L’ascension de Victor Wembanyama en dix grandes dates

Le 04 janv. 2023 à 13:01 par Arthur Baudin

Vincent Collet - Victor Wembanyama
Source image : @BCMBasket

C’est la grosse festoche : ambiance nappes à carreaux, confettis et gâteau au chocolat, Victor Wembanyama célèbre son 19e anniversaire ! Loin des yeux près du cœur, on n’a pas reçu de carton d’invitation mais on s’offre un petit coup d’œil dans le rétro, avec les dix dates qui ont fait du plus grand prospect de tous les temps ce qu’il est (ou plutôt ce qu’il s’apprête à devenir).

Et encore une bougie de soufflée
Et encore une année de passée
Et encore une bougie de soufflée
Et encore une année de passée-eh-eh-eh

Nous te souhaitons un joyeux anniversaire
Pour que t’aies tout bon pour l’année entière
Beaucoup d’amour et une santé de fer
Un joyeux anniversaire

La découverte

9 avril 2018. Merci Jonathan Givony qui ne manque jamais l’occasion d’envoyer ses caméras scouter des enfants qui n’ont rien demandé et dont le seul centre d’intérêt est de faire une 80 kills sur Hijacked. Fraîchement quatorze ans et déjà la mire la plus prestigieuse du « scouting game » pointée en sa direction : Victor Wembanyama est à l’époque l’atout n°1 du centre de formation de la JSF Nanterre, pioché au club du Chesnay quatre ans plus tôt, à faire valoir sur les prochaines saisons. On ne lui prédit rien mais on trépigne d’impatience. Comment rester de marbre devant la vidéo d’un gosse de quatorze berges qui pointe aux alentours des 2m10 et bouge mieux qu’une tantine sur la Zouglou Dance ? Puisse sa carrière flirter davantage avec celle de Kristaps Porzingis que de Vincent Pourchot. Puisse Victor Wembanyama emprunter le chemin qui est le sien, droit, long et imperturbable comme la route 66, à raconter plus tard dans les livres d’histoire des enfants de nos petits enfants. Bordel on n’avait dit qu’on s’enflammait pas.

Première entrée en professionnel

29 octobre 2019. Un peu plus d’un an après la vidéo de Jonathan Givony, Victor Wembanyama a déjà fait des catégories jeunes de Nanterre une simple formalité. Seulement quinze ans et déjà 10.2 points à 52% au tir et 4.8 rebonds de moyenne dans le championnat Espoirs. L’entraîneur historique de l’équipe fanion, Pascal Donnadieu, décide de l’en récompenser d’une première entrée professionnelle en EuroCup contre les Italiens de Brescia. Il ne reste alors que 31 secondes à jouer mais le symbole est génial. Pour une feuille de match plus grassouillette, il faudra attendre le 22 novembre 2020 avec les premiers points de Victor en « Jeep Élite » contre… les Mets 92 : 6 points, 6 rebonds et 2 contres en 16 minutes de jeu. Marrant de se dire qu’en face jouait déjà Lahaou Konate, son coéquipier sur cette saison 2022-23. En deux ans, l’un est passé d’un statut de gros défenseur d’effectif à celui de gros défenseur d’effectif. L’autre, de joueur d’avenir à favori incontestable (et incontesté) dans la course au MVP.

Rudy Gobert

17 Octobre 2020. À chaque vidéo d’un joueur NBA en dehors des parquets, la première chose qui nous frappe est le déséquilibre physique/technique entre celui-ci et les gens de la « vraie vie ». Stupeur générale quand est publiée la vidéo d’un deux contre deux entre le tandem Victor Wembanyama – Maxime Reynaud (l’un de ses potes en Espoirs) et l’association Rudy Gobert – Vincent Poirier. Les jeunes de la JSF Nanterre ne s’en sortent pas trop mal contre des NBAers plus ou moins investis : Rudy ne saute pas forcément en défense, prend un ou deux mi-distance sur la tronche, ce qui ne manque pas d’exciter la baskettosphère. Ce qu’on en retient ? Les déclas de Gobzilla au sortir de ce petit match improvisé. Louange sur louange, superlatifs à foison, le chef étoilé a mis la moustache sur son gâteau.

« Clairement, pour moi c’est le plus grand talent, loin devant moi, que j’ai vu. À 16 ans, je jouais en cadets région. Lui il joue en Nationale 1, il a même joué en Jeep Elite et en EuroCup. Je pense qu’on n’a jamais vu ça en France. Et franchement, j’ai rarement vu ça dans le monde. Et surtout, pour moi il est intelligent. Il a toutes les armes pour faire une superbe carrière.”

– Rudy Gobert aux micros de RMC.

Chet Holmgren

11 juillet 2021. Le premier rendez-vous commun. Tout le monde devant la téloche (plutôt le PC portable), Victor Wembanyama affronte Chet Holmgren en finale du Mondial U19. Jamais les Bleuets n’ont été annoncés aussi proches de l’exploit. Avant et après la rencontre. Effectif solide et solidaire, de belles silhouettes de NCAA avec Yvan Ouedraogo et Louis Lesmond, la formation française cinq étoiles représentée par Clément Frisch, Jayson Tchicamboud, Matthew Strazel et Totor, contre un fabuleux roster cainri fourré de noms qui évoluent aujourd’hui au plus haut niveau : Jaden Ivey (Pistons), Kenneth Lofton Jr. (Grizzlies), Patrick Baldwin Jr. (Warriors), Kennedy Chandler (Grizzlies) et… Chet Holmgren (Thunder). Défaite 81 à 83 de l’équipe de France, malgré un Wembanyama stratosphérique à 22 points en 27 minutes (sorti sur cinq fautes), 8 rebonds et 8 contres. Il a très largement remporté son duel face à Chet Holmgren, « l’autre licorne » de la planète orange, plus âgée et moins en vue. Mais une défaite reste une défaite. Le goût du sang encore en bouche. La médaille argentée au fond du tiroir. Grosse fierté mais immense désillusion. Victor termine dans le cinq de la compétition, Chet est nommé MVP : on se reverra gringo.

Yes he can

3 et 7 avril 2022. À la question « Peut-on performer au plus haut niveau européen à seulement 18 ans ? », la réponse – lorsqu’elle sort de la bouche de Victor Wembanyama – coule de source. Une première réception du Portel avec 25 points à 10/16 au tir, 7 rebonds et 3 contres en “seulement” 25 minutes de jeu. Une seconde réception de Milan en EuroLeague avec 18 points à 7/12 au tir, 6 rebonds et 1 contre pour 17 d’évaluation en 27 minutes de jeu. Deux performances de ce standing, en l’espace de quatre jours, avec un temps de jeu qui n’atteint jamais la demi-heure et un rôle encore très excentré : le décollage se profile. Ces deux rencontres sont les premiers gros cartons que Victor est allé chercher lui-même, sans l’aide d’une mise en place tactique qui lui octroierait plus de responsabilités qu’aux ténors de l’équipe. Aucune critique sur la façon dont l’ASVEL a géré son cas, simplement que cette situation a révélé une immense force de caractère. À 18 ans, il ne s’est pas posé sur un pouf en conférence de presse pour y lâcher : « Je veux les rênes de l’équipe ». Balle sous le coude, en solitaire, Victor a attiré d’autres équipes aux ambitions taillées sur mesure pour sa grande silhouette.

Le Balkanboy

30 juin 2022. Séisme sur l’Hexagone, tempête à Villeurbanne : Victor Wembanyama quitte l’ASVEL et s’engage avec les Metropolitans 92 de Levallois. « Séisme » pas trop trop, puisque ce n’est que la suite logique de bruits de couloir confirmés la veille par Tony Parker, dans une interview pour le quotidien L’Équipe. Le président de l’ASVEL y relevait le caractère « dommageable » du départ de Victor, tout en ajoutant ne pas comprendre les raisons de cette exfiltration loin d’une terre d’EuroLeague, pour un club qui ne dispute aucune coupe d’Europe. « Je respecte sa décision mais je ne comprends pas, parce que nous, on l’aurait fait jouer 30 minutes par match de toute façon la saison prochaine. C’était le plan : lui donner des responsabilités et qu’il grandisse ». S’il nous faudra patienter tout l’été et attendre les premières joutes officielles de Victor avec les Mets pour comprendre son choix, on en décèle quelques pistes. Une fracture au doigt en novembre 2021, une blessure à l’épaule droite un mois plus tard, un pépin musculaire qui l’a laissé au placard sur la fin de saison 21-22 : tous les symptômes d’un corps qui se fragilise au gré d’un rythme trop soutenu. Dès lors, le choix de s’installer dans la capitale pour s’y concentrer sur le championnat prend tout son sens. Mieux vaut un bon bac ES qu’un moyen bac S. Mieux vaut une rencontre de calibre MVP par semaine que deux matchs moyens qui exposent le joueur aux blessures.

Officiel, Victor Wembanyama s’engage avec les Metropolitans 92 : contrat de deux ans paraphé, l’équipe change, le plan reste le même https://t.co/SCRmnWulpw

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) June 30, 2022

Slam Magazine

3 octobre 2022. Vrai séisme pour le coup. Aucune annonce, pas même une rumeur sortie par le pote du pote de l’interviewer (Pascal Giberné), et hop : Victor Wembanyama devient le deuxième français de l’histoire à faire la Une de SLAM Magazine après Tony Parker en 2007, quand les Spurs jouaient un basket-ball bien huilé et pas trop dégeu. Il y a aussi Cyril Féraud, mais pour le coup pas sûr qu’on parle de la même revue. Pourquoi les ricains s’intéressent-ils soudainement à Victor ? Il est le n°1 projeté de la prochaine draft, c’est donc le rôle des médias que de le présenter à la planète basket, et son début de saison permet largement l’édification d’un magazine à son effigie : 68 points sur deux matchs de pré-saison, 23 unités pour ouvrir la saison de Betclic Élite à Gravelines, une réunion bien storytelling avec Vincent Collet alias le seul coach français qu’ils connaissent outre-Atlantique. « Eh Didier, le gamin fait des merveilles. Trouve-moi un slogan bien stylé et on le fout en première page ». Have you seen a basketball player like this ? No, you haven’t. Grrrr, on en tremble encore d’excitation.

Have you seen a basketball player like this? No, you haven’t.

Victor Wembanyama covers SLAM 240. https://t.co/7XlmKr6Qrr pic.twitter.com/4pgLywxohB

— SLAM (@SLAMonline) October 3, 2022

Very Good Trip

4 et 6 octobre 2022. Pour sa première virée à Vegas, Victor ne s’est pas réveillé avec un tatouage sur la tronche et Mr. Cho en liberté. Deux dates de gala aux antipodes de la gueule de bois. Une sorte de présentation du prospect (qui compte pour du beurre mais pas tant que ça), laquelle a mis en lumière le FOSSÉ entre Wembanyama et la jeunesse de l’Ignite Team. Son premier match ? 37 points à 11/20 au tir dont 7/11 du parking, 4 rebonds, 5 blocks et seulement 1 ballon perdu. Son deuxième match ? 36 points à 11/24 au tir dont 2/7 à 3-points, 11 rebonds, 4 assists et 4 blocks. Du jamais-vu. En face, Scoot Henderson ne s’est pas ridiculisé mais a semblé tout poti devant les feuilles de match invraisemblables lâchées par le Franco-Français. Dès lors a commencé tout le brouhaha médiatique interplanétaire. Le Woj a parlé d’une course au tanking « sans précédent », Adam Silver a mis un coup de pression à toutes les franchises au sujet de ce même tanking, Stephen Curry et Kevin Durant ont complimenté Vico, LeBron James a parlé non pas d’une licorne mais d’un « alien ». Ce même LeBron James qui a serré la main de Victor Wembanyama au soir de la deuxième rencontre. Voyage réussi.

Les highlights de Victor Wembanyama cette nuit, à Las Vegas.

37 points
11/20 au tir
7/11 à trois points
5 contres
4 rebonds

Le meilleur prospect au monde.

Point. Barre.pic.twitter.com/Wznp4z8tCu

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) October 5, 2022

Le « Limoges Game »

4 novembre 2022. Dans la foulée de la double confrontation face à l’Ignite Team (enfin un mois après), les Mets 92 reçoivent le CSP Limoges pour un choc du moyen/haut de tableau. Les Franciliens surfent sur une vague de cinq victoires consécutives, les Aquitains – hors Coupe d’Europe – en sont à quatre de suite. Ce que l’on retient du match ? 33 points à 10/17 au tir et 10/12 aux lancers, 12 rebonds, 4 passes, 3 contres et seulement 2 ballons perdus pour… 41 d’évaluation. Le career high de Victor Wembanyama, accompagné d’un tas de chiffres qui dépassent tout ce qu’a déjà pu accomplir un prospect de 18 ans dans le championnat de France – comme partout ailleurs. C’est à ce moment que le paysage du basket français prend conscience de l’ampleur du phénomène : 2e meilleur scoreur de Betclic Élite (21,3 points par match), 3e rebondeur (8,9), 1er contreur (2,9) et 1er à l’évaluation (24,9). Qui d’autre pour enfiler le costume de favori dans la course au MVP ? « Ouai mais TrashTalk, c’est que le championnat de France. La marche avec la NBA… ». En garde manants ! La critique du championnat de France sort de la bouche des plus ignorants. Faire ce qu’il fait à 18 ans, pas besoin de dresser le couvert pour passer à table (ça ne veut rien dire).

VICTOR WEMBANYAMA ONE-LEGGED 3 😱

(via @ArthurJBaudin, @TrashTalk_fr) pic.twitter.com/CLk3kl4wW0

— Bleacher Report (@BleacherReport) November 4, 2022

Le Grand Bleu

11 et 14 novembre 2022. Une première sélection en équipe de France. Deux dates. La Lituanie et la Bosnie. Deux succès pour se qualifier au Mondial 2023 (il restera de toute façon deux matchs en février 2023). Mais bon, nul besoin de passer par une autre fenêtre pour aller chercher ce que le groupe de Vincent Collet voulait aller chercher. Deux succès nets et sans bavures : parfait pour effacer les vieux démons collectifs laissés par la finale de l’EuroBasket. Totor ? 20 points à 6/13 au tir, 9 rebonds dont 4 offensifs et +25 de plus/minus en Lituanie. On s’est fait peur sur une chute de girafon (Vincent Collet aussi), finalement rien à signaler. Contre la Bosnie, plus discret mais pas moins propre, Victor a ponctué sa première en équipe de France avec 19 points à 7/15 au tir dont 3/6 du parking, 4 rebonds, 1 passe et 2 blocks. Il y a les chiffres et le jeu aussi : avec d’aussi prometteuses performances à 18 ans, le voyant affiche vert et le staff des Bleus danse la carioca sans s’arrêter. La suite sera d’or et de platine titres.

Voici en exclusivité les 5 secondes durant lesquelles la planète basket s’est arrêtée de tourner. pic.twitter.com/VEYshzCYvc

— Nico TrashTalk 🏀 (@nicolasmeichel) November 11, 2022

Dix dates de ce calibre et 19 ans aujourd’hui, le mariage entre ces deux idées semble impossible. Il est bien réel. Le marmot a déjà une carrière plus trépidante que le plus vieux des lascards du boulodrome d’à côté. Par « trépidante », on entend que Victor ne s’est pas suffi de gravir les échelons convenablement et en suivant le protocole. Y’a des émotions. C’est vibrant. Ce sera tellement beau à raconter.


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