Article proposé par Gauthier Deba, rédacteur bénévole et spécialiste jeux vidéo, parce que la vie est plus belle quand on balance des gros pixels orange dans un cercle de forme rectangulaire.
Allez, gaming : Michael Jordan in Flight (1993), les prémices du jeu de basket en 3D
Le 25 oct. 2020 à 10:48 par TrashTalk
Edité par Electronic Arts, Michael Jordan in Flight fait partie de cette première génération de jeux 3D inoubliables sortis au début des années 90. Parmi eux, trop peu ont correctement vieilli. MJ in Flight, sorti en 1993, est de ceux qui, aujourd’hui, nous égratignent la rétine au papier abrasif 200 alors qu’ils repoussaient les limites techniques 30 ans auparavant. On vous en parle !
Un jeu de ric… niche
Sorti seulement sur MS-DOS et exigeant une configuration nourrie aux stéroïdes, ce titre a connu une distribution mécaniquement limitée. Pourtant, en 1993, MJ in Flight figure comme l’un des premiers softs de simulation de basket sur PC. Pour cause, il bénéficiait d’un moteur graphique assez puissant et maitrisé pour proposer des animations en 3D remarquables et différents angles de caméra pour profiter au mieux du spectacle. Par conséquent, Jordan in Flight portait légitimement le titre de jeu de sport le plus réaliste du marché à l’époque. Une distinction honorable rendue possible par une technologie Video-Sim alors révolutionnaire.
Parler config c’est bien gentil, mais en quoi ça consiste ? Le jeu se résume à des matchs 3 contre 3 sur demi-terrain, en exhibition ou en tournoi. Avant d’affronter l’équipe concurrente, le joueur doit composer l’équipe de Wilmington (North Carolina) en sélectionnant les trois coéquipiers – dont un remplaçant – qui accompagneront son Altesse parmi un contingent de sidekicks parfois inspirés de véritables NBAers. On trouve des aspirateurs à rebond, des types lents au possible, des snipers dans les corners, et ainsi de suite. A chacun sa technique, même Mike D’Antoni pourra pratiquer le micro-ball s’il le souhaite. Le seul joueur intouchable se nomme Michael Jeffrey Jordan.
Imaginons une équipe type :
- Michael “Air” Jordan, Monsieur Zéro défaut ;
- Pete “Pistol” Marks, une passoire en défense, incapable de sauter autre chose que les marquages au sol mais doté d’une adresse solide de loin. Pete Maravich, nous t’avons reconnu ;
- Terry “Jinx” Blanchard, défenseur rapide et énergétique ;
- Lloyd « Doc » Mitchell, un playmaker redoutable quand il a décidé de camper dans le corner.
On notera que les rencontres – ou les tournois – et les équipes sont introduites par Ron Barr, un journaliste sportif américain bien réel qui apparaît également dans d’autres jeux d’EA Sports des années 90 comme NHL 94 ou FIFA Soccer.
Une fois sur l’écran des réglages, le joueur peut décider de jouer des quart-temps de 2, 5, 8 ou 12 minutes ou d’établir une limite de paniers à inscrire (11 ou 15). Entre autres réglages classiques (musique, son, etc), il est possible d’activer ou non les fautes. Une proposition qu’il ne faut pas faire deux fois aux Markieff et Marcus Morris qui sommeille en vous, on vous connait trop bien.
GOAT Simulator
Pendant les matchs, quatre “systèmes” d’école pour surprendre les défenses adverses peuvent être exploités : backdoor screen, low post cutter, high post cutter et give n’ go. Sur la tablette, ça s’annonce prometteur. Toutefois, ces stratégies s’avèreront vaines car, après un peu d’entraînement, on met rapidement le doigt sur le défaut principal du jeu ; MJ est bien trop fort. A trois point, le bougre a la main brûlante et envoie banderille après banderille, le tout avec une réussite insolente. Que ce soit du parking de Walmart ou du centre-ville de Châteauroux, MJ est exagérément adroit, plantant environ un tir sur deux. Pour faciliter le tout, il est possible de verrouiller la caméra – tracking mode – sur Jordan pour pouvoir croquer la balle en toute tranquillité. Si camper derrière l’arc de cercle vous ennuie, rien de mieux qu’une balade autour de ce dernier jusqu’à ce que l’intelligence artificielle des défenseurs se montre assez conciliante pour nous permettre d’écraser des tomars en trop haute altitude. Il existe bien trois modes de difficulté – Streetball, College et Pro – mais le GOAT les rend anecdotiques et les survole en tongs, une piña colada dans le gosier.
Cette mauvaise gestion de la difficulté est-elle le fruit d’un développement hasardeux ? Cette raison se présente régulièrement dès lors qu’une expérience vidéoludique est jugée trop retors ou trop simple. Néanmoins, beaucoup tendent à avancer une hypothèse singulière concernant MJ in Flight ; Jordan ayant donné son accord pour apparaître dans le jeu, le titre a possiblement été rendu accessible pour mettre en valeur le protagoniste, déjà injouable IRL, et ne pas froisser les fans de l’arrière des Bulls. Il aurait été sans doute frustrant et mal venu de contrôler un MJ avec le niveau d’un Tyler Johnson des mauvais soirs, seulement ce choix sonne fatalement le glas du challenge. Par ailleurs, les rares fois où vous avez l’outrecuidance de tenter de marquer avec un coéquipier avant de manquer la cible, His Airness n’oublie pas de vous glisser quelques tacles à haute voix à base, entre autres, de “Maybe you should take up golf”. A ce niveau de réalisme, le jeu devrait s’appeler Michael Jordan Simulator.
Un entre-deux déroutant
Malgré un enrobage attractif, l’expérience vidéoludique globale devient tannante d’autant que les phases défensives sont brouillonnes et s’apparentent parfois à une soupe de pixels multicolore. Seules les animations 3D viennent quelque peu maquiller artificiellement un gameplay peu enthousiasmant. La fluidité des mouvements des personnages – réalisés en motion capture – vaut tout autant son pesant de cacahuètes.
Cependant, le jeu cache une autre facette innovante. Il contient un mode replay et un mode d’édition complet qui donne aux joueurs la possibilité de créer leur propre highlights avec les replays enregistrés par leurs soins pendant les rencontres. Les possibilités d’édition offertes aux joueurs sont à double tranchant : elles sont résolument inédites mais ne peuvent pas empêcher les joueurs d’avoir davantage le sentiment de poser les yeux sur une vitrine technologique que de jouer à un jeu à part entière.
Pour conclure cette review, la parole est laissée à Wallace Poulter qui, dans son test du jeu publié dans le magazine Computer Gaming World, écrira : “Jordan in Flight arrive dans une grande boîte bien voyante de plus de 6 centimètres de profondeur dont près de 4,5 centimètres de vide. C’est certainement pour coller au surnom de Air Jordan mais dans une période de forte préoccupation écologique il faut tout de même se demander pourquoi autant d’arbres ont été sacrifiés pour un simple packaging.”
Nous étions en 1993.