Rui Hachimura, l’accélération après l’arrêt au stand ? Le karting de Washington doit désormais devenir une F1
Le 28 sept. 2022 à 15:52 par Clément Hénot
Trois ans après le début de la carrière de Rui Hachimura, le constat est aussi terrible que juste : le Japonais a du potentiel plein les phalanges, mais encore insuffisamment exploité et trop souvent étouffé par des blessures ou des soucis personnels. L’ailier des Wizards n’a pas encore tout montré, et il va devoir le faire cette saison.
Avant de commencer, prenons place dans la DeLorean de la Grande Ligue et retournons quelques temps en arrière. Nous sommes le 20 juin 2019, jour de Draft, et les Wizards disposent alors du neuvième choix. Leur dévolu est jeté sur Rui Hachimura, ailier des Bulldogs de Gonzaga, qui sort d’une saison junior (troisième année) à 19,7 points, 6,5 rebonds et 1,5 passe décisive par match chez les Zags. Il devient par cette occasion le premier joueur Japonais de l’histoire à être drafté en NBA. Yuta Tabuse et Yuta Watanabe ont bien foulé les parquets avant lui, mais eux n’avaient pas été appelés sur l’estrade le soir de la Draft. Rui Hachimura était donc très attendu et a dû supporter les attentes de tout un peuple dès son entrée dans la Grande Ligue, alors qu’il était plutôt attendu autour du douzième choix. La carrière de Rui Hachimura ne commence pas trop mal à DC, ce dernier posant en moyenne 13,5 points, 6,1 rebonds et 1,8 passe décisive par match lors de ses 48 premières apparitions, toutes dans le 5 de départ. Seulement, c’est là que le bât blesse : 48, c’est trop peu. Et même si ça ne l’empêche pas de finir dans la NBA All-Rookie Second Team, l’ailier nippon est attendu sur un échantillon plus large la saison suivante. Ses statistiques lors de sa saison sophomore sont assez proches mais ne marquent pas de réelle progression : 13,8 points, 5,5 rebonds et 1,4 passe, cette fois sur 57 matchs. 24 matchs loupés lors de sa saison rookie, 15 lors de sa saison sophomore (les deux saisons ont duré 72 matchs avec le calendrier aménagé pour cause de pandémie de COVID-19). Mine de rien, ça peut peser…
Heureusement tout de même, la cote de Rui Hachimura reste toujours correcte, surtout à l’approche des Jeux Olympiques de Tokyo qui prennent place en 2021, un an après la date prévue. L’ailier des Wizards est d’ailleurs nommé porte-drapeau pour la délégation japonaise en compagnie de la lutteuse Yui Susaki. Un coup de projecteur dingue pour la NBA sur le marché asiatique et une véritable consécration pour Hachimura qui voit ses performances récompensées par cette marque de reconnaissance. En plus de Jordan Brand qui lui a proposé très tôt un contrat et qui lui a même concocté plusieurs modèles personnalisés. Hachimura va se faire violence et être le leader du Japon, comme l’espérait son franchise player Bradley Beal. Malgré trois défaites en autant de confrontations, RH8 lâchera à Tokyo 22,3 points, 6,7 rebonds et 2 passes décisives par match, soit un baptême du feu réussi sur la scène internationale.
Toutefois, l’après Jeux Olympiques va être assez dramatique pour l’ailier de Washington DC puisque le contrecoup va être immense. Après des JO sur ses terres, lors desquels il a été extrêmement sollicité et adulé, mais aussi mis sous pression par son statut de porte-drapeau et d’icône locale, l’ailier est épuisé dans tous les sens du terme et fait ce que l’on peut qualifier de burnout. Les Wizards resteront sans nouvelles de leur ailier pendant plusieurs semaines. Lorsqu’ils apprennent l’immense fatigue physique et surtout mentale de leur joueur, ils l’autorisent à prendre le repos nécessaire. Après avoir été absent pendant de longs mois pour “raisons personnelles”, Hachimura fait son retour en janvier 2022 lors d’un match contre le Magic d’Orlando, et prendra part en tout à 42 matchs, dont 13 en tant que titulaire. Ses statistiques sont en légère baisse, des joueurs comme Kyle Kuzma en ont profité pour tirer leur épingle du jeu et, depuis, Monte Morris et Will Barton sont même entrés dans la danse. Mais l’essentiel est ailleurs, d’autant plus lorsque l’on sait que le Japonais a confié peu avant les JO être victime de racisme dans son pays, et ce de façon quotidienne depuis plusieurs années. En effet, Rui Hachimura est né à Toyama d’une mère japonaise et d’un père béninois, et Rui et son frère Aren ont souvent été victimes d’attaques sur Internet. Pas question pour lui de se taire donc, le joueur NBA a mis la lumière sur ce problème, à la manière de Naomi Osaka, tenniswoman japonaise née d’un père haïtien et qui se bat contre ces discriminations, ayant même subi des critiques pour cela… L’épuisement de Rui Hachimura est d’un seul coup bien plus facilement compréhensible.
A une époque ou certains joueurs comme Kevin Love, DeMar DeRozan ou encore Kelly Oubre Jr. ont pris la parole à cœur ouvert concernant la dépression, mettant ce problème au centre des discussions, les Wizards ont pris soin de la santé mentale de leur joueur. En vue de cette intersaison 2022 et des matchs au Japon qui vont s’y dérouler, ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour permettre au joueur de ne se concentrer que sur le jeu et éviter que cette situation ne se reproduise. Les Wizards y affronteront les Warriors, champions en titre, et il y a donc fort à parier que l’aura de star de Stephen Curry voire Klay Thompson permettra au local de l’étape de souffler un peu. Idéal pour se concentrer sur une saison charnière dans sa très jeune carrière puisque le numéro 8 entre dans sa dernière année de contrat à hauteur de 6,2 millions de dollars et sera agent-libre restrictif à la fin de la saison. Les Wizards pourront donc s’aligner sur n’importe quelle proposition, ou lui proposer une qualifying offer de presque 8,5 millions de dollars mais qui ferait de lui un agent-libre non restrictif. Mais encore faut-il que le joueur soit suffisamment convaincant sur le parquet pour inciter ses dirigeants à sortir les liasses sur le long terme pour leur pépite qui a déjà montré son potentiel, mais qui peut (et doit) encore faire mieux. Avec l’arrivée de joueurs solides comme Will Barton ou Monte Morris et un Kyle Kuzma bien installé au poste 4, Hachimura aura fort à faire pour se faire une place dans le 5 majeur des Magiciens, mais on connait la propension des joueurs à sortir des saisons de mammouth lorsque le prochain contrat est en ligne de mire et que la place en NBA doit également être sécurisée.
Après trois saisons correctes mais marquées par des absences pour cause de blessures physiques et morales, Rui Hachimura abordera cette saison le couteau entre les dents. Pour rappel, l’ailier n’a que 24 ans et pourrait bien tout casser en étant bien dans son corps et dans ses baskets. C’est l’heure de faire crisser les pneus pour Rui !