Le billet d’Alex : Ben Simmons a raison !
Le 24 sept. 2021 à 19:05 par Alexandre Martin
En 2019, quand ils ont fait signer à Ben Simmons une extension de contrat, la fameuse “rookie maximum extension”, les dirigeants des Sixers n’imaginaient certainement pas se retrouver dans une situation aussi pourrie deux ans plus tard, avec un joueur qui veut partir alors même qu’il n’entre que dans la deuxième année de ce deal de 177 millions de dollars sur cinq ans et que sa cote a pris un sacré coup à la baisse lors des derniers Playoffs.
En voilà une longue phrase pour démarrer.
Une phrase qui sera toujours moins longue que la liste des ratés ayant émaillé la relation entre le triple All-Star Australien et la franchise de Philadelphie. Une succession d’erreurs ou d’actes manqués qui, au bout du compte, amènent Ben Simmons à forcer un bon de sortie au pire des moments pour les Sixers. On a d’abord une multitude de petits accrocs dans le tableau du Process philadelphien, comme les tergiversations du front office sur le type de joueurs qu’il faut pour entourer le duo Embiid – Simmons ou la gestion du cas Jimmy Butler qui avait pourtant montré qu’un deuxième créateur était nécessaire pour permettre à Simmons d’exprimer son potentiel dans différents rôles.
Puis, gros accroc là pour le coup, il est important de parler de l’incapacité de Ben Simmons à progresser au tir depuis ses débuts en NBA il y a quatre ans. Cela limite considérablement son impact offensif, lui enlève de la confiance, l’expose vis-à-vis des défenses adverses et a fait de lui un des maillons faibles des Sixers en demi-finale de conférence contre les Hawks alors qu’il aurait dû être une menace ingérable. Ajoutez à cela une grande bouche s’autoproclamant meilleur défenseur de la ligue, vous obtenez un joueur qui, tout aussi talentueux soit-il, peut clairement horripiler les fans et les observateurs voire ses coéquipiers ou ses coaches.
Ensuite, la raison principale qu’il ne faudrait surtout pas oublier dans toute cette histoire, celle qui suinte depuis trop longtemps maintenant : la compatibilité entre Joel Embiid et Ben Simmons est loin d’être évidente, si tant est qu’elle existe. En régulière, ça passe, ça déroule même parfois. Mais quand il s’agit de gagner des batailles de Playoffs dans des espaces resserrés et sous une pression de tous les instants, tout s’écroule tactiquement ET mentalement. Parce que l’entente entre ces deux stars n’est pas assez solide ? Parce que Brett Brown puis le Doc se sont montrés incapables de mettre en place un fond de jeu pour utiliser un attelage aussi atypique ? Peu importe, au final le résultat fut le même ces dernières années : une bonne vieille déception une fois venu le temps de la post-season.
Enfin, l’élément déclencheur comme souvent : l’humain, la gestion psychologique des troupes, qui se trouve être, normalement, une grande force de Doc Rivers… On comprend aisément la déception et l’amertume du coach des Sixers juste après l’élimination face à Atlanta. Et oui la question du journaliste, visant à savoir si coach Rivers pensait que Ben Simmons pouvait toujours être le meneur d’une équipe visant le titre comme les Sixers, était vicieuse. Mais, du haut de sa grande expérience, comment le Doc a-t-il pu répondre autre chose que : “Bien sûr que Ben Simmons est un titulaire à la mène dans une équipe comme la nôtre qui joue le titre. Il n’a encore que 25 ans, il est le meilleur défenseur de la ligue et un passeur hors-pair. Nous avons beaucoup de chances de l’avoir avec nous et nous savons que nous reviendrons plus fort tous ensemble après cet échec.” ?
Au lieu de ça, nous avons eu droit à un gênant : “Je n’ai pas la réponse à cette question”… Sérieusement Doc ? Et la réponse aux deux immenses chokes de ton équipe lors des matchs 4 et 5, tu l’as ?
Tout ça pour rétropédaler bêtement, maintenant que la situation est en train d’exploser. Non mais comprenez bien, ce sont les médias qui ont exagéré ses propos comme il l’a bien expliqué en faisant la promotion de son podcast avec Stephen A. Smith. Toujours est-il que Ben Simmons a été blessé par cette sortie de son entraîneur. Le meneur au corps d’ailier-fort a probablement mauvais caractère, il fait sa diva et refuse sûrement de reconnaître sa part de responsabilité dans la séparation qui se profile mais n’aurait-il pas raison dans le fond de vouloir quitter une franchise qui ne l’a pas soutenu dans un moment très difficile ?
Et si Ben Simmons n’était pas en train de faire ce qu’il faut pour donner une nouvelle dimension à sa carrière après cette épopée Sixers faite de beaux succès mais aussi d’échecs cuisants ? Les Sixers ont fini premiers de l’Est. On a beaucoup parlé, et à juste titre cette saison, de Joel Embiid, le candidat MVP. Mais qui est le meilleur et plus polyvalent défenseur de la deuxième meilleure équipe défensive de la ligue tout en en étant le meilleur passeur ? Ben Simmons. Un joueur très atypique certes mais également très dominant… s’il est mis dans les bonnes conditions.
Donnez-lui une équipe qui croit en lui et mise vraiment sur lui, sportivement. Donnez-lui les clés du camion avec de l’espace, des shooteurs et une défense à booster. Donnez-lui l’occasion de tout donner sans retenue, d’exploiter au maximum son potentiel athlétique hors du commun. Donnez-lui des gars compatibles avec son style peu courant, il saura les rendre meilleurs. Et ne me dîtes pas que c’est trop compliqué, les Bucks viennent d’être champions en ayant construit autour d’un Grec qui ne rentre pas assez de lancers et qui n’est pas très dangereux derrière l’arc. Giannis domine autrement. Pourquoi Ben Simmons ne pourrait-il pas lui aussi dominer autrement, à sa manière ? Il mérite mieux ou du moins autre chose que ces Sixers. Et d’ailleurs les Sixers pourraient eux aussi bénéficier d’un départ – même douloureux – de leur pépite, en récupérant dans l’opération de quoi créer plus d’espace autour d’Embiid et en ayant l’occasion de montrer qu’ils sont vraiment capables de monter un projet de candidat au titre cohérent, même une fois les joutes de Playoffs arrivées. N’est-ce pas finalement mieux que de vouloir à tout prix récupérer une situation qui ne l’est probablement pas ?
Car qu’on le veuille ou non, ces stars du sport de haut niveau ne sont pas des salariés comme les autres. En NBA, quand un joueur star est décidé à aller au bras de fer, il est quasiment impossible pour son management de le garder contre sa volonté. Le risque de saborder l’équilibre de l’équipe est trop grand, surtout pour une franchise qui se veut contender. L’argent peut parfois régler des choses mais dans le cas du Boomer, vu les montants qui lui sont garantis sur les quatre prochaines années. Peut-être que les Sixers vont réussir à le faire changer d’avais mais vu les récents éléments du dossier, on en doute fortement. Donc, que Ben Simmons joue de son pouvoir de star, même si cela nous énerve. S’il sent que c’est ce qu’il lui faut, il a bien raison ! Qu’il fasse le forcing. Qu’il pousse ses dirigeants dans leurs retranchements. Qu’il obtienne son transfert de cette brutale manière quitte à passer pour un caractériel ou un égoïste. Une franchise va finir par proposer un package que Daryl Morey ne pourra pas refuser. Ce package sera sûrement insuffisant aux yeux des fans mais il aura au moins le mérite d’exister et de mettre fin à une situation qui ne peut pas durer.
Ben Simmons a raison. Il aura très certainement sa chance, ailleurs. Mais attention, il sera désormais attendu au tournant et si la réussite n’est pas en sortie de ce prochain virage, il ne pourra pas faire la gueule de nouveau sous peine d’être définitivement catalogué parmi ces talents qui n’arrivent jamais à trouver la plénitude faute de mental ou de travail. Ben Simmons met la pression et se met la pression; Il va devoir progresser au tir dans le périmètre, rentrer ses lancers et passer un cap mentalement.
Avoir raison, c’est bien mais ensuite, il faut assumer.