LaMarcus Aldridge – Syndrome de Wolff-Parkinson-White : l’analyse du Docteur Q

Le 21 avr. 2021 à 13:02 par Quentin Quairière

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Source image : NBA League Pass

Stars, highlights et stats nous font rêver au quotidien en NBA. Mais si tous ces athlètes performent chaque soir sur les parquets, c’est aussi parce que leurs corps si exceptionnels sont surveillés, massés et examinés en permanence. Ainsi, le Dr. Q, étudiant en médecine le jour et supporter NBA la nuit, a installé son cabinet chez TrashTalk pour décrypter et analyser tous les bobos de nos stars de la balle orange. Entorse, déchirure, fracture, luxation… la visite médicale nous permettra de comprendre toutes les blessures de la Grande Ligue. Aujourd’hui, c’est LaMarcus Aldridge qui passe sur la table du doc, pour un Syndrome de Wolff-Parkinson-White.

  • Professeur-étudiant en troisième année de médecine, le Dr. Q est un grand passionné du corps humain, qui a lui-même pu tester de nombreuses blessures en étant victime de ce qu’on appelle la malchance sportive. Fasciné par l’anatomie et déterminé à exceller en tant que futur médecin du sport, il a déjà participé à des démonstrations en milieu hospitalier à l’âge de 10 ans et a observé en bloc opératoire à partir de ses 13 ans. Le Dr. Q partagera ainsi son savoir et ses recherches sur TrashTalk, pour en connaître toujours plus sur les blessures du monde du basket.

15 avril 2021 : LaMarcus Aldridge poste une lettre sur Twitter. L’intérieur annonce sa retraite immédiate, alors même que la saison régulière n’est pas terminée et que les Nets sont 2è à l’Est. La surprise est de taille, Aldridge avait très récemment rejoint cette équipe contender dans l’espoir d’enfin gagner son premier titre. Mais c’est finalement sans bague que le L-Train quitte la NBA après (presque) 15 saisons, près de 20 000 points et plus de 8 000 rebonds. Son dernier match a été décisif : il a joué 22 minutes malgré un rythme cardiaque irrégulier et a enchaîné sur une des pires nuits de sa vie. Mais revenons quelques années en arrière…

Draft 2006 : alors deuxième choix de la Draft, LaMarcus est transféré directement par les Bulls à Portland où il fait un bon début de carrière et intègre même le cinq de départ au bout de son quatrième match chez les pros. Malheureusement, sa saison rookie est brutalement stoppée en avril, suite à un malaise après sept minutes de jeu contre les Clippers. Examiné par le staff médical suite à des palpitations et des vertiges, il est hospitalisé pour subir une série de tests. Le verdict tombe : il est atteint du Syndrome de Wolff-Parkinson-White : analyse en détails…

Le Syndrome de Wolff-Parkinson-White : qu’est-ce que c’est ? Pour faire simple, le cœur se contracte régulièrement grâce à des signaux électriques. Ces signaux font battre le cœur plus ou moins vite, selon nos besoins, selon que l’on soit au repos ou en activité. Dans le syndrome de Wolff-Parkinson-White, il y a un faisceau électrique supplémentaire dans le cœur qui crée une sorte de court-circuit. C’est une anomalie de naissance et la plupart des personnes touchées ne développent pas de symptômes.  Malheureusement, certains ont moins de chance.

Quelles conséquences sur la vie quotidienne ? Lorsqu’il est symptomatique, comme pour Aldridge, ce syndrome cause des crises de tachycardie : un rythme trop rapide du cœur, qui peut dépasser les 200 battements par minute au repos. Il peut aussi provoquer des douleurs dans la poitrine, des vertiges et des pertes de connaissance (syncopes) par manque d’oxygène dans le cerveau. Ces “crises” sont favorisées par le stress ou l’effort physique. Dans les cas les plus graves, il peut provoquer une fibrillation atriale : des contractions rapides, irrégulières et surtout inefficaces de la partie supérieure du cœur et entraîner un AVC ou un arrêt cardiaque. Ces complications sont rares mais c’est certainement ce qui a précipité la retraite de LaMarcus.

Comment un sportif professionnel a-t-il pu exceller pendant 15 ans malgré ce problème ? A la découverte de cette pathologie, en 2007, LaMarcus a subi une ablation par radiofréquence : le chirurgien passe un petit tube par un vaisseau pour aller jusqu’au cœur et brûler le faisceau en trop. Il a pu reprendre rapidement le chemin des parquets mais a connu une première récidive en 2011 et a dû subir une seconde ablation. La récidive est rare et se produit notamment quand tout le faisceau n’a pas pu être détruit. Il connaît une nouvelle alerte en 2017 chez les Spurs et lutte depuis au quotidien contre ces symptômes. Aldridge a donc passé ces dernières années à réaliser des manœuvres vagales, qui aident à calmer les crises de tachycardie : souffler en se pinçant le nez, se masser les carotides mais aussi des trucs un peu moins cool comme appuyer (vraiment) très fort sur les yeux, s’enfoncer les doigts dans la gorge pour provoquer un réflexe nauséeux, se plonger la tête dans de l’eau glacée. Popovich l’avait d’ailleurs évoqué en 2017 : “Tout au long de l’année, il a subi des procédures et a dû faire des choses qui ne sont pas agréables et il a fait preuve de beaucoup de classe et de courage dans la façon dont il a tout fait”.

Le dépistage cardiaque systématique de la NBA, une grande avancée pour la santé des sportifs professionnels ? Ce protocole voit le jour en 2006, après deux événements qui ont secoué la planète NBA. Jason Collier d’abord : le pivot d’Atlanta est décédé à 28 ans d’un arrêt cardiaque la saison précédente, après s’être plaint de douleurs dans la poitrine. Ce drame a marqué les Hawks : son numéro a été retiré et un trophée à son nom récompense chaque année l’engagement communautaire d’un joueur de la franchise, John Collins la saison dernière. La deuxième histoire concerne Eddy Curry, transféré par les Bulls après avoir refusé de passer un test génétique. La franchise suspectait une maladie cardiaque grave suite à des problèmes d’arythmie et a malgré elle ouvert le pointilleux débat de ce que peut demander une franchise à ses joueurs. Depuis, avant chaque saison, tous les joueurs de la ligue subissent le même examen cardiaque : un électrocardiogramme et deux échographies cardiaques (au repos et à l’effort). Le protocole a permis de détecter des maladies cardiaques chez certains joueurs, notamment Jeff Green, privé de saison 2011-12 à cause d’un anévrisme de l’aorte repéré lors du dépistage et opéré dans la foulée, ce qui lui a sans aucun doute sauvé la vie.

Suite à la mise en place de ce dépistage, les données de 519 joueurs NBA ont fait l’objet d’une étude, sortie fin 2017. Elle montre notamment des modifications physiques du cœur en réaction à la pratique très intensive de ce sport. Ces modifications se retrouvent davantage en NBA à cause de plusieurs facteurs : la taille des joueurs, le rythme de vie, l’intensité des entraînements et des matchs… Le cœur est donc lui aussi mis à rude épreuve sur les parquets et cela peut aggraver une pathologie cardiaque sous-jacente.

Les problèmes sérieux arrivent souvent après la carrière des joueurs, la NBA organise d’ailleurs depuis 2015 des dépistages cardiaques gratuits pour ses retraités, suite à de nombreux décès précoces d’anciens joueurs (Moses Malone, Darryl Dawkins, …). Cela n’a pas été le cas pour LaMarcus, et c’est l’un des meilleurs postes 4 de la dernière décennie qui s’arrête brusquement, rattrapé par sa maladie. Il aura fait vibrer pendant de nombreuses saisons les fans de Portland, puis de San Antonio. Avec seulement cinq matchs joués, il laissera sans doute un goût de “trop peu” à ceux de Brooklyn. Celui qui les avait rejoint dans l’espoir de gagner “son précieux” quitte malheureusement la ligue sans jamais avoir pu soulever le trophée Larry O’Brien…


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