu seul dans son délire pendant que les mecs qui étaient là depuis la reconstruction et avant d’arriver à ces sommets communiaient ensemble. Comme s’ils pensaient réellement que le numéro 35 était venu gratter sa bague chez eux en ne jouant qu’un rôle opportuniste dans cette dynastie.

Mais là où Kevin Durant a pu agacer encore plus, c’est par son comportement parfois forcé, dans la lignée de ses derniers mois avec OKC : à savoir, faire en sorte de s’emporter contre les arbitres alors qu’il gagne de 20 points, se chauffer avec ses adversaires et faire mine de vouloir en découdre une fois retenu et être distant avec les médias en se mettant dans la position de la victime. On pense notamment à son expulsion contre les Grizzlies où KD montre son doigt disant “Moi au moins j’ai une bague !”, il ne manquait plus que “nanananèreuh” et on était bons. Mais aussi son altercation avec DeMarcus Cousins où il provoque en étant derrière ses coéquipiers, car a priori, si Cousins le veut, il peut dévorer le frêle Kevin en un coup de mâchoire. Ces comportements que certains qualifieront de “faux dur” font baisser sa popularité, mais ce qui vient donner le coup de grâce est cette histoire de faux comptes Twitter utilisés par le double MVP des Finales en titre pour descendre en flèche ses anciens coéquipiers d’Oklahoma City. Le MVP 2014 a beau supprimer, le mal est fait et un petit malin s’est déjà saisi de la capture d’écran. Au final, le fautif assume, mais cela reste extrêmement puéril de la part d’un joueur NBA même s’il n’est probablement pas un cas isolé, c’est fort dommage d’écorner encore plus une image déjà bien amochée par certaines décisions.

Un autre manque de respect vis-à-vis de KD remonte à cette saison 2018-19 face aux Wizards, alors qu’ils mènent tranquillement au cours du quatrième quart-temps, il se fend d’une déclaration aussi gratuite qu’assassine

“Sortez-moi, je ne veux plus jouer contre eux, c’est trop facile, ils sont faibles.”

Si le résultat va plutôt dans son sens, cette pique n’est pas du tout obligatoire. De plus, elle est un peu bizarre venant de quelqu’un qui disait “quitter sa zone de confort” et “se mettre en difficulté” en signant chez les Warriors…

Plus récemment, il y a même eu une grosse altercation entre Draymond Green et Kevin Durant lors de la défaite contre les Clippers, Draymond Green ayant cafouillé le dernier ballon qui aurait pu offrir la victoire aux Warriors, Durant a bien fait comprendre de façon véhémente à Green qu’il devait avoir le dernier ballon. Ce dernier n’a que moyennement apprécié et lui aurait dit ses quatre vérités et l’aurait même insulté de “plage” pour traduire littéralement. Green a également ajouté que Durant soûlait pas mal de monde à force d’attirer l’attention sur lui et qu’ils gagnaient déjà avant qu’il n’arrive. Si l’information est vraie, elle est également culottée venant du gars qui a le plus fait le forcing auprès de Durantula pour le recruter alors qu’ils étaient en pleine opposition en Finales de Conférence. Sur le banc, avant la prolongation de ce même match, finalement perdu par Golden State, Durant s’adresse à Andre Iguodala et semble lui dire une phrase lourde de sens.

“C’est pour ça que je me casse.”

Une phrase loin d’être anodine, puisqu’elle semble indiquer qu’un départ est loin d’être impossible et qu’il met une certaine pression sur tout le monde pour pouvoir être satisfait, et qu’il en joue beaucoup au sein de la franchise. Durant aurait donc agacé ses propres coéquipiers en plus des fans. Son attitude devenue plus individualiste aurait de plus en plus de mal à passer en interne, même si sa franchise a plutôt pris sa défense en suspendant Green. Il n’empêche que cette tension est l’une des plus grosses depuis l’arrivée de l’ancienne gloire du Thunder et qu’il va vite falloir canaliser ça pour garder intact ce noyau de joueurs.

Autrefois adulé, aujourd’hui décrié. Kevin Durant est devenu l’homme à abattre depuis 2016, pas aidé par sa façon de communiquer. Le type fait maintenant passer LeBron James, qui en a pourtant pris pour son grade aussi en son temps, pour un gentleman qui n’est jamais parti de Cleveland. Il s’agirait maintenant de se reconcentrer sur le basket et de jouer libéré, en étant soi-même, l’avenir de Kevin Durant et des Warriors en dépendent, et même si les détracteurs sont nombreux quant à cette team, l’admiration pour ce style de jeu est unanime, alors ne bousillez pas tout ça les gars !