Dallas, ton management impitoyable : zoom dans les coulisses des Mavs, une franchise qui ne peut pas frustrer davantage Luka Doncic
Le 14 juin 2021 à 20:11 par Bastien Fontanieu
Fans des Mavs, ou de Luka Doncic, respirez un bon coup. Le dossier du jour nous vient de The Athletic, avec Tim Cato et Sam Amick à la baguette. Les deux reporters américains ont montré, à l’aide de divers exemples détaillés, un aperçu des coulisses à Dallas, une franchise dont le management ne serait pas aussi stable qu’imaginé. De quoi pousser Doncic vers la porte de sortie dans quelques années ?
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La question posée à l’instant semble absurde, au moment où ces lignes sont écrites. Comment ça, Luka qui porterait un autre maillot que celui des Mavericks. Et puis quoi encore ? Si les désillusions sont réelles côté Dallas, avec une nouvelle sortie au 1er tour des Playoffs face aux Clippers et en ayant cette fois mené la série 3-2 avec un Game 6 à domicile, le constat le plus récent est sans appel. Il ne laisse, quelque part, aucun doute dans la tête du moindre fan de basketball. Luka Doncic devrait signer sa prolongation à Dallas cet été, cette fameuse prolongation à plus de 200 millions de dollars, qu’il a évoquée avec un sourire la semaine dernière malgré le goût amer de la sortie rapide en Playoffs. Oui, sauf cataclysme, sauf astéroïde sur la maison de Luka ou bien sauf kidnapping forçant le gamin à changer d’avis, on verra bien une Woj Bomb tomber sur les réseaux cet été avec un bon gros total à neuf chiffres dont le premier sera un 2. Et dès lors, il y aura de quoi respirer chez les Mavs, eux qui auront dans leur effectif un des (allez) 10 meilleurs joueurs de la planète sous contrat pendant 5 ans, alors qu’il est à peine âgé de 22 ans.
Cependant, la question n’est pas vraiment sur ce point-là.
La question, et les doutes soulevés par Cato et Amick, se positionnent sur le point suivant.
Doncic à Dallas, oui, mais pour combien de temps ?
Dans ce long dossier magnifiquement articulé par les journalistes de The Athletic, plusieurs éléments viennent mettre le coup de projecteur sur un aspect qui a fait bien des dégâts dans l’histoire de la NBA. Et cet aspect, c’est le dysfonctionnement d’un management dans une franchise NBA. Les Mavs sont-ils dysfonctionnels ? Et bien à en croire les exemples creusés et rapportés par nos détectives du jour, il y a de quoi froncer quelques sourcils.
- Haralabos Voulgaris, un parieur installé dans l’oreille de Mark Cuban
Pour celles et ceux qui ont traîné sur Twitter depuis plusieurs années, Bob Voulgaris est un parieur américain réputé qui n’a jamais eu la langue dans sa poche. Un fanfaron du pari sportif qui, sans surprise, s’est bien entendu avec Mark Cuban, propriétaire des Mavs. Son nom est connu aux US pour son franc parler et son succès dans un monde qui fascine plus d’un fan de sport. Les deux hommes ont réussi à développer leur fortune de manière différente dans l’industrie du sport, mais une chose est sûre et factuellement indéniable : Voulgaris a été recruté à l’automne 2018 sur un poste au titre particulièrement vague, celui de directeur en développement et data. En gros, on parle ici d’un analyste geek qui vient donner son avis sur la direction de la franchise et les bons plans à saisir. Après tout, si le type est fort dans l’utilisation des statistiques avancées, pourquoi ne pas le consulter ? Seul problème, au fil des mois Haralabos a pris une place trop importante dans la hiérarchie exécutive des Mavs, au point de se situer dans l’oreille de Mark Cuban et d’être au centre de situations particulièrement troublantes. Sachant qu’il y a Donnie Nelson, président des opérations basket à Dallas, qui doit déjà dicter les missions, qui a véritablement le volant entre ses mains ? Voici, pêle-mêle, un florilège de ce qui a été rapporté dans le dossier de The Athletic.
Plusieurs sources au sein de la Ligue ont indiqué à The Athletic que Voulgaris a été la voix la plus influente du management de Dallas depuis qu’il a rejoint la franchise, initiant ou approuvant à-peu-près tous les mouvements de joueurs effectués ces deux dernières saisons. Les mêmes sources ajoutent que Voulgaris a même été jusqu’à scripter le 5 majeur et les rotations pour Rick Carlisle, coach de longue date des Mavericks.
C’est Voulgaris qui a initié l’acquisition de Seth Curry et Delon Wright, plusieurs sources indiquant à The Athletic que Voulgaris croyait que Wright devait être titulaire aux côtés de Doncic. “C’était le seul à croire cela,” indique une source au sein de l’équipe. Wright a bien démarré la saison le soir de la reprise, avant d’être installé dans un rôle de remplaçant à plein temps, lui qui n’aura quasiment aucun temps de jeu lors de la défaite des Mavs au 1er tour des Playoffs 2020.
Puisque l’influence de Voulgaris était bien plus importante que son rôle initial, les membres du management de Dallas ainsi que les exécutifs des autres franchises NBA qui interagissaient avec eux étaient souvent confus quant à la personne qui avait réellement le pouvoir. “On avait deux GM,” a même indiqué une source au sein de l’équipe.
Plusieurs sources au sein des Mavs et de la NBA pointent la Draft 2020 comme étant l’exemple suprême du pouvoir tenu par Voulgaris, une soirée “embarrassante” comme l’a décrit une source de l’équipe. La plupart des membres du staff scouting étaient présents lors de la réunion du choix de la Draft via Zoom, et tous furent surpris de voir que Voulgaris ne les avait même pas consultés concernant les deux premiers choix (Josh Green et Tyrell Terry) alors qu’il existait des désaccords concernant cette sélection. “Qu’est-ce qu’il a vendu à Mark (Cuban) pour qu’il puisse se permettre d’agir ainsi ? Personne ne sait,” a indiqué une source de l’équipe.
Forcément, quand on prend ces exemples et qu’on voit tous les autres expliqués en détails dans le dossier, on a vite envie de tirer la gueule. Un vilain qui dérange le management en place, ne s’entend pas trop avec les joueurs et a les faveurs du boss, pour ceux qui ont la référence on pense immédiatement à Grima dans Le Seigneur des Anneaux, qui est planqué dans l’oreille du patron et a du coup la protection ultime contre toute attaque. Mais alors quel rapport avec Luka ?
- Luka Doncic, un compétiteur féroce qui n’a pas le time pour ces conneries
Vient donc le cas Doncic. Qui est rempli de complexités, tout autant qu’il est rempli de génie basketballistique. Sur le terrain, rien à redire. Luka est déjà parmi les meilleurs joueurs de la planète. Dans le comportement ? Difficile à dire, le volcan rugit en lui intérieurement comme ses nombreuses fautes techniques l’ont montré, et on verra comment son tempérament le mènera sur les prochaines années. Luka a son petit caractère, c’est acté. Mais en ce qui concerne la timeline ? Et bien c’est là que certains soulèvent de vraies interrogations. Habitué à rouler sur tout le monde, champion d’Europe, d’Euroleague et MVP de tout ce qui se gagne à l’âge de 18 ans, le phénomène slovène n’est pas du genre à vouloir attendre patiemment que son heure vienne. Son heure, si on lui demande directement, elle est avant-hier. Les Mavs le savent, et le camp Doncic n’hésitera pas à le rappeler régulièrement. Les décisionnaires de Dallas savent donc qu’ils ne doivent pas rapidement mais immédiatement construire une équipe de contender autour de la jeune superstar… et il y a de l’eau dans le gaz actuellement quand on voit le bordel qui résonne en interne.
En février dernier, lors du second quart-temps d’un match à domicile face aux Warriors, Luka Doncic perd la balle et reçoit alors l’avis d’une personne dont il n’a pas envie : Haralabos Voulgaris. Assis au premier rang à côté du banc des Mavs, ordinateur ouvert sur ses genoux, Voulgaris fait le geste de calmer le jeu avec ses mains vers Doncic, une interprétation que plusieurs sources confirment. Doncic répond alors du tac-o-tac à Voulgaris, “Putain, ne me dis pas de me calmer.” Si la source qui rapporte cet incident indique également que Voulgaris souhaitait faire ce geste pour l’ensemble de l’équipe, quelle que soit l’intention cela n’a qu’embrasé une relation déjà brûlante entre les deux hommes.
Mi-avril, durant la dernière minute d’une défaite à domicile face aux Knicks, Voulgaris est aperçu dans le flux du diffuseur télé des Mavs, se levant et quittant la salle avec encore 45 secondes à jouer. Si Dallas perdait de 10 points à ce moment précis, les joueurs vont tout de même réduire l’écart à 6 points et étendre le match de 7 possessions supplémentaires avant de perdre au final. Remarquant le départ prématuré de Voulgaris, Doncic va ensuite dire à ses coéquipiers dans le vestiaire qu’il a vu ce départ comme un signe comme quoi Voulgaris les abandonnait. Voulgaris ne viendra à aucun autre match des Mavs pour le reste de la saison.
En interne, il y a de vraies inquiétudes concernant la capacité du management à construire une équipe contender autour de Doncic, et que la faible relation que Luka possède avec des membres importants de la franchise, dont Voulgaris, pourrait impacter son désir de rester à Dallas sur le long-terme.
Globalement, il est important de rappeler que Doncic a eu des relations excellentes avec les Mavs depuis son arrivée en NBA, lui qui avait même poussé avec ses agents pour être drafté à Dallas en 2018. Entre sa relation avec Dirk Nowitzki, l’expérience de Rick Carlisle et les moyens mis en avant pour faire de Luka une superstar, on ne peut dessiner un portrait uniquement composé de nuages. Il y a, actuellement, de vrais gros challenges dans la franchise texane et il faut les relever. En interne, avec la pépite slovène… et peut-être même avec le coaching staff ?
- Rick Carlisle, un coach adoubé mais qui ne fait pas l’unanimité
Président de l’association des entraîneurs, coach ultra-respecté sur le circuit NBA, champion avec les Mavs de 2011 et applaudi pour son génie offensif, Rick Carlisle semble à priori intouchable. Dans la trempe des Gregg Popovich à San Antonio ou Erik Spoelstra à Miami, ces piliers de franchises qu’on ne déboulonnera pas sur un coup de tête. Mais à priori est le bon terme. Car présent depuis plus d’une décennie à Dallas, Carlisle n’est pas forcément vu comme le coach qui va driver la carrière de Luka Doncic ad vitam eternam, comme il a pu changer celle de Dirk Nowitzki avec le run mémorable d’il y a dix ans en Finales NBA. Certains vont même, dans les rumeurs les plus éparpillées ces derniers mois, jusqu’à se demander si Doncic n’exigerait pas prochainement la présence de ses cadors d’enfance, en l’occurrence Igor Kokoskov coach de la Slovénie que l’on avait aperçu rapidement à Phoenix, ou bien Pablo Laso qui a posé les bases de Luka au Real Madrid. Des bruits de couloirs, mais qui se mélangent avec les récents murmures, ceux qui ne rendraient pas Rick Carlisle aussi intouchable qu’imaginé encore récemment. Et ce malgré les propos très clairs de Mark Cuban en sortie de Playoffs, lui qui soutenait son entraîneur à 100% devant les médias.
Plusieurs sources étaient étonnés de voir Cuban soutenir aussi promptement Rick Carlisle, même si ce soutien n’a jamais changé au fil de la décennie passée. Pendant la saison, l’idée partagée était que l’avenir de Carlisle à Dallas serait rediscuté après cette saison. Cette croyance était partiellement due au fait qu’il y avait un sentiment de déconnexion entre le joueur et son coach. “C’était vraiment incertain,” indique une source au sein de l’équipe.
Des sources indiquent que plusieurs joueurs ont été frustrés par Carlisle, après avoir perdu leur temps de jeu alors qu’ils étaient persuadés d’avoir fait ce qui leur était demandé. Et que cette perte de temps de jeu était due à des rotations fermes, vues pertinemment comme étant des directives de Voulgaris. Au début de leur relation, Doncic était également mécontent des systèmes annoncés et des temps morts demandés par Carlisle.
Carlisle semblait intouchable, un statut que l’on obtient lorsqu’on emmène une franchise sans titre jusqu’au sommet de la NBA. Mais plus Doncic ressemblait à un nouveau Dirk Nowitzki en l’espace de trois saisons, ce genre de talent que l’on croise une fois par génération et autour de qui construire pendant vingt ans, plus l’image autour de Carlisle changea. Et Carlisle, clairement, décida d’accepter cela.
Rick Carlisle, lui aussi sur le siège un peu chaud ? En prenant en compte les récentes remarques de Kristaps Porzingis, son utilisation ou la façon dont la fin de série face aux Clippers a été gérée, il y a de quoi entendre cette question. Elle semblait inconcevable il y a encore très peu de temps, notamment l’année dernière lorsque l’entraîneur des Mavs proposait une attaque de rêve, pour une équipe de jeunes combattants défiant Los Angeles au premier tour des Playoffs. Aujourd’hui, et comme la NBA le rappelle si souvent, le vent a changé de direction. Et Carlisle, qui faisait partie des intouchables, pourrait lui aussi voir son nom apparaître dans quelques rumeurs les mois qui viennent. Si, par exemple le coach ne fait pas progresser son équipe dans la Conférence Ouest et se retrouve une nouvelle fois devant la téloche en demi-finale…
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Comme on peut le voir dans ces différents exemples et éléments partagés sur les coulisses des Mavs, ce n’est pas vraiment la classe en ce moment à Dallas. Du coaching au management en passant par la lucidité de Mark Cuban ou le pouvoir de Donnie Nelson contre celui d’Haralabos Voulgaris, il y a de quoi tirer la tronche. De quoi voir Luka Doncic quitter la franchise également ? Non, pas de manière imminente. Mais cette phrase résume peut-être le mieux la situation actuelle chez les Texans : “Ce n’est pas que la situation entre Doncic et les Mavs a atteint un point critique aujourd’hui. C’est que, comme plusieurs sources le ressentent et confirment, il y a une réelle peur de voir cette relation aller dans cette direction”. Cuban doit donc redresser le navire, et vite, en faisant confiance aux bonnes personnes à bord…
Source : The Athletic