Le billet d’Alex : dégustation de Nuggets

Le 25 mai 2023 à 07:44 par Alexandre Martin

Nuggets
Source : YouTube / NBA

Dans un fast-food, ils s’engloutissent par boîte de six, de neuf ou de vingt pour les grosses faims. Sur un parquet, nous autres fans de balle orange les dégustons par cinq pendant que leurs adversaires dégustent tout court. Les Nuggets vont jouer des Finales NBA pour la première fois de leur histoire. Et si nous sortons aujourd’hui d’une nuit sans match c’est parce que Nikola Jokic et sa bande ont tellement dominé leur dernier affrontement à l’Ouest qu’ils auront eu plus d’une semaine avant le Game 1 de la plus importante des séries. 

La plus importante des séries pour la meilleure équipe depuis le début de ces Playoffs, l’équipe qui joue le mieux au basketball. Un jeu offensif fluide, un ballon qui circule et qui fait trembler le filet. Une défense qui s’adapte intelligemment, surtout dans le moneytime. Des role-players qui savent exactement ce qu’ils doivent faire, quand, comment et pourquoi ils doivent le faire. Un coach en confiance et qui fait confiance. Un meneur star qui assume son statut. Un pivot superstar qui envoie une campagne de Playoffs historique. Mais revenons au début et à ce jeu collectif qui produit une petite merveille offensive. Depuis le début des Playoffs, les Nuggets ont joué 15 rencontres. Six des huit joueurs principalement utilisés par Mike Malone tournent à minimum 11 points de moyenne. Quatre d’entre eux rentrent au moins 40% de leurs tentatives à 3 points (allez, Jamal Murray est à 39,8% de réussite de loin). D’ailleurs au global les Nuggets proposent une réussite collective à 3 points approchant les 39% (38,6%). Ils sont premiers dans ce domaine sur ces Playoffs, juste devant le Heat Miami. Comme par hasard. 

Cette adresse est le fruit de systèmes bien travaillés, d’un mouvement de balle qui donne des tirs ouverts à des joueurs mis dans les meilleures conditions possibles pour faire mouche. Les Nuggets affichent un rating offensif de 121 depuis le début des Playoffs. C’est monstrueux. Pour vous donner une idée, les Kings avaient un rating offensif historiquement élevé lors de la saison régulière : 119,4. Denver fait donc mieux et dans le contexte de post-season réputé pour être moins favorable aux attaques car les défenses se resserrent, car ça joue moins vite, les arbitres sifflent un peu moins de fautes, etc, etc… Denver n’en a que faire. À chaque match, la défense adverse vit l’enfer. Elle déguste. En plus, de l’autre côté du terrain, la défense des Nuggets montre une grande rigueur tactique avec des joueurs très capables comme Aaron Gordon et Kentavious Caldwell-Pope ou Bruce Brown et d’autres qui font les efforts requis à leurs postes comme Niko Jokic, Christian Braun et surtout Michael Porter Jr. Ce dernier fait de moins en moins parler de lui en défense car il est beaucoup moins facile à cibler. Malone et les Nuggets font ce qu’il faut pour le protéger mais lui aussi fait ce qu’il faut : des efforts. Il met de l’énergie dans ses déplacements, se bat au rebond et reste discipliné ! Sa série contre les Lakers : 15 points, 9 rebonds, 3 passes décisives en plus de 36 minutes par match et en shootant à plus de 42% de loin est complètement dans la continuité des Playoffs du jeune ailier (va avoir 25 ans en juin). Le talent est dingue et le sérieux pointe le bout de son nez ! 

Il faut dire aussi que, bien installé au poste 3, Michael Porter Jr est entouré de deux role-players impeccables. Kentavious Caldwell-Pope et Aaron Gordon. Tous les deux sont d’une maîtrise et d’une discipline sans faille en défense. Ils prennent systématiquement en charge les meilleurs attaquants adverses et dans ces Playoffs, ils en ont croisé quelques-uns. Anthony Edwards et Karl-Anthony Towns. Devin Booker et Kevin Durant. LeBron James et Anthony Davis. Le boulot abattu sur ces phénomènes offensifs est colossal. Et puis offensivement, sans être des furieux, l’ami KCP et l’ami Gordon ont trouvé le moyen d’apporter avec régularité tout en sortant leurs grosses performances aux meilleurs moments. Caldwell-Pope a fait son meilleur match offensif des Playoffs à Phoenix pour finir les Suns au match 6. Il a enchaîné par une soirée à 21 points pour ouvrir la série face aux Lakers. Gordon a mis 23 points à 9/13 au tir lors du game 1 face aux Suns et vient d’en poser 22 à 9/14 au tir pour finir les Lakers. Tout cela semble tellement bien coordonné, mieux que dans un rêve, que cela nous pousse à nous tourner vers un monsieur. On tacle souvent le coach quand une équipe ne fonctionne pas. Les dirigeants se servent souvent de leur homme de banc comme d’un fusible en cas de mauvais résultats. Quand le succès est là, quand il est collectif, il faut rendre hommage à l’architecte. Mike Malone a trouvé le bon équilibre. Ses joueurs adhèrent. Tout ce qui vient d’être dit sur le jeu offensif et les role-players des Nuggets est aussi le fruit du travail de coach Malone et de son staff. Ne l’oublions pas. 

Et n’oublions pas non plus les deux raisons principales pour lesquelles ces gens vont découvrir le goût des Finales NBA. Jamal Murray et Nikola Jokic. Le lieutenant parfait et le génie all-time. 

Jamal Murray vient de terminer sa série contre les Lakers à plus de 33 points par match en 50 – 40 – 90. 52,7% au tir, 40,5% à 3 points et 95% au lancer pour être précis. Depuis la mi-avril, il est monté d’un gros cran en termes de scoring par rapport à la saison régulière. Exactement ce dont les Nuggets ont besoin. De gros cartons à plusieurs reprises, quelques légers coups de mou mais rattrapés par le groupe ou par un moneytime des plus sérieux. 23 points à 6/7 au tir dans le quatrième quart du match 2 après avoir shooté à 5/17 lors des trois premiers quarts, salut les Lakers. Tout un symbole du niveau de confiance auquel le meneur canadien évolue. À 7 reprises dans ces Playoffs, il a atteint ou dépassé la barre des 30 points, face à tout type de défense. Il a dominé les Wolves, il n’a pas donné l’impression de devoir forcer contre les Suns et il a littéralement laminé D’Angelo Russell en finales de conférence. Des finales de conférence dont il aurait pu être le MVP s’il ne jouait pas aux côtés d’un immense génie. 

Un génie humble et inimitable. Injouable. Et tout vient de là en fait, tout part de lui, offensivement bien sûr mais aussi collectivement. Offensivement, on savait. On sait. Le Serbe n’est pas fait comme les autres, les humains. Il est bizarre. Il semble pataud mais il est agile. Il devient tout rouge dès qu’il enchaîne les efforts mais il tient sacrément bien sur la durée. Il peut paraître mou ou emprunté mais c’est un faux-lent qui déborde souvent ses adversaires direct. Ses gestes ne sont pas académiques mais en fait ils sont magiques. En plus, il fait des blagues trop drôles, fait preuve d’auto-dérision, d’humilité et d’une simplicité rarement vues à un tel niveau. Gagner autant, porter son équipe en Finales, régaler le monde de la balle orange tout en plaisantant avec le Shaq, c’est le genre de leader que Nikola Jokic est. 29,9 points de moyenne à 54% au tir et 47% de loin. Ajoutez-y 13 rebonds, 10 passes décisives, 1 interception et 1 contre et vous avez le ligne de stats du Joker actuellement dans ces Playoffs. 

30/13/10/1/1 à 54% au tir dont 47% à 3 points. Un pivot en triple-double de moyenne sur une campagne de Playoffs. Allez-y, asseyez-vous et relisez tranquillement. 

Et c’est un patron. Le papa de Michael Porter Jr en a parlé récemment sur le réseau social à l’oiseau bleu. Michael Porter Sr a été dythirambique sur le leadership de Jokic, de l’influence qu’il a eu sur son fils et sur les autres jeunes joueurs de Denver. La domination de Nikola Jokic est unique. N’ayons pas peur des mots. Dans son sillage, les Nuggets sont extraordinaires.  Ils se sont montrés durs au mal, sans faille tactique ou mentale, en confiance et soudés. Il va désormais falloir que tout cela se concrétise au-delà d’une série de Finales et engendre une bague. Le Heat est en pole position pour sortir de l’Est et est le profil type de l’équipe briseuse de rêve. 

Que ce soit Miami ou éventuellement Boston si remontada incroyable, les Nuggets n’ont qu’une option : le titre. Il faut le prendre là maintenant pendant qu’il est à portée de main, que tout le monde est en forme, que tout glisse. Denver et Jokic attendent leur dernier adversaire. Denver pour marquer et nourrir son histoire. Jokic pour marquer l’histoire, tout simplement.