Rudy Gobert au cœur de la tourmente : le patient zéro de la NBA a été détecté, un surnom qui risque de lui coller à la peau
Le 12 mars 2020 à 13:32 par Benoît Carlier
Premier cas de coronavirus avéré en NBA, Rudy Gobert se retrouve au cœur d’une tempête médiatique dont il se serait bien passé… tout comme nous tous. Retour sur les événements de ces dernières heures qui ont probablement changé sa carrière à tout jamais.
Commençons par le début. Après des années d’efforts, le natif de Saint-Quentin venait d’atteindre la consécration en recevant sa première étoile de All-Star en février dernier. Auteur d’une saison dans ses standards depuis quatre ans, le double Meilleur Défenseur de l’Année en titre tournait encore en double-double bien généreux avec 15,1 points et 13,7 rebonds de moyenne alors que le Jazz se trouvait dans le quatuor de tête à l’Ouest. Légèrement modifié pendant l’été puis au cours de la saison, le groupe basé dans l’Utah semblait atteindre son apogée sur le papier malgré des résultats très irréguliers depuis la reprise. Avec des spécialistes défensifs unanimement reconnus et désormais une expérience solide en Playoffs, les Jazzmen avaient une vraie carte à jouer en 2020. Mais le passé est malheureusement de mise depuis que la NBA a dû appuyer sur pause il y a quelques heures, conséquence directe du test positif de Rudy Gobert au COVID-19 juste avant l’entre-deux à la Chesapeake Energy Arena cette nuit, vers 2h30 du matin. Premier cas connu de coronavirus en NBA selon The Athletic, à jamais le premier comme disent les Marseillais. En attendant plus de détails sur son état de santé, celui de ses coéquipiers et notamment d’Emmanuel Mudiay qui avait lui aussi été annoncé forfait pour cause de maladie peu avant le début de la rencontre, un certain nombre de faits sont à donner pour avoir une vision la plus large possible de la situation actuelle.
Des symptômes peu alarmants
Tout est allé très vite et il est important de tout remettre dans l’ordre pour éviter les confusions. Cette saison, Rudy Gobert avait participé à 62 des 64 matchs disputés par le Jazz. Fin novembre, une légère entorse à la cheville gauche l’avait privé de duel contre les Pacers et les Bucks. A part ça, The Stiffle Tower réalisait une grosse saison même si le récent retour de blessure de Mike Conley avait coïncidé avec une diminution de ses statistiques personnelles. Soudainement oublié dans la raquette, il semblait que Quin Snyder avait modifié ses systèmes pour privilégier le tir extérieur et on sentait l’ancien Choletais un peu frustré sur le parquet depuis quelques jours, comme lors de son expulsion suite à son altercation avec OG Anunoby lundi dernier. Néanmoins, aucun signe de fatigue physique de la part du pivot qui assumait volontiers son rôle de leader dans le vestiaire et face aux médias à qui il promettait de se faire justice lui-même la prochaine fois qu’un joueur viendrait le provoquer. Du Rudy dans le texte, honnête et compétiteur dans l’âme mais qui n’a surtout peur de personne, ni des amendes de la Ligue.
Sans aucun symptôme apparent jusqu’à mardi soir, le All-Star est resté au contact du groupe jusqu’à mercredi après-midi après avoir été testé négatif à la grippe et à l’angine dans la matinée. Les symptômes se sont atténués tout au long de la journée et les checks habituels étant effectués, Rudy espère même pouvoir jouer le soir mais un test du coronavirus est tout de même réalisé par simple mesure de précaution. Absent du shootaround à Oklahoma City mercredi matin, il n’est pas sorti de l’hôtel avec les joueurs pour assister au match du soir mais son statut est resté en questionable jusqu’à une demi-heure du coup d’envoi. C’est seulement à quelques secondes de l’entre-deux, alors que les arbitres du match s’étaient déjà saisis du ballon, que le directeur du staff médical du Thunder, Donnie Strack, s’élance vers les officiels probablement pour leur signaler que le Français venait d’être testé positif au COVID-19 selon Royce Young présent sur place pour ESPN. Après un léger moment de flottement, la NBA fini par prendre la décision d’annuler la rencontre et de suspendre sa saison jusqu’à nouvel ordre. Le début d’une longue soirée pour l’ensemble du staff et des joueurs du Jazz, un tournant dans la vie de Rudy.
Les micros du point presse
Mais le cœur de la polémique qui a déjà commencé à s’abattre sur notre Rudy national remonte au 9 mars dernier et au fameux point presse donné par le Jazz. Face à la menace du coronavirus, la NBA avait demandé aux franchises de prendre des précautions en interdisant les journalistes de s’approcher à moins d’un ou deux mètres des joueurs pour éviter tout risque d’infection. Invité à répondre aux médias dans la salle de presse plutôt que sur le terrain d’entraînement, Rudy Gobert avait quitté la pièce en s’assurant de toucher un par un tous les microphones et enregistreurs déposés par les journalistes sur la table d’interview. Le genre de blague futile qui prend une toute autre tournure depuis les résultats de son test au coronavirus et qui pourrait avoir des conséquences terribles pour la suite de la carrière du Frenchie.
Plusieurs choses découlent tout de suite de cette affaire. D’abord, le plus important, le joueur qui a tout de suite été placé entre les mains des docteurs à Oklahoma City semble en bonne santé. Evan Fournier qui a pu lui téléphoner cette nuit a tenu à rassurer tout le monde à ce sujet. Il va désormais devoir se soigner et respecter deux semaines de mise en quarantaine obligatoires comme le protocole le requiert pour toutes les personnes contaminées par la maladie un peu partout sur la planète. Mais c’est une fois débarrassé du virus que les vrais ennuis pourraient tristement commencer pour la Tour Eiffel. Les haters n’ont pas perdu de temps pour s’emparer de la situation et la vidéo de son interview a déjà fait le tour du Web. Sauf que comme mentionné un peu plus haut, les cainris ne rigolent pas avec ça et l’apparition de nouveaux cas dans le microcosme de la NBA pourrait vite lui être directement reprochée. On ne parle pas encore de poursuites pénales pour cette mauvaise blague qui, on le répète, aurait eu peu de conséquences sans une telle suite. Mais on touche quand même du bois pour qu’aucun des journalistes présents dans la pièce ce jour-là ne soient eux aussi testés positifs dans les jours qui viennent.
The #NBA has suspended the season “until further notice” after Rudy Gobert on the Utah Jazz tests positive in “preliminarily” tests for the coronavirus. Gobert did this literally two days ago: pic.twitter.com/CqSpsvsyqi
— Tim Schuerger (@timschuerger) March 12, 2020
Toujours est-il que Rudy Gobert cristallise toute l’attention aujourd’hui et que la tempête médiatique ne fait sûrement que commencer. Il sera toujours associé à la suspension de la saison en tant que patient zéro de la NBA et son manque de précaution flagrant capturé par des caméras devant des dizaines de témoins pourrait lui être reproché pendant longtemps. C’est clairement le pire scénario qui pouvait être envisagé, lui qui est d’habitude si réservé. Le genre de moment de relâchement que l’on ressasse longtemps sans être capable d’expliquer pourquoi c’est arrivé. Sauf que la responsabilité est totale, impossible à nier et il sera difficile de justifier ce geste d’une quelconque manière si les conséquences sont plus graves.
Tout le monde en quarantaine
Alors que les joueurs du Thunder ont rapidement pu regagner leur domicile suite à la décision de la Ligue hier soir, une ambiance étrange s’est installée dans le vestiaire du Jazz. Les joueurs et le staff sont priés d’enfiler des masques et des gants en attendant de pouvoir réaliser le test à leur tour et un rideau noir est tiré pour bloquer l’accès aux curieux. Durant plus de trois heures, l’équipe est confinée, comme condamnée à voir les réseaux sociaux s’embraser face à une situation inédite dans l’histoire de la NBA et à s’inquiéter pour la santé de leur collègue et la leur. Finalement, des docteurs arrivent pour effectuer le test individuel auprès de chaque personne présente dans le locker room. On ne rigole pas avec ça, encore moins chez Tonton Sam. Les résultats ne seront connus que quatre heures plus tard et ne devraient pas tout de suite être communiqués publiquement. L’ensemble du staff a en tout cas été testé et trois personnes seraient désormais confinées dans leur chambre d’hôtel. La NBA a d’ores et déjà demandé à l’ensemble de la franchise et aux derniers adversaires du Jazz de rester en quarantaine à leur domicile. Le vol qui devait ramener l’équipe à Salt Lake City n’a pas été utilisé et l’hypothèse d’un trajet en bus a même été citée pour ce qui pourrait être les 17 heures de transport les plus longues de leur vie.
Cela n’était probablement qu’une simple question de temps avant que la NBA ne soit directement touchée, elle aussi, par la pandémie de ce virus à couronne qui concerne désormais l’ensemble de notre planète. On se serait juste bien passés de voir Rudy Gobert prendre tout seul à sa charge l’arrêt de la Ligue de cette manière. Il ne reste désormais plus qu’à lui souhaiter un bon rétablissement en espérant que la situation s’apaise rapidement et que tout le monde reprenne son calme. On sait qu’il est capable de bien défendre sur le terrain mais il va aussi devoir préparer quelques contres pour ses détracteurs dans les médias au cours des prochaines semaines…
Source texte : ESPN et The Athletic