Mais qui est Tacko Fall ? Sur les traces d’un géant, entre le Sénégal, la Floride, Boston et la Chine

Le 01 janv. 2023 à 18:04 par Avana Rakotoson

Tacko Fall 9 décembre 2022
Source : YouTube

Au Sénégal, c’est principalement le football qui fait vibrer la population au rythme des exploits passés et actuels de la sélection nationale, menée par les Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, El Hadji Diouf et autres Mamadou Niang. Mais aujourd’hui, c’est sur un autre Lion du nom de Tacko Fall, basketteur, qu’on met la lumière. De Dakar à la Chine, en passant bien évidemment par la NBA et notamment Boston, retour sur un parcours aussi peu ordinaire que ses mensurations.

Magic fans start a “We Want Tacko” chant and then go crazy when he finally checks in. 🤣🤣🤣 pic.twitter.com/GoeDQlRIej

— House of Highlights (@HoHighlights) October 12, 2019

En effet, si le cheat meal préféré des Lyonnais vous paraît déjà imposant, le Tacko dont nous parlons ici est d’une tout autre carrure. On parle ici d’un homme qui fait partie des 40 êtres humains les plus hauts du monde avec ses 2m29 (pour 141 kilos et 2m54 d’envergure), et qui figure à la septième place de ce classement en ce qui concerne le continent africain, ex-aequo d’ailleurs avec trois autres basketteurs (pivots eux aussi, faut-il le préciser) de la patrie de Léopold Sédar Senghor. Rajoutez à cela le fait que le natif de Dakar chauffe alors le banc sous les couleurs de la mythique franchise de Boston, et Elhadji Tacko Sereigne Diop Fall – de son nom complet – se retrouve vite catalogué comme simple phénomène de foire, dont les highlights se résument surtout à des contres ou des dunks que l’intérieur réalise en se mettant à peine sur la pointe des pieds.

Mais Tacko, c’est bien plus que ça. C’est aussi un parcours atypique, un personnage attachant, et un basketteur possédant de vraies qualités.

Né le 10 décembre 1995 à Dakar, Tacko Fall est repéré – en même temps difficile de rater un ado de 2m20 – en jouant au basket avec des amis dans les rues de la capitale sénégalaise, par un certain Ibrahima N’Diaye, fondateur et responsable de l’académie de basket Flyingstar, dédiée aux jeunes Sénégalais désireux de tracer leur route dans le milieu de la balle orange. Fall l’intègre, progresse et montre un certain potentiel, à tel point qu’Ibrahima souhaite l’envoyer aux États-Unis pour tenter de lui proposer un avenir dans le basket. Cependant, N’Diaye doit promettre à la maman de Tacko, plutôt bon élève dans son école de Dakar et qui rêve d’une carrière d’ingénieur informatique, que son fils sera bien accompagné également sur le plan académique. Tout au long des premiers pas du géant aux States, où il débarque en 2012, le frère de l’ancien NBAer Mamadou N’Diaye (passé par les Raptors, les Mavs, les Hawks et les Clippers au début des années 2000), premier Galsen à avoir évolué sur les parquets de la Grande Ligue, va tout faire pour honorer au mieux cet engagement.

“Il avait un long chemin à parcourir. Il mesurait 2m20 mais n’arrivait même pas à dunker car il manquait de coordination. Je le regardais s’entraîner, il faisait deux aller-retours sur le terrain et il était à bout de souffle. Il pouvait à peine le faire” – Mamadou N’Diaye, ancien joueur NBA

Cependant, les débuts de Tacko Fall au pays de l’Oncle Sam ne se passent pas exactement comme prévus. Alors qu’Ibrahima N’Diaye avait obtenu un accord avec un établissement secondaire de Houston pour permettre à son poulain de faire ses classes tant sur les parquets que sur les bancs de l’école, le lycée n’honore pas son engagement et oblige le mentor de Tacko à prospecter pour que ce dernier ne se retrouve pas sans rien dans ce pays qu’il ne connaît pas et dont il ne maîtrise même pas la langue. Fall s’inscrira finalement dans un autre établissement de la ville de Beyoncé, au sein duquel il sera à bonne école puisqu’il évoluera sous les ordres d’un autre pivot natif du berceau de l’humanité, un certain Hakeem Olajuwon. Malheureusement, un an plus tard, pour des raisons d’ordre admnistratif, le lycée qui avait accueilli Tacko n’est plus en mesure de lui permettre de pratiquer le basket, et revoilà Tonton Ibra à la rescousse pour trouver un nouveau point de chute à son protégé. Direction donc la Floride pour l’enfant du Sénégal.

“J’ai fait une promesse à sa mère. Elle m’a fait confiance, elle m’a cru. Je voulais faire en sorte qu’il ait un endroit où pratiquer le basket, étudier et être heureux” – Ibrahima N’Diaye, mentor de Tacko Fall

C’est au milieu de ces turpitudes que l’adolescent fera une rencontre déterminante pour la suite de sa carrière. Cet homme, c’est Donnie Jones, entraîneur des Knights de l’Université de Central Florida. Comme beaucoup, le coach universitaire est alerté en premier lieu par les mensurations hors-normes du lycéen. Mais, très vite, la conversation s’oriente sur des sujets plus philosophiques, comme le projet sportif, scolaire et professionnel du jeune homme. Alors que la plupart des programmes universitaires qui se penchent sur son cas voient essentiellement son potentiel physique et cherchent à en faire un joueur formaté pour le monde pro, coach Jones et UCF seront les seuls à écouter ses aspirations d’être humain, à commencer par celle d’honorer la promesse faite à sa mère en quittant son pays quelques années plus tôt.

“On a eu une conversation de 10 minutes. Il m’a beaucoup impressionné, c’était un gamin très humble […] Ma première pensée a été ‘Ce gamin, je le signerais aujourd’hui’ et je lui ait immédiatement fait une proposition” – Donnie Jones, premier coach de Tacko Fall à l’Université de Central Florida

Tacko entre donc à UCF en 2015. Malgré le renvoi de Donnie Jones à l’issue de la première année du géant sénégalais, le natif de Dakar continue à délivrer des performances solides, démontrant également qu’il est un basketteur plus que correct. Pas de quoi sauter au plafond certes (en a-t-il seulement besoin ?), mais le pivot des Knights prouve qu’il est capable d’utiliser son physique hors du commun de façon intelligente, que ce soit balle en main au poste bas ou pour protéger son cercle de l’autre côté du terrain. Lors de son année senior, malgré son âge déjà avancé pour un prospect en année de draft (23 ans), sa hype est à son paroxysme, notamment lors d’un match face à Duke qui l’opposera à un autre phénomène naturel, Zion Williamson. Le 20 juin 2019, celui qui est désormais un jeune adulte est ainsi présent au Barclays Center de Brooklyn, où il espère toute la soirée durant entendre son nom appelé par le boss de la Ligue, Adam Silver, malheureusement en vain.

“Je m’attendais à être drafté. C’est pour cela que je suis venu (à la cérémonie, ndlr). Pendant tout le process de la draft, j’ai bien travaillé pour leur montrer ce que je sais faire et que je peux jouer en NBA. Et je n’ai pas été drafté. C’était dur mentalement. J’étais au plus bas” – Tacko Fall, sur sa non-draft en 2019

La suite, vous la connaissez, ce sera 40 rencontres jouées en NBA en trois saisons entre Boston et Cleveland avant un départ pour la Chine. Mais au-delà de son physique hors-normes, Tacko aura aussi marqué les personnes qu’il a côtoyé durant son parcours de par sa simplicité et son humilité. Conscient des épreuves auxquelles il a dû faire face pour avancer, il n’oublie pas d’où il vient et montre toujours sa reconnaissance pour son parcours. Une attitude qui lui aura valu une belle cote de popularité auprès des fans, mais aussi de ses entraîneurs et de ses coéquipiers. Au fil de son parcours, démarré dans les rues de Dakar, qui l’aura mené  jusqu’aux parquets de la Grande Ligue, puis en Chine, en passant par Houston et la Floride, sous les ordres d’Ibrahima N’Diaye, Hakeem Olajuwon ou encore Donnie Jones, Tacko Fall aura su dépasser la simple image du géant hors-normes, pour s’affirmer et gagner le respect en tant qu’individu. Tel est le récit d’une ascension vers le haut niveau finalement assez éphémère, mais malgré tout simple et belle, à l’image du personnage qui en est le protagoniste.

“Il fait 2,30 m, mais il est plus que ça. Il est plus qu’un joueur de basketball. En dehors du terrain, c’est un superbe être humain, un superbe individu. Nous espérons […] que les personnes ne le respectent pas seulement en tant que basketteur de 2,30 m, mais surtout en tant qu’individu qui est bon dans ce qu’il fait” – Dajuan Eubanks, GM des Maine Red Claws, la franchise de G League affiliée aux Celtics, dans laquelle Tacko a joué entre 2019 et 2021

Voilà pour ce petit retour sur le parcours de Tacko Fall. Ainsi va la vie du géant de Dakar, dont le talent n’aura pas été nécessairement proportionnel à la taille, mais qui aura toujours fait de son mieux sur les parquets, et à qui on souhaite le meilleur pour la suite !

Source texte : Forbes / CBS News / Overtime