Le billet d’Alex : rendez-vous dans l’impasse du contrat max

Le 15 sept. 2021 à 20:34 par Alexandre Martin

John Wall contrat max
Source : YouTube / NBA

La nouvelle est tombée hier. John Wall vient d’avoir une petite discussion avec les dirigeants des Rockets. Ces derniers ont un projet et, oh surprise, l’ex-dragster des Wizards n’en fait pas partie. Sauf que trouver un point de chute à l’ami Johnny et ses 91,7 millions de dollars garantis sur les deux prochaines saisons pourrait bien être la mission la plus ardue du moment sur la planète NBA. La faute à un contrat max qui, et ce n’est pas la première fois, se transforme en une véritable impasse. 

Bonne chance à toi, Rafael Stone.

Après deux ans sans jouer (du 26 décembre 2018 au 31 décembre 2020), John Wall a signé un retour loin d’être minable avec les Rockets lors de la saison écoulée. 40 matchs joués pour 20,6 points de moyenne accompagnés de 3,2 rebonds et 6,9 passes décisives. Les pourcentages de réussite au tir laissent encore à désirer mais Wall a montré quelques éclairs rappelant sa gloire passée comme en témoignent ses 31 points et 7 passes sur les Mavs début avril ou ses 27 et 13 caviars plus tard dans le même mois. S’il n’est plus et ne sera certainement plus le monstre athlétique dominant qu’il était, il est clair qu’un paquet d’équipes pourraient être intéressées par un tel joueur dans leurs rosters. Ah, s’il n’y avait pas cet énorme contrat… 

Sur l’exercice 2021-22 à venir, John Wall sera le deuxième joueur le mieux payé de la ligue (derrière Stephen Curry et à égalité avec James Harden). Ses 44,3 millions de salaire représentent 39,4% du salary cap et 36,8% des salaires qui seront versés par les Rockets à leurs joueurs sur la saison. Pour un joueur vétéran à 20 points par match avec des pourcentages douteux et dont la présence n’est pas souhaitée dans le projet actuel de l’équipe, oui ça fait cher. Très cher même. On peut bien évidemment arguer du fait que quand il a signé cette extension au max sur 4 ans, avec les Wizards, Wall n’a forcé personne. Il était, semble-t-il, assez logique pour Washington de proposer autant d’argent à son joueur phare, même s’il était blessé depuis déjà quelques mois à l’époque. Il ne s’agit pas ici de considérer qu’un gars comme Wall ne mérite pas les sommes qui lui ont été garanties ou que le front office des Wizards a fait n’importe quoi. Il s’agit de mettre en avant l’aspect pernicieux de ce type de contrats très onéreux. Ils sont signés sur de longues durées, ils vont en augmentant alors qu’ils sont donnés à des joueurs ayant déjà une dizaine de saisons NBA dans les pattes, des joueurs dont l’âge et/ou le physique peuvent devenir un sujet à tout moment. Les risques afférents à ce type de contrat sont connus. D’autant plus que le CBA (Collective Bargaining Agreement, comprenez accords collectifs NDLR) actuel de la grande ligue fait que ces contrats peuvent atteindre des proportions astronomiques dans la masse salariale d’une franchise, créant ainsi des déséquilibres ingérables et devenant un vrai fardeau si jamais les choses ne se déroulent pas comme prévu.

Spoiler : des plans sans accroc en NBA, il y en a peu finalement.

C’est en tout cas ce qu’on peut constater quand on voit le nombre de ces contrats max qui se sont avérés très difficiles à manier au bout de seulement un an ou deux. Il n’y a pas si longtemps, Blake Griffin a réussi à négocier un buy-out avec les Pistons pour se sortir d’une situation devenue invivable. En effet, au sujet de l’intérieur rouquin, on était alors très vite passé de “Oh wow Griffin, quel joueur, c’est le cœur du jeu de Detroit” (printemps 2019) à “Quelle tristesse, il n’a plus de genoux, il ne peut plus jouer…” (début de saison 2020-21). Ce n’est pas que Blake ne pouvait plus jouer, c’est qu’il prenait bien trop de place dans le cap des Pistons par rapport à ce qu’il pouvait apporter. Il devait partir. Pour se faire, il a dû accepter de lâcher un peu plus de 13 millions sur les 75 qui lui étaient encore dus sur ses deux dernières années de contrat. C’est ainsi qu’il a retrouvé sa liberté et, dans la foulée, les parquets du côté de Brooklyn. Pour Wall, l’affaire risque d’être bien plus compliquée car, d’après les premières informations qui ont filtré, la solution du buy-out ne semble pas sur la table. Il va donc falloir que Rafael Stone réussisse à monter un échange pour envoyer son meneur paître sur d’autres terrains que le sien. Il en va de l’équilibre de son groupe de joueurs et de la flexibilité financière dont sa franchise va forcément avoir besoin pour reconstruire et retrouver le chemin de la victoire. Le pauvre – mais très riche – John Wall est donc un nouvel exemple du type d’impasse sportive dans laquelle un contrat max peut mettre un joueur. 

Les joueurs veulent les plus gros salaires possibles mais ils veulent aussi un gros effectif autour d’eux. Les General Managers doivent payer cher les stars et les superstars tout en gardant des options pour les entourer. La moindre blessure peut tout faire exploser. Même chose si l’équilibre du groupe n’est pas bon et que, par conséquent, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les joueurs doivent-ils pour autant toujours pousser pour avoir le max, parfois au détriment de l’équipe ? Les dirigeants ont-ils les moyens de ne pas céder à la pression ? Dans les petits marchés notamment, il est complexe voire impossible de ne pas offrir le max du max à un gros joueur, sous peine de le voir filer vers d’autres cieux. On le sait, on le constate depuis des années. Et dès qu’un contrat de joueur devient trop encombrant, le sujet est remis sur la table. Sans que rien ne change.

Un peu plus haut dans ces lignes, Stephen Curry est évoqué. Quand on parle de contrat max, impossible de passer outre le meneur iconique des Warriors. Sa dernière extension, qui sera effective dans un an, est une folie. 215 millions sur 4 ans ! Le Chef touchera 48 millions sur la saison 2022-23 alors qu’il aura 34 ans pour finir à 59,6 millions en 2026, à 38 ans. TRENTE-HUIT ANS. Cependant il est clair que ce que les Warriors sont ici en train de faire va au-delà du sportif. Ils paient le meilleur joueur de leur histoire, trop cher certes mais les espoirs de rentabilisation à travers la vente de maillots et autres produits dérivés sont réels. Et puis, les Warriors ont déjà trois titres et cinq apparitions en Finales lors des sept dernières années, avec leur sniper à gueule d’ange en tant que visage de l’équipe. Quelque part, ils ont eu les fruits et maintenant ils paient. Pourquoi pas.

En revanche, attention à certains autres joueurs payés au max qui n’ont ni le palmarès ni la rentabilité financière d’un Curry et qui sont, de fait, des clients potentiels à une Johnwallite aigüe. On pense ici très fort à Damian Lillard. Son niveau de jeu offensif est magnifique, c’est indéniable mais il n’est pas à l’abri d’un début de déclin dans les prochaines années. Pourtant, il démarre une extension contractuelle de 4 ans qui le verra encaisser la modique somme de 48,7 millions de dollars en 2025 alors qu’il aura 35 ans. Que dira-t-on de lui à ce moment là ? On pense aussi à Paul George. Il est sur une échelle de salaire similaire à celle du meneur des Blazers et il a le même âge. L’ailier des Clippers vient de proposer du lourd en Playoffs mais rappelez-vous les critiques qui se sont abattues sur lui lors de la post-season précédente. Imaginez ce type situation à gérer pour la franchise de Los Angeles lors des quatre prochaines années avec la pression du résultat. Quatre saisons, c’est très long. Enfin, Jimmy Butler… Le swingman du Heat a encore deux saisons sur son contrat existant à 36 puis 37 millions, à 32 puis donc 33 ans. L’extension qu’il vient de signer lui garantit trois autres années à 45 millions (34 ans), 48 millions (35 ans) puis plus de 52 millions à 36 ans. Ces sommes sont énormes compte tenu de l’âge des joueurs surtout que le deal TV actuel – principal fournisseur de revenus pour les franchises – court encore jusqu’en 2025. D’ici là, il va falloir assumer les salaires des stars avec un salary cap qui va augmenter mais très légèrement. Certains cas seront tendus, on le sait déjà.

Surpayer les stars, payer les superstars, tout miser sur un ou deux joueurs… On comprend bien que, sous la pression, la plupart des dirigeants décident de noyer leurs meilleurs éléments sous des montagnes de dollars. Pour les faire rester, pour les contenter. Le risque est indéniablement immense, même pour des joueurs élite. Déjà, cela ne garantit en fait en rien contre les envies d’ailleurs d’un de ces messieurs payés au max. Ensuite, si ça se passe mal, c’est une véritable impasse contractuelle qui apparait. Une impasse dont les Rockets vont avoir bien du mal à se sortir sans y laisser des picks, des jeunes à potentiel ou des gros sous. Ou un combo au choix parmi ces trois options. On leur souhaite bien du courage en attendant de voir où John Wall aura l’occasion de caresser la balle orange dans les jours, les semaines ou les mois à venir.