Facundo Campazzo et la difficile quête NBA des meneurs made in Euroleague : cette fois-ci… ça matche ?

Le 17 déc. 2020 à 13:46 par Matis Rapacioli

Facundo Campazzo
Source image : YouTube

Il a beau être vice-champion du monde en titre avec l’Albiceleste et l’un des joueurs les plus référencés d’Europe depuis des années, son pedigree ne prendra réellement de la valeur qu’à l’épreuve de la ligue nord-américaine. Ce besoin de confrontation au sommet, d’évolution et de recherche de reconnaissance est probablement ce qui a poussé Facundo Campazzo a rejoindre la NBA et les Denver Nuggets durant cette intersaison. Nombreux latins ou européens chevronnés et rompus aux joutes de l’Euroligue et plus largement au basket FIBA ont tenté avant lui la grande aventure sur le tard, avec des fortunes diverses. À 29 ans, l’ancien meneur explosif du Real Madrid tente sa chance dans la grande ligue mais, sur le poste 1 surchargé des Nuggets, a-t-il le profil pour réussir ?

Facundo Campazzo en quelques lignes ? Triple vainqueur du championnat espagnol en 2015, 2018 et 2019 avec les Madrilènes, double lauréat de l’Euroligue en 2016 et 2019 toujours avec le Real. Année 2019 faste puisqu’avec également une Supercoupe d’Espagne au compteur, le trophée de MVP associé ainsi que cette même récompense personnelle pour les Finales du championnat victorieux, il a, à peu près, tout raflé en Espagne. On vous épargne ses années au pays où il aura là aussi fait quelques cartons pleins avec son Peñarol Mar Del Plata, sans oublier son équipe nationale argentine toujours très performante en temps voulu. Oui mais voilà… Pour citer Sanka des Rasta Rockett, “ça c’est un palmarès, pas un pedigree !”. Non pas que les deux données soient diamétralement opposées hein, mais si le premier peut aller sans le second, le second ne va pas sans le premier. Facundo Campazzo est un grand joueur FIBA, il veut désormais prouver que c’est un grand joueur… tout court.

La thèse énoncée est un peu dure avec le basket international. On aime tous défendre cocorico nos couleurs lors des championnats du monde et il n’y a, par exemple, pas plus grande fierté pour les Limougeauds que leur titre européen de 1993, mais à l’heure de la sur-démocratisation de la NBA et du basket spectacle dans les chaumières françaises, le constat est réel : un joueur qui se veut grand doit se confronter à la Grande Ligue. Pas une question de niveau ou de talent, bien au contraire, mais d’accomplissements. L’argument est simple, au moment de faire un top 100 des meilleurs joueurs de basket, vous regarderez d’abord ce qu’il s’est passé du côté des 50 états, et on ne vous en voudra pas. A vrai dire, la donne est loin d’être nouvelle, les jeunes prospects du monde entiers ne grandissent qu’en pensant à la Draft et construisent leurs carrières en conséquence pour ne pas rater le coche. Certains vont toutefois chercher à s’aguerrir au maximum en Europe avant de franchir ou non le pas outre-Atlantique.

Formidable fournisseur de talent, le basket de club européen sait faire confiance aux jeunes joueurs et va créer l’intrigue chez la franchise NBA qui combat peu à peu son mal à se tourner vers les talents de l’international. Ce basket Euroligue forme ces jeunes joueurs, les renforce, les fait grandir et leur apprend même parfois déjà à gagner (M. Doncic, bien le bonjour). Mais à trop longtemps jouer sur les parquets du Vieux Continent, les rouages pris ne deviennent plus des armes pour la future carrière NBA mais desservent des joueurs qui auront de plus en plus de mal à se fondre dans le moule américain par la suite. Si la volonté de basket US apparaît sur le tard, le style de jeu dont se sera imprégné le joueur sera difficilement compatible avec la NBA, notamment pour les joueurs sur les lignes arrières. La ligue physique, athlétique et pragmatique ne fait pas de place au QI basket européanisé de certains esthètes de la balle orange. Meilleur exemple du genre : Milos Teodosic. Monstre du basket européen, le Serbe, meneur d’exception, n’aura jamais réussi à s’imposer chez des Clippers incapables de lui faire confiance. A l’inverse, son concitoyen de 2m24 Boban Marjanovic moins… enfin plus… enfin différent dirons-nous, aura traversé l’Atlantique à 27 ans et rendu de fiers services en NBA, alors que des légendes chez nous le sont également devenues là-bas malgré une arrivée sur le tard, on pense aux illustres Arvydas Sabonis et Drazen Petrovic.

Le fait est qu’El Mago est plus proche de Teodosic que Marjanovic, sans blague. Passeur imprévisible, fin technicien à la vista brûlante et ce soupçon de grinta sud-américaine qui plaît tant plus au nord, Facundo Campazzo a autant besoin du ballon que de la confiance des Nuggets. Si Mike Malone semble charmé et nous enthousiasmé par l’international team qui se dessine à Denver avec Niko Jokic et Jamal Murray, la prolongation de Monte Morris pour trois ans vient compliquer la tâche de Facu, d’autant que la marge de manœuvre de l’Argentin sera réduite face à des Américains qui ne manqueront pas de souligner ce parcours particulier en cas de difficultés d’adaptation. Avantage pour le meneur de 29 ans, il a déjà vécu un grand changement de vie dans sa carrière quittant son Argentine natale pour les terrains espagnols du Real.  Pas le cas d’autres cadors du basket européen qui n’auront pas réussi à s’expatrier sur le tard comme Juanca Navarro, aussi talentueux que détesté en France et qui, malgré des prestations honnêtes avec les Grizzlies, aura finalement eu très vite le mal du pays, comme Sarunas Jasikevicius et ses deux saisons très moyennes avec les Pacers ou les Warriors, ou encore comme celui que l’on considère, en France encore plus, comme le symbole de cette fracture européano-américaine : Antoine Rigaudeau, son statut de légende en Europe et ses 17 points en 11 matchs avec Dallas…

Mike Malone thinks Facundo Campazzo has to be a top five pick-and-roll player in the world https://t.co/ghcLOtEID5

— Sportando (@Sportando) December 7, 2020

Pour Campazzo, capable d’évoluer dans un fauteuil en tant que meneur d’homme reconnu mais également de se frotter en ayant aguerri sa roublardise et son hustle face aux rugeuses défenses d’Europe, la question de son intégration réside plutôt dans sa capacité à endurer le changement de rythme propre à une arrivée aux Etats-Unis… à 29 ans. Ce fameux rythme, véritable facteur d’écrémage de talent qui pousse les jeunes prometteurs à se pencher de plus en plus tôt vers la ligue pour acquérir cette dimension physique essentielle à la réussite là-bas. Facu qui débarque la trentaine approchante, c’est comme si Ricky Rubio n’avait jamais franchi le pas et avait continué de se régaler en Espagne avant de débarquer cette saison. On demande à voir, intrigués, mais factuellement la donne est compliquée pour l’Argentin qui ne sera plus dans son fauteuil de meneur tout-puissant. Derrière un Jamal Murray intouchable ou possiblement à côté de lui sur le back-court, les places seront chères et la concurrence féroce, mais il pourra compter sur la force collective connue et reconnue des Nuggets ainsi que sur la maîtrise tactique de Mike Malone pour se sentir chez lui. Alors, il ne lui restera qu’à faire parler la poudre.

Facundo Campazzo n’aborde pas son aventure NBA sous les meilleurs auspices : concurrencé comme jamais dans sa carrière et rompu au rythme européen, et le passé montre que cela aurait pu avoir moins d’incidence pour une force de la nature devant prendre place dans la raquette. Nous parlons là d’un magicien de la balle d’1m80 et 88 kilos… mais le propre des magiciens reste de nous surprendre.


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