Interview Maxime Raynaud x TrashTalk (partie 2) : “Si on va à Los Angeles pour faire autre chose qu’une médaille d’or on fait une erreur”

Le 05 déc. 2024 à 20:58 par Benoît Carlier

Interview Maxime Raynaud partie 2 5 décembre 2024
Source image : montage TrashTalk via Stanford

Appelé comme sparring partner de l’Équipe de France lors de la préparation pour les Jeux olympiques de Paris 2024, Maxime Raynaud a tutoyé le plus haut niveau cet été. Quelques mois avant de devenir professionnel, le pivot de Stanford en NCAA s’est posé avec TrashTalk pour un entretien exclusif.

Drapeau français épinglé au mur, Maxime Raynaud nous répond depuis sa chambre universitaire sur le campus de Stanford. En ce samedi matin ensoleillé, le Parisien prend le temps. Cela tombe bien, on a énormément de questions à lui poser. De son parcours d’expatrié à la Draft NBA 2025 en passant par l’équipe de France et sa relation avec Victor Wembanyama mais aussi les échecs, la NASA et Donjons et Dragons, tous les sujets ont été abordés pendant près d’une heure. Oui, on vous a dit qu’on avait beaucoup de questions !

Retrouvez la première partie ici !

TT : Obligé de faire un petit clin d’œil au trashtalking. Est-ce que tu aimes bien parler sur le terrain ? T’es plutôt du genre à lâcher des dingueries en français ou tu préfères rester silencieux ?

MR : Ça tu connais (rires). J’ai l’avantage de parler français dans un jeu américain donc tu peux dire des trucs que techniquement les gens ne vont pas comprendre. Je trashtalke un petit peu mais c’est plus pour motiver mes coéquipiers que pour dire à l’autre gars qu’il est nul dans le sens où j’en ai pas besoin. Si je t’en mets 30, je t’en mets 30 quoi [rires]. Là on mentionne le trashtalk mais je pense de manière générale c’est plus de la préparation mentale. Pour performer à ce niveau-là, il faut juste être convaincu mais limite à un niveau malsain que t’es le meilleur à ta position et que personne peut faire ce que toi tu peux faire.

TT : Ça sent le vécu.

MR : Je me souviens de ma campagne U20 avec l’équipe de France, à aucun moment dans le tournoi on s’est dit qu’on n’allait pas gagner. C’est un truc de fou. Je me souviens vraiment, on finit les huitièmes de finale contre la Pologne, on rentre à l’hôtel et on voit l’Espagne qui perd. Et je me rappelle, on était 5 ou 6 dans la chambre et on s’est regardé en se disant “c’est bon on a gagné”. C’est ce genre de confiance là que tu as besoin d’avoir en toi et en tes coéquipiers pour pouvoir performer. Il faut être un peu fou, il faut que tu aies un mec dans ton équipe qui soit capable de foncer dans un mur la tête la première et y’a aucun soucis.

🇫🇷 Maxime Raynaud says GAME OVER!

The Stanford big man led all French scorers with 26 PTS (11-18 FG, 2-2 FT) and put the exclamation point on the Bleus win over Israel in a spectacular #FIBAU20Europe title game, 89-79 OTpic.twitter.com/1680671049535430657

— CBB Europe (@CBB_Europe) July 16, 2023

TT : C’est vrai que vous aviez demandé au staff de préparer la célébration du titre avant la demi-finale de l’Euro U20 ?

MR : Le jour avant le match, on était déjà en train de leur demander de réserver la table. On était invaincus depuis le début de la prépa. On n’a vraiment pas perdu un match tout l’été, c’était vraiment un feeling incroyable. On savait qu’on allait gagner. Le match des quarts contre la Serbie, qui était peut-être le match le plus dur de la compétition, on était à -8 ou -9 dans le troisième quart-temps mais on n’était pas stressés, on savait qu’on allait gagner. Pareil, on va en overtime contre Israël en finale, mais on savait qu’on allait gagner. J’avais aucun doute en moi sur le fait qu’on allait gagner. Ça devait se passer.

TT : On a une explosion du basket et des basketteurs français à l’international, est-ce que selon toi la France est le fournisseur numéro 1 de talents et si oui qu’est-ce qui explique ça ?

MR : Je suis complètement d’accord avec ça et je pense que c’est un petit peu comme l’effet de la Coupe du Monde 98. J’ai l’impression que tu laisses le temps d’une génération et après tout le monde va commencer à performer. En 98 on gagne la Coupe du Monde, 20 ans après on regagne la Coupe du Monde avec une toute nouvelle génération qui a grandi en regardant ces joueurs-là. J’ai l’impression que c’est pareil pour nous. J’ai grandi en regardant Tony Parker et Boris Diaw gagner à l’Euro et faire éclore le basket français. Tu attends 15 piges et maintenant tu as les résultats de ça avec des mecs comme Vic, Tidjane, Alex, Bilal. Et ça se voit en compétitions jeunes. Les résultats qu’on a eu cet été c’était une dinguerie. Les U20 filles et garçons ont fait le back-to-back, les U16 gagnent, les U18 gagnent. Tout le monde a tout gagné quasiment ou on finit Top 4 au pire des cas. Aux JO on fait une deuxième médaille d’argent. Si c’était pas pour Steph à tout moment on la gagne.

TT : Tu penses qu’il y a une prise de conscience à l’international et notamment aux États-Unis ?

MR : Ça se voit en fait. Quand tu vois tes générations jeunes détruire tout le monde et qu’en plus de ça tu as de plus en plus de pros qui arrivent en NBA et en EuroLeague, tu sais que dans 4-5 ans c’est bon. C’est même déjà le cas aujourd’hui en fait. C’est cool à voir parce que quand t’as un gars comme Nicolas Batum qui est probablement dans ses derniers contrats et qui va bientôt prendre sa retraite, un gars comme Evan qui revient jouer en Europe mais qui va probablement prendre sa retraite bientôt, Rudy qui n’est plus si jeune. Toute cette génération de joueurs NBA-là qui commence à être remplacée, moi je trouve que c’est cool qu’on ait autant de joueurs si ce n’est plus qui arrivent en NBA pour les remplacer. Donc je pense qu’on commence vraiment à prendre de l’espace et que le scouts et la culture américaine de manière générale le réalisent et accordent beaucoup plus d’importance au basket européen et au basket français en particulier.

A fantastic opportunity 🇫🇷@maximeraynaud42 was a practice player for France as it prepared for the Olympics in Paris #GoStanford pic.twitter.com/96RJJRKoCz

— Stanford Men’s Basketball (@StanfordMBB) June 30, 2024

TT : On va parler des JO. T’as été sparring partner de l’Équipe de France, t’es Parisien, peux-tu nous raconter cette expérience et comment tu as vécu cet été ?

MR : Alors moi j’ai vécu l’expérience d’être sparring partner et de faire un petit peu un bout de prépa mais j’ai dû retourner à Stanford pendant les JO pour les camps d’entraînement. Donc j’ai un petit peu raté ça. Mais la première expérience avec les pros, c’était super cool. C’est un petit peu un rêve de jouer avec l’équipe A, retrouver des gars comme Ousmane [Dieng], Bilal, Victor. On a passé pas mal de temps avec Vic aussi, c’est un mec super agréable. J’ai appris beaucoup et j’ai réalisé à quel point, même si tu domines en université, il y a gap énorme entre l’université et le professionnel. Il faut en être conscient et il faut continuer à bosser. J’ai beaucoup appris des gars en les regardant travailler, la dureté avec laquelle ils jouent et leur niveau de compétitivité. C’était ma première fois avec l’équipe A, donc c’est un peu le premier pas et avec un peu de chance ça continuera. Je suis arrivé en me disant je suis sparring partner donc je suis pas dans l’équipe, je suis juste là pour aider et apprendre le plus possible. J’essaie juste de venir avec les yeux grand ouverts les oreilles grand ouvertes et apprendre le plus possible. C’était une super expérience de voir autant de joueurs que tu regardes la télé à la base.

TT : Même à toi ça t’a fait un truc ?

MR : On s’était déjà rencontrés avant mais d’être enfin là, c’est un peu un reality check dans le sens où tu te dis, “j’ai pas leur niveau, mais j’ai enfin leur niveau”. Je joue avec eux, j’y suis, entre guillemets. Il y a encore une marge qui est incroyable et il faut encore le faire mais tu passes un petit palier et maintenant il faut confirmer et il faut faire plus. C’était une super expérience et j’ai beaucoup appris. Après j’ai dû regarder les JO un petit peu de loin mais de mes amis qui y sont allés, mes parents et des gars, ça avait l’air d’être une super expérience et j’ai trouvé ça trop cool de voir tous les Français qui s’unissent derrière le sport. Il y avait vraiment le sentiment d’une maxi grosse communauté qui était derrière la France et je trouvais ça trop cool. Tout ce que j’ai vu depuis ici, ça avait l’air génial et avec un petit peu de chance, je serai à Los Angeles pour y participer.

TT : Les Américains étaient encore un tout petit peu trop forts cette fois-ci. Tu penses qu’on peut les battre en 2028 ?

MR : À mort !

TT : Avec une raquette Wemby – Raynaud, il y a la place non…?

MR : [Il sourit] De fou ! Juste en tant que compétiteur déjà, si t’y vas et que c’est pas pour gagner c’est chaud. Je pense que oui, on a les joueurs pour, on va avoir le développement pour. Dans 4 ans, t’auras plus Curry, t’auras plus LeBron, t’auras plus KD, t’auras plus tout le monde. Je ne dis pas que les nouvelles générations ne sont pas bonnes aux US, mais ça va être chaud de les remplacer. Je pense qu’il y a carrément la place pour une médaille d’or et si on va à Los Angeles avec une idée en tête qui est différente que celle de gagner une médaille d’or on fait une erreur parce que on est clairement un pays qui est contender et il y a complètement moyen d’aller en chercher une.

TT : D’ailleurs, on a vu que tu avais affronté Victor Wembanyama dans une partie d’échec pendant les vacances. Quelle relation entretiens-tu avec Wemby et surtout, qui a gagné cette partie ?

MR : Alors déjà, on en a fait deux et j’ai gagné les deux [sourire]. La première fois qu’on s’est vu de loin avec Victor, ça devait être en U13 à un tournoi départemental. Mais on a commencé à jouer l’un contre l’autre après. À l’époque, je jouais à Charenton et il était à Nanterre. Ils nous battent en finale des Championnats de France U15. C’était vraiment la première fois que je jouais contre lui. Ensuite, on est ensemble en U16 avec l’équipe de France. C’est la première fois qu’on a joué ensemble et qu’on a appris à se connaître pendant deux mois. Et le moment où on est devenus un peu plus proches, c’était quand je suis parti à Nanterre et qu’on a fait la pré-saison des pros ensemble pendant un mois et demi. On vivait dans le même immeuble et nos portes étaient face-à-face juste séparées par un couloir. On passait à peu près toutes les journées ensemble. Donc c’est comme ça qu’on s’est rapprochés, c’est comme ça que j’ai appris à le connaître. C’est quelqu’un de super agréable que j’apprécie vraiment en tant qu’ami.

TT : Vous arrivez à garder le contact malgré vos emplois du temps respectifs ?

MR : Il y a une réalité aussi, c’est que depuis qu’il est parti en NBA et qu’il est passé pro, il a énormément de contraintes. Et c’est très dur de rester en contact avec lui et c’est tout à fait normal. Il a un énorme business et une vie à gérer de son côté et je trouve ça normal et il faut être respectueux par rapport à ça mais du coup quand il revient et que moi je reviens et qu’on est là et qu’on est tous les deux au même endroit, c’est juste du plaisir. En particulier pendant cette semaine de prépa, je retournais là où il restait à Paris le soir pour jouer une partie de Donjons et Dragons. On avait set-up ça avec quelques-uns de ses amis et sa sœur. Un des amis de sa mère est un donjon master pour Donjons et Dragons et on a fait une partie qui a duré 3 ou 4 jours de suite. Tous les soirs on revenait et on jouait 3 heures là-bas. C’est juste super agréable de passer un peu de temps avec lui. Il y avait aussi un jeu d’échecs qui traînait là-bas donc on a joué un petit peu. Moi je suis un gros joueur d’échecs en tout cas j’aime bien jouer aux échecs et du coup on a joué ensemble. Et de manière naturelle, quand il repart aux Etats-Unis, il ne répond plus à ses messages. Il y a un petit group chat de l’équipe de France où tout le monde fait des vannes sur le fait qu’il ne répond jamais mais c’est normal aussi, il est professionnel. En plus d’être un ami, c’est aussi un modèle de réussite et de work ethic que tu as envie de suivre. C’est super important de s’entourer de gens qui te rapprochent de tes objectifs et de ce que tu veux faire. Je pense qu’il a une super trajectoire et c’est quelqu’un que tu as envie de suivre. Je suis très content de le voir planter 50 pions l’autre jour et de commencer à tirer 50% à 3-points avec 40 tirs shootés par match, moi ça me fait kiffer.

Victor Wembanyama et Maxime Raynaud jouent aux échecs

Maxime Raynaud en train de mettre en échec Victor Wembanyama (via Maxime Raynaud/Instagram)

TT : Toi qui le connais bien, est-ce que t’étais sûr qu’il allait tout exploser comme ça en arrivant en NBA ?

MR : Ouais mais ça on le savait déjà depuis longtemps… Aux Etats-Unis c’est super médiatisé et la hype est arrivée dans sa dernière année en France. Mais depuis qu’il a 16 piges tout le monde sait qu’il va être first pick. Je me souviens vraiment d’avoir cette discussion avec Marco Loemba à Nanterre. À l’époque il avait 16 ans et j’en avais 17 et je me rappelle vraiment d’avoir cette discussion et de dire qu’il allait être first pick. Il n’y avait même pas de doute. On attendait que les États-Unis réalisent qui c’est et puis il va être first pick. Tout ce que je lui souhaite c’est qu’il reste en bonne santé et qu’il continue sur sa lancée parce que ça peut être un très très très gros joueur.

TT : Pour finir, 2 questions plus légères : ça fait plus de trois ans que tu es parti t’exiler aux États-Unis, qu’est-ce qui te manque le plus de la France ?

MR : La nourriture, c’est réel. Tout est frit ici, ça rend fou. Sinon de manière générale évidemment ta famille et tes amis, c’est quelque chose qui te manque où que tu ailles, mais être dans une ville aussi. Être dans un campus c’est vraiment génial, il y a plein de gens de ton âge, t’as accès à plein de trucs c’est super cool, mais t’as aussi cet aspect où ça devient une bulle et où tu peux être enfermé très facilement. Vivre dans une vraie ville où c’est actif, où il y a des gens et où il se passe plus de choses, où c’est plus ouvert, c’est quelque chose qui me manque un petit peu. Et aussi, je dirais avoir des discussions un petit peu plus poussées. J’ai l’impression que les gens ici sont quand même très superficiels. Ils sont très positifs, ils sont toujours là à te pousser à faire plus de choses. Ça, c’est vraiment super. Mais par contre, les discussions sont très superficielles. Les gens sont juste très portés sur l’apparence et sur l’argent. C’est important de pouvoir vivre dans de bonnes conditions mais je pense qu’il y a un peu plus que ça dans ton expérience de vie. Donc ça c’est le truc qui me manque un petit peu mais d’un autre côté je ne peux pas me permettre de me plaindre. Je vis dans un cadre idyllique avec des gens géniaux et j’ai choisi de venir ici.

TT : On connait ta passion pour l’espace, si tu devais choisir entre intégrer la NASA ou la NBA un jour, qu’est-ce que tu choisirais ?

MR : La NBA. Je pense que c’est important d’avoir plusieurs passions dans la vie. Il faut pas juste burnout dans un seul truc. C’est super important de savoir où est-ce que tu mets ton effort donc de manière générale oui je vais mettre mon effort à 100% dans le basket mais si j’ai un temps de repos et que j’ai besoin de penser à autre chose que du basket j’ai quelque chose d’autre. C’est-à-dire que je peux apprendre des trucs et ça me fait plaisir. il y a aussi une réalité, c’est que on est athlète professionnel (en devenir pour ma part) et que ton corps a un timer. Et il y aura un moment où ce timer va être à zéro et tu ne vas plus pouvoir jouer professionnellement parce que tes genoux vont être pétés, que t’as plus la condition physique et que ton dos va être cassé en deux. Donc de manière générale, ouais la NBA le plus tôt possible et une fois que la NBA sera finie on verra. Mais oui, jouer professionnellement au basket c’est clairement ce que j’ai envie de faire maintenant.

TT : Merci beaucoup pour ta dispo, on va suivre la suite de très près !


Voir toutes les News