Le billet d’Alex : aimer et défendre Russell Westbrook

Le 30 oct. 2022 à 17:00 par Alexandre Martin

Russell Westbrook 9 octobre 2021
Source : YouTube

Le désarroi peut se définir comme un trouble moral impliquant l’indécision et l’anxiété. C’est l’état dans lequel se trouve Russell Westbrook depuis bientôt un an. Depuis qu’il est arrivé chez les Lakers, sa carrière a changé. Il vit un enfer et tente, plutôt mal que bien, de s’en sortir mais la situation le dépasse très souvent. Elle l’atteint sur le plan personnel. Elle atteint sa confiance et quand bien même il parviendrait à surmonter sa détresse, les Angelinos resteraient un groupe en très grande difficulté malgré ce qui peut se dire ici ou là. 

Il ne s’agit pas de vouloir enlever toute responsabilité à Russell Westbrook dans le fiasco actuel des Lakers. Sûrement pas. Il s’agit de l’aimer malgré sa déroute actuelle, de ne pas toujours chercher à l’accabler, de le défendre. Le défendre, c’est lui souhaiter par exemple de retrouver de la confiance ou tout simplement un trade l’envoyant dès que possible, loin du marasme pourpre et or. Loin de ces fans qui se sont permis de menacer sa famille pour des performances jugées insuffisantes sur le terrain, comme si le niveau de jeu horrible de leur équipe portait le sceau RW. Peut-être croyaient-ils que cela allait aider leur meneur… Quel niveau de stupidité faut-il pour penser que s’en prendre à la famille d’un joueur va le booster pour la suite ? Les réseaux sociaux jouent évidemment un rôle d’amplificateur malsain pour ces gens qui se prétendent des fans mais sont surtout là pour déverser une dose de haine. L’anonymat de Twitter, Instagram ou Facebook est bien pratique dans ces cas-là. Quand Russ’ passe tout près, il est plus difficile de se cacher et donc d’assumer, comme le montre la vidéo dans le tweet ci-dessous. 

Fan: "Westbrook you suck ass"

Russell Westbrook: "What'd you say?"

Fan: "C'mon baby, we need you."

The switch up when confronted 💀 pic.twitter.com/IA5sJDomzA

— ClutchPoints (@ClutchPointsApp) October 22, 2022

En effet, le changement de ton du fan (“the switch up”) est assez risible (“emoji tête de mort”) quand il se retrouve confronté (“when confronted”). Ce “C’mon baby we need you” en dit long sur le manque de recul et de réflexion de ce fan qui critique et insulte un joueur alors qu’il sait que son équipe aurait bien besoin de lui plus performant. Ce genre de comportement donne envie de défendre Russell Westbrook. Car la relation entre les sportifs de haut niveau et leurs fans a toujours été marquée par la passion et l’émotion mais ces sentiments n’autorisent pas tout. Ces sentiments, aussi puissants soient-ils, ne peuvent pas justifier un tel acharnement sur un joueur de la part de supporters et d’observateurs qui ne sont au final que des créateurs de buzz sur le dos d’un grand joueur en perte de confiance. Skyp Bayless par exemple. 

D’autant plus que si Westbrook n’y arrive pas. Il est loin d’être le seul et c’est aussi pour cela que les Lakers ont raté leur saison 2021-22 pour enchaîner avec cinq défaites de suite en ce début de saison 2022-23. Quand il est arrivé à Los Angeles à l’été 2021, Westbrook sortait d’une très grosse deuxième partie de saison avec les Wizards qu’il avait grandement contribué, dans son style si particulier, à porter jusqu’au premier tour de Playoffs. Les Lakers de LeBron James et Anthony Davis venaient eux aussi de sortir au premier tour de Playoffs face aux Suns et en partie à cause d’une blessure qui a empêché Anthony Davis de jouer à 100% de ses capacités. Sur l’exercice 2021-22, Westbrook a joué 78 des 82 matchs des Lakers, proposant une multitude de mauvais choix, presque quatre pertes de balle par match mais aussi plus de 18 points, 7 rebonds, 7 passes décisives et une interception de moyenne. Bilan des Lakers avec Westbrook sur le parquet : 31 victoires, 47 défaites. Sur le même exercice, Anthony Davis a proposé une ligne de stats à 23 points, 10 rebonds, 3 passes décisives, une interception et 2 contres de moyenne. Dit ainsi, ça a l’air d’être un bien meilleur apport que celui de Russ’. Mais niveau mauvais choix, notamment au tir, Davis ne fut pas en reste comme le montre son pourcentage de réussite famélique à 3 points (18,6%) et comme en plus il n’a participé qu’à 40 des 82 matchs de l’équipe, on est en droit de se demander lequel de ces deux joueurs – sensés beaucoup apporter – a le plus failli. Et peut-être que c’est Westbrook. Sa saison n’est pas bonne, c’est un fait. Pour autant, ce contexte, son rôle et le manque de complémentarité dans le groupe Lakers donnent également envie de le défendre. 

Les malheurs des Lakers ne sont clairement pas dus uniquement aux mauvaises performances de Russell Westbrook. Anthony Davis porte une grande responsabilité. LeBron James aussi même s’il assure encore très bien quand il est sur le parquet. Le King a poussé dans le mauvais sens. Il a, encore, trop voulu jouer les GM. Il doit lui aussi être incriminé quand il s’agit du climat actuel chez les Angelinos et autour de Westbrook. Le management des Lakers – Rob Pelinka en tête – doit se remettre en question. Et s’il considère que les dégâts sont trop importants pour se résorber, il doit prendre les mesures qui s’imposent, même si elles risquent de coûter cher. 

Sous la houlette de leur nouveau coach, Darvin Ham, les Lakers sont effectivement la seule équipe n’ayant toujours pas gagné cette saison. Leur attaque est infâme mais leur défense montre de vrais signes de sérieux. On a vu Westbrook notamment se donner en défense contre les Clippers ou les Blazers, les deux fois dans des défaites serrées. On l’a vu aussi accepter (enfin !) un rôle de 6ème homme et avoir un impact non-négligeable depuis le banc dans la dernière défaite en date contre les Wolves. Défaite à laquelle Anthony Davis n’a d’ailleurs pas participé pour cause de mal au dos. Dommage car pour rivaliser avec la paire Towns-Gobert, les Lakers auraient bien eu besoin de leur intérieur. Au match précédent, contre les Nuggets, Westbrook n’a pas joué. Les Lakers ont perdu quand même, sur fond de jeu offensif tout aussi catastrophique qu’en présence leur meneur au numéro zéro. Encore une preuve, s’il en fallait, que le marasme actuel des Lakers est loin d’être dû au seul Russell Westbrook. Le mal est profond, la confiance manque et cela se voit mais n’oublions pas que la catastrophe est collective avant d’être imputable aux individualités les plus visibles.

Russell Westbrook paraît perdu en attaque. Il touche le fond. Il énerve les fans avec des ratés énormes ou des pertes de balle digne de vidéo gag. On les comprend mais les critiques doivent rester sur le plan du terrain. Elles doivent aussi prendre en compte le contexte global et être constructives. Les fans peuvent donner de l’influx, ils peuvent mettre la pression sur leur équipe ou sur les joueurs. Ils doivent aussi comprendre que certaines limites humaines ne peuvent être franchies, quelles que soient les circonstances sportives. Tout le monde est perdant en plus dans ces cas-là. Aujourd’hui, au lieu de vouloir insulter Westbrook, il vaudrait mieux se demander si son avenir peut être en sixième homme des Lakers cette saison ? Pourquoi pas. Serait-ce une solution pour trouver un meilleur équilibre avec ce groupe ? Sûrement. Peut-on critiquer son niveau de jeu ? Evidemment que oui. Peut-on pour autant lui tomber dessus à chaque raté ? Idéalement non, surtout si l’on veut espérer une amélioration. Tout aussi compétiteur soit-il, tout aussi indestructible qu’on aurait pu le croire, Westbrook est atteint moralement. C’est cette perte de confiance qui est la principale cause de son inefficacité offensive. Inefficacité qui frustre les fans. Et le serpent continue de se mordre la queue. 

C’est en ce moment que Russell Westbrook a le plus besoin de soutien et d’amour. Qui a envie de voir un futur Hall of Famer dans un tel désarroi alors qu’il est encore très capable de jouer ? Personne. Et oui, il est capable de jouer. Si Darvin Ham trouve l’équilibre, Russ’ devra prendre sur lui et montrer qu’il est n’est pas encore enterré. La mission est complexe mais pas impossible. Sinon, ce sera sûrement ailleurs. On ne pourra alors que lui souhaiter de s’offrir, et de nous offrir, une fin de carrière digne de sa légende.


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