Black History Month : Holcombe Rucker, l’homme derrière le playground le plus connu au monde

Le 09 févr. 2023 à 16:37 par Bastien Fontanieu

TrashTalk Black History Month Holcombe Rucker
Source image : TrashTalk

Il n’y a pas qu’à travers la NBA qu’on peut impacter le monde entier dans la sphère du basketball. La rue, le playground, le bitume, appelez-le comme vous voulez. Mais dans la street, on peut aussi devenir une légende et devenir une figure d’inspiration pour toute une génération : dites bonjour à Holcombe Rucker.

Rucker, Rucker…

Ce nom vous dit forcément quelque chose.

La sonorité a toujours ce timbre très particulier lorsqu’on parle de Rucker.

Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Pour les habitués de la balle orange, on parle du playground le plus connu de toute la planète : Rucker Park.

Situé dans Harlem à l’angle du boulevard Frederick Douglas et de la 155ème, ce terrain est obligatoirement dans la mémoire ou le disque dur de n’importe quel passionné de basket. Mais derrière ce nom, il y a bien un homme. Car Rucker n’est pas un quartier, Rucker ne doit pas être confondu avec Rikers, coin nettement moins poétique de la ville qui ne dort jamais.

Rucker Park, c’est un diminutif pour Holcombe Rucker Basketball Courts ou Holcombe Rucker Playground.

Et comme le dirait si bien notre cher Mark Jackson, meneur NBA pendant plus de 15 ans qui est né à New York :

Rucker Park, c’est le Madison Square Garden des playgrounds.

Avant d’entrer dans le profil d’Holcombe Rucker, on le rappelle pour chaque personne qui lit ces lignes : faire son pèlerinage à Rucker Park est un grand moment d’émotion.

On y va pour l’atmosphère, pour toucher le sol, pour s’asseoir dans les gradins, pour voir les gamins tenter de reproduire les gestes de leurs idoles, vu qu’il y en a eu 2-3 qui ont foulé ce terrain.

J’ai pu le faire, quand j’avais 16 piges. Et je m’en souviens encore. J’ai ensuite appris qui était Holcombe Rucker.

Voici son histoire.

Dans les années 50′, Holcombe Rucker, un professeur, organise des tournois sur le terrain pour venir en aide aux jeunes dans le besoin. Le terrain prend son nom par la suite, et beaucoup de grands joueurs de la NBA y ont joué 💪 ! pic.twitter.com/3GbVqS1wfR

— LONGUE VIE À TOUS MENNÉS ❤️ (@CaminoTV) April 30, 2020

Dans les années 1940, il faut comprendre qu’Harlem est une sorte d’épicentre de la culture afro-américaine aux Etats-Unis. Pour une communauté qui veut trouver sa place, creuser sa voie dans la société et développer ses propres centres d’intérêts, Harlem est un immense foyer qui héberge en premier lieu les créateurs, penseurs et explorateurs afro-américains. Parmi eux ? Le jeune Holcombe Rucker, revenu de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 40, et né 20 ans plus tôt… dans Harlem.

Professeur d’anglais dans la Harelm Junior High School, Holcombe est un passionné de basket mais quelque chose brûle encore plus que ça en lui.

Ce qu’il souhaite, c’est élever les gens de sa communauté. Tendre la main, et apprendre à la génération future comment s’en sortir.

Each one, teach one.

C’est cette phrase qui va accompagner le jeune Rucker dans ses aventures, à commencer par de premières équipes de basket qu’il crée surtout pour éviter à certains de ne pas traîner trop longtemps dans la rue et succomber aux tentations de l’époque. L’éducation doit passer avant les rebonds, et si on peut allier les deux, la vie est belle. Plusieurs dizaines de jeunes suivent donc les principes de Holcombe Rucker et prennent la voie idéale, celle des bourses d’éducation liées à de beaux progrès sur les terrains de basket.

Mais Holcombe voit les choses encore plus grandes, encore plus chouettes.

En 1950, le natif de Harlem décide donc de lancer le “Rucker Pro Basketball Tournament”, un tournoi qui rassemble les meilleures équipes du Nord-Est des States, et autant dire qu’il y a un peu de talent dans le coin. Mais plus important encore, dans cette époque d’installation communautaire, Rucker installe le plus grand tournoi de basket des Etats-Unis. Bien avant les autres, bien avant tous ceux que l’on va connaître par la suite.

Si tu veux te faire un nom ? Tu participes au tournoi de Rucker.

C’est à cette période précise, entre le début des années 1950 et le milieu des années 1960, que New York va cimenter sa place, celle que l’on connaît aujourd’hui : la Mecque du basketball.

Les plus grands talents du pays viennent jouer sur ce terrain de Harlem, et les foules s’amassent pour découvrir les pépites de demain. Pas de smartphone, pas de YouTube, pas de Twitter, juste deux yeux, une bouche à une oreille, et la magie s’opère. Wilt Chamberlain, Earl Monroe, Julius Erving, Kareem Abdul-Jabbar, tous viennent se tester au tournoi de Rucker. Les actions les plus incroyables prennent place, loin de la NBA trop propre sur elle et ses codes figés. L’ambiance est extraordinaire, la légende du tournoi explose aux quatre coins du pays et tout cela vient d’un homme à la base, Holcombe Rucker.

Malheureusement, ce dernier va quitter le terrain de la vie en 1965, âgé de seulement 38 ans.

Décédé d’un cancer des poumons, Holcombe Rucker s’en va mais laisser derrière lui un héritage énorme. Un héritage qui va encore plus grandir en son absence d’ailleurs.

Car d’où vient le nom Rucker Park ? D’un hommage fait par la ville de New York à Holcombe Rucker.

Le Holcombe Rucker Playground entre définitivement dans le coeur des fans de basket, et des habitants de New York. Le nom sera encore diminué pour donner Rucker Park, et le tournoi lancé par Holcombe va gagner encore plus en notoriété. Mais c’est surtout cette alliance, entre le lieu et l’événement, qui va faire de Holcombe Rucker une légende dont on parle encore aujourd’hui.

Le lieu ? Au-delà du basket, Rucker Park va devenir un lieu de rassemblement, un lieu d’échange, un lieu de protection, aussi. Voir les enfants jouer au basketball là-bas, c’est ne pas les voir faire de conneries ailleurs. Ce sont des adultes, qui transmettent leurs leçons apprises au fil du temps à la jeunesse, comme un passement de bâton d’une génération à une autre. Rucker Park, c’est comme un temple mais à ciel ouvert, où on peut venir comme on est, et où on peut passer un bon moment.

L’événement ? Well, si le tournoi va se faire forcément rattraper par la médiatisation de la NBA et d’autres compétitions internationales, n’importe quel event basket garde une forte caisse de résonance. C’est le terrain où tout basketteur rêve de briller. Celui où Kevin Durant plante 66 points en plein lock-out, celui où Allen Iverson et Kobe Bryant débarquent. Celui où la mythique troupe And One va passer pour avoir son certificat street cred. Il peut encore se passer 10, 15, 30 ans et la magie du basket restera là même dans Rucker Park

Rien de tout cela n’aurait pu avoir lieu sans Holcombe Rucker.

Et quand bien même la tentation reste de bloquer sur les highlights, sur ces légendes du basket qui ont performé sur ce terrain, ce n’est pas ça qui définit son plus grand impact.

Ce sont ces dizaines, ces centaines, ces milliers de jeunes qui sont soit passés entre ses mains et ont repris ses principes d’éducation, soit qui ont récupéré les valeurs d’Holcombe Rucker et ont tenu à les transmettre aux générations suivante.

On parle d’un homme qui a impacté des milliers, voire des millions de gens. C’est une grande partie de notre histoire noire. Et envers Holcombe Rucker, j’ai envie de dire merci, sincèrement, et mes respects.” – Mark Jackson

Si vous avez déjà entendu parler de Rucker Park, vous savez désormais qui est Holcombe Rucker. Une figure immense de la communauté afro-américaine à New York, et qui a eu un impact aussi important sur sa société que sur son sport préféré. Envie d’en savoir plus ? On vous laisse avec ce documentaire vidéo, qui sent bon l’asphalte et le trashtalking.


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