Le 7 novembre 1991, Magic Johnson annonçait sa séroposivité : l’une des journées les plus bouleversantes de l’histoire de la NBA
Le 07 nov. 2021 à 10:48 par Cheikh Mbengue
Il y a 30 ans jour pour jour, alors que les Lakers préparaient un déplacement à Salt Lake City dans l’Utah, le médecin du club rappelle Magic Johnson pour lui révéler sa séropositivité, et Magic doit rentrer en urgence à Los Angeles. Le lendemain, la légende du basketball tiendra une conférence de presse en urgence pour annoncer l’une des nouvelles les plus bouleversantes de l’histoire de la NBA.
Le 7 novembre 1991, une conférence de presse se prépare à Inglewood (Californie). Earvin “Magic” Johnson débarque dans un décor drapé de noir, il est lui-même vêtu d’un costume noir et l’atmosphère est… pesante. David Stern, le commissionnaire de l’époque, et Kareem Abdul-Jabbar sont présents dans la salle, la mine préoccupée : ça sent la mauvaise nouvelle. Quelque chose semble alors différent, jusqu’à l’habituel sourire de Magic cette fois-ci à peine perceptible. Le Dr. Michael Mellman, alors médecin de l’équipe des Lakers, se souvient d’une conversation de dernière minute en catimini, juste avant qu’ils ne sortent pour faire face à une mer de caméras. Magic Johnson lui lâche alors :
“ Je veux juste comprendre, j’ai le VIH, pas le SIDA, n’est-ce pas ?”.
La nature de ce rassemblement médiatique était inconnue des journalistes présents et, très calmement, le meneur des Lakers s’approche du microphone, ses sens certainement engourdis par le poids de la nouvelle qu’il s’apprête à annoncer au monde, et il déclare alors qu’il avait été diagnostiqué séropositif et qu’il met fin à sa carrière de joueur, à 32 ans.
Après l’annonce du premier choix de la draft 1979, la partie la plus difficile, selon ce qu’il révèle à CBS, fut de devoir le dire à sa femme Cookie – qu’il avait fraîchement épousé et qui venait de tomber enceinte de leur enfant.
“C’était difficile parce que je l’aimais tellement et je détestais la blesser”.
Cookie Johnson s’est avérée ensuite être l’une des rares personnes sur lesquelles Magic pu compter. Défiant de nombreux stéréotypes – et réalités médicales – de la vie avec le VIH, Johnson n’a encore manifesté aucun symptôme de la maladie. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il était à l’époque à l’abri des préjugés à l’égard des personnes vivant avec le VIH et le SIDA. En effet, les stéréotypes et l’ignorance sur le virus étaient alors grandissants, même au sein des médias. Après avoir bouleversé le monde entier, Magic Johnson ressentait les préjugés sur sa maladie de manière assez sévère, passant d’idole que tout le monde voulait côtoyer à la personne à éviter :
“ Certains abandonnent la piscine lorsque je la rejoins par crainte de contracter le virus”.
Autre exemple qui nous rapproche un peu du basket, on sait aussi qu’il a brusquement du interrompre un retour fracassant en NBA l’année suivante, après que de nombreux joueurs aient exprimé leur crainte d’entrer en contact avec lui, même si ces propos n’étaient pas clairement assumés aux premiers instants de son comeback. C’est entre autres Karl Malone qui lèvera le silence dans le vestiaire des visiteurs du Madison Square Garden avant un match contre les Knicks. Le Mailman remet ainsi en cause l’acceptation du retour de Magic Johnson dans la Ligue, en posant un doigt sur une petite croûte rosâtre sur sa cuisse qui se transforme en plaie :
“Regardez ça, j‘en reçois tous les soirs, à chaque match. Ils ne peuvent pas vous dire que vous ne courez aucun risque, et vous ne pouvez pas me dire qu’il y a un gars dans la NBA qui n’y a pas pensé.”
Gerald Wilkins, joueur des Cavaliers à l’époque en rajoute :
“Tout le monde en parle. Certaines personnes ont peur. Cela pourrait être dangereux pour nous tous, mais vous avez affaire à Magic Johnson donc les gens le gèrent avec des gants blancs. Ils ne diront pas ce qu’ils ressentent vraiment”.
Magic est blessé mais fait malgré tout abstraction, un temps, de la dureté de ses pairs, et joue le All-Star Game en 1992 avant d’en être nommé MVP du match. Il enchaine ensuite avec les Jeux Olympiques de Barcelone au sein de la légendaire Dream Team avant de tenter un retour chez les Lakers pendant la saison 1996. Aujourd’hui, le triple-MVP de saison régulière estime avoir bien fait de persister :
“Cela s’est avéré être la bonne décision, ça a aidé les personnes qui vivaient non seulement avec le VIH et le sida, mais avec n’importe quelle maladie, parce que vous pouvez malgré tout vivre une vie productive.“
Il y avait évidemment à l’époque une forte stigmatisation autour du VIH et du SIDA. Au-delà du basketteur, Magic Johnson a joué un rôle essentiel d’inspiration pour aider à réduire cette stigmatisation, car il a non seulement réussi à trouver une voie à suivre par la sensibilisation et un moyen de vivre avec la maladie. Il n’a pas laissé le diagnostic le définir – il en a de moins en moins parlé au fil des années – mais il a été extrêmement efficace pour éduquer le public sur un fait important concernant le VIH : ce n’était pas forcément une condamnation à mort. Dans les années qui ont suivi, le quintuple champion NBA s’est estimé “extrêmement chanceux” d’avoir vécu et géré le virus avec les traitements disponibles à l’époque, en particulier avant la sortie en 1996 d’une puissante trithérapie qui a prolongé la vie de nombreuses personnes atteintes de VIH. Ces choses n’étaient pas forcément connues en 1991, et la conférence de presse de Johnson a été un tournant décisif dans cette prise de conscience. Plus de détails sur ce moment historique seront bientôt révélés dans une nouvelle série documentaire sur la vie et la carrière du légendaire numéro 32 des Lakers sur Apple TV +. Le documentaire sera en quatre parties et l’épisode de sa séropositivité y sera largement traité entre la manière dont il a contracté le virus, l’impact sur sa vie et son activisme concernant le VIH et le Sida.
Aujourd’hui, Earvin Magic Johnson est un éminent porte-parole de la sensibilisation au sida et un homme d’affaires prospère, gagnant des millions grâce à diverses entreprises, notamment des franchises de sport et des chaînes de restaurants. Même ceux qui ne sont pas familiers à la NBA connaissent désormais Earvin Johnson et son histoire, il est l’exemple vivant de la façon dont une variété de traitements médicamenteux a transformé le sida d’une condamnation à mort en une maladie gérable pour de nombreuses personnes dans le monde.