L’avis de la rédaction, pire moment de la décennie : parce qu’on a beaucoup frissonné mais également pas mal pleuré
Le 30 déc. 2019 à 08:03 par Giovanni Marriette
Dix ans de basket c’est long, et si ces dix belles années ont laissé derrière elles des souvenirs impérissables, certains d’entre-eux ne nous font pas sourire. Les larmes qui remontent, la gerbe qui remonte, parfois, et plus généralement un sentiment de perdition à la mémoire de ces instants qui nous ont laissé comme glacés sur place. Une blessure, une défaite de notre équipe favorite ou encore un steak pas assez cuit au Buffalo, chacun a sa propre sensibilité et c’est pourquoi la rédaction a voulu ouvrir sa boîte à souvenirs, sa boîte à… sales souvenirs. Se souvenir des belles choses, ok, mais ne jamais oublier le malaise par lequel on a pu passer un soir d’avril 2012 ou d’août 2014. Allez, mouchoirs, sac à vomi et numéro du Psy.
Giovanni
Nous sommes le 2 août 2014, une période à laquelle je me surprends, parfois, à dormir la nuit. Quelques mois auparavant je vivais l’un des plus beaux moments de ma vie de fan en assistant en direct à l’apogée du Spurs Basketball, mais ce matin-là c’est un sentiment bien plus crade qui allait m’envahir.
Samedi matin, dans les 7h30 parce qu’une grasse matinée ça fait du bien, et tout de suite le nombre de notifications au réveil m’inquiète. C’est que la période ne s’y prête pas spécialement, mais après tout la logique revient au galop, le scrimmage de Team USA a dû faire buzzer Twitter et c’est bien normal. Oui mais non, car je comprends bien vite que la news de la nuit n’a rien d’un highlight hallucinant ou d’un triple-double de goret. Car le héros malheureux de la nuit s’appelle Paul George, et son acte tristement héroïque est de s’être brisé la jambe. Brisé comme un putain de bâton. Pas d’image tout de suite car le réveil est douloureux, alors je me renseigne. Match à Las Vegas, Team Blanc contre Team Bleu, PG revenu en trombe pour contrer un lay-up de James Harden… et là c’est le drame. La jambe droite qui heurte la base du panneau, mais Paulo arrivait trop vite, trop fort. Très vite aussi le verdict était arrivé, on n’est pas toubib mais on commence à avoir l’habitude. Double-fracture tibia-péroné, une saison sur le flanc, mais une absence qui sera finalement moins atroce que les images en elles-mêmes… Car on ne va pas se mentir, j’ai fini par les regarder ces images, satanée curiosité mal placée. Et je le regretterai toute ma vie, même si un jour ou l’autre j’aurais fini par tomber dessus. Je le regretterai toute ma vie parce que non seulement le café a littéralement failli ressortir aussi vite qu’il était rentré, et parce qu’il m’aura bien fallu six bonnes heures avant de perdre ce rictus de dégoût sur mon visage. J’en ai vu quelques unes des vilaines blessures hein, parfois à moins de deux mètres de moi, parfois même sur mon propre corps de fragile, mais alors celle-là, mon dieu, je m’en rappellerai toute ma vie.
Ben
Quand on est fan des Warriors, la décennie 2010 est censée déborder de souvenirs joyeux. Mais au cours de leur dynastie qui semble déjà bien loin aujourd’hui, Golden State est aussi passé par des moments plus sombres. Et je ne veux même pas parler des dernières Finales où le ciel est tombé sur la tête de l’équipe, comme si le karma accumulé durant toutes ces années s’était déversé d’un seul coup sur les protégés de Steve Kerr dans la série la plus importante depuis longtemps.
Je me souviens d’une autre série toute aussi décisive et pas moins douloureuse pour mon petit cœur de fan. Flashback en 2016 où, après avoir passé tout le mois de mai et le début des Finales chez un ami de Berkeley pour suivre les Playoffs du MVP unanime au plus proche de l’action, je m’envole pour un road-trip de fin d’année au Mexique. Moi qui pensais pouvoir célébrer le titre dans les rues d’Oakland avant de quitter la Californie, me voilà en train de déserter la ville deux jours avant le Game 7 tant attendu à l’Oracle Arena. Premier choke, première désillusion mais ce n’est rien comparé à ce qui va suivre. Bien décidé à suivre ce match historique dans les meilleures conditions, me voici dans les rues de Tulum à rechercher le seul et unique bar diffusant la rencontre quelques heures plus tard. Une fois le spot trouvé, je m’installe confortablement au comptoir en attendant le début des hostilités avec la confiance et l’insolence de Baby Face. Dans le café en cette fin d’après-midi, quelques fans des Cavs avec leur maillot du King et un père de famille américain venu exprès de New-York pour investir dans la pierre qui choisit le siège à côté de moi. Il m’explique qu’il supportera Cleveland en soutien à ses deux fils fans du King. Les comptes sont rapides à faire, je suis le seul à encourager les Warriors dans l’établissement. Pendant tout le match, des petits regards sont échangés après chaque action marquante jusqu’à ce money time irrespirable. Toute la saison se joue maintenant et j’ai l’impression que le Mexique tout entier vient se payer ma tronche suite au contre de LeBron sur Iguodala. Le tir de Kyrie finit de m’achever et j’ai envie de rentrer chez moi de l’autre côté de l’Atlantique pour ruminer cette défaite tranquille. Grand prince ou voyant la déception sur mon visage, mon voisin règlera la note au bar. Bref, I blew a 3-1 lead à Tulum.
David
Après une saison 2011 plutôt sympathique, Derrick Rose et les Bulls confirment qu’ils peuvent être les principaux concurrents des Heatles en s’adjugeant le meilleur bilan de la Ligue lors de l’exercice suivant raccourci par le lock-out, malgré quelques pépins physiques pour le MVP en titre et ses coéquipiers. Mais rien de bien alarmant, c’est lors des Playoffs qu’il faudra que chacun soit en forme car avec Rip Hamilton qui a remplacé Keith Bogans dans le cinq majeur, l’objectif est clairement le titre dans l’Illinois. En attaquant la postseason, personne ne vibre particulièrement face aux Sixers et c’est une victoire qui se dessine tranquillement lors du Game 1 ce 28 avril 2012. D-Rose frôle au passage le triple double avec un 23-9-9. Est-ce pour cette raison qu’il est toujours sur le parquet alors que la victoire semble acquise ? Les Bulls sont à plus 12, il reste moins d’une minute trente à jouer, tout le monde est pépère au United Center. Le meneur chicagoan monte la balle, profite d’un écran de Joakim Noah, passe la ligne des 3-points, pose son dernier dribble au niveau de la ligne des lancers-francs et prend un appui fort dont il a le secret et qui caractérise son jeu agressif. Mais la conclusion est bien différente puisqu’il lâche alors la gonfle, comme déséquilibré, et retombe de façon bizarre avant de ramper hors des limites du terrain.
Les grimaces, la douleur. La main sur le genou, couché au sol, PLS. Les autres Taureaux qui accourent. Ça ne sent pas bon, mais on reste dans l’attente. Peut-être aussi un peu dans un espoir illusoire. Ce n’est pas forcément si grave, c’est juste par précaution. Mais quand un mec pète sans contact, ce n’est jamais rassurant. Et le verdict tombe : les croisés. Le début d’une période compliquée marquée par de nombreuses autres blessures. La fin des espoirs de titre dans l’Illinois. Un coup d’arrêt terrible pour le plus jeune MVP de l’histoire alors que son chemin devait l’emmener sur les sommets de la Ligue.
Bastien
Faut-il réellement préciser, quand on a les Spurs dans le cœur, quel est le pire souvenir de la décennie 2010…? Non, ce n’est pas le départ de Kawhi, ou la retraite de Tim Duncan, ou bien les pénétrations horribles de Danny Green balle en main. Le vrai cauchemar, le vrai, celui que peu de franchises vivront dans l’histoire du basket, c’est celui du 18 juin 2013. Le fameux soir où Ray Allen, dans sa cape blanche et rouge, a détruit des espoirs de titres et sauvé le Heat de la noyade.
Vous connaissez tous la story, car l’action est devenue mythique et a été racontée à toutes les sauces. Trois points de retard pour le Heat, LeBron sans bandeau qui prend un tir de loin, loupé, rebond Bosh, back out to Allen, et son three-pointer fait BANG comme dirait Mike Breen. Norris Cole qui fait des ciseaux aériens, Tony Parker sur la photo, le champagne qui change de vestiaire, et patati et patata. Mais il existe une version que très peu de gens connaissent, et que l’on peut partager aujourd’hui. Le 18 juin 2013, cela fait huit mois que TrashTalk existe. C’est un délire plus qu’autre chose, loin de ce qu’il en est aujourd’hui. Du coup, délire oblige, autant inviter des potes à la maison, des copains qui veulent vivre ce match en direct, non ? Eh, vivre un sacre des Spurs devant tout le monde, à Miami en plus avec LeBron qui a déjà craqué deux ans plus tôt, t’hésites pas trente minutes. Et dans la liste des invités ? Il y a notamment un certain Alexandre Martin, connaissance du net depuis quelques mois, avec qui on parle bien de balle orange. Oui, les plus rapides d’entre vous l’auront compris, l’une des toutes premières interactions de bibi avec Alex est le soir durant lequel j’ai vécu l’un de mes plus grands cauchemars de basket. Autant vous dire qu’après ça, j’avais développé une gentille petite parano. Heureusement, le shoot de Ray Allen va aussi être directement lié à la rédemption de l’année suivante, le titre de 2014 et l’explosion des Heatles que l’on a connu. Mais même avec ça, même avec cette bague, ce moment de bonheur et de joie collective, rien n’effacera la douleur du 18 juin 2013. D’avoir effleuré le Larry O’Brien Trophy avec l’auriculaire avant de se le faire voler au buzzer.
Alex
Fan des Suns, cette décennie entière est un mauvais souvenir. Ok, il y a bien une finale de conférence en 2010 mais ça ne va pas suffire comme on dit. Mais mon pire souvenir basket de la décennie n’a rien à voir avec la NBA…
17 septembre 2015. Après sa campagne historique en Slovénie et son épopée incroyable en Espagne lors du Mondial 2014, l’équipe de France accueille l’EuroBasket. Et c’est à Lille que se joue la demi-finale qui voit nos Bleus affronter son ennemi ibérique, deux ans après l’exploit insensé de 2013. J’arrive chez mon acolyte des Apéros TrashTalk. Nous allons commenter en direct un match qui doit nous emmener vers une deuxième finale européenne d’affilée. La confiance est là. La première mi-temps est très serrée. On ne peut pas dire que la France joue bien, encore moins qu’elle domine, mais elle rentre au vestiaire à la pause avec un petit point d’avance. 33-32. Le troisième quart est un rêve. Concentrés, nos tricolores passent un 23-16 aux Espagnols et virent en tête de huit unités à l’entrée du dernier quart. On est tellement bien qu’on n’imagine pas la suite. Les douze dernières minutes elles, sont un enfer. La Roja sort un cadenas XXL. Le genre d’effort défensif qui fait de cette équipe ce qu’elle est : la meilleure formation européenne depuis plus de dix ans. Quand le buzzer du temps réglementaire retentit, on a même la sensation d’avoir arraché cette prolongation, alors que nous étions bien. Oui, je me répète mais repenser à ce match me rend nerveux, voire agressif. Et lors des cinq minutes de rab, Pau Gasol – monstrueux sur ce match qu’il finira avec 40 points et 11 rebonds – termine le boulot pendant que les Bleus bafouillent, se montrent incapables de marquer, même des lancers-francs… La déception est immense, le silence envahit la France du basket. Et plus triste encore, c’est bel et bien ce match – plus que tous ceux des Jeux Olympiques 2016 – qui marque vraiment la fin de la génération Parker.
Nico
Si elles font partie du jeu, les blessures représentent évidemment un aspect du basket que l’on déteste, surtout quand ces blessures donnent envie de vomir. Malheureusement, les années 2010 sont composées de quelques terribles épisodes de ce côté-là. Le Psy a mentionné la blessure de Paul George un peu plus haut, on pense aussi à celle de Kevin Ware en pleine March Madness, et puis évidemment celle de… Gordon Hayward, qui représente sans doute mon pire souvenir basket de la décennie.
Opening night de la saison 2017-18. Les Cavaliers de LeBron James accueillent les Celtics pour le grand retour de Kyrie Irving, transféré de Cleveland à Boston durant l’été 2017. Forcément, il y a de quoi être hypé. La saison qui démarre enfin, un gros duel de l’Est avec les retrouvailles LeBron – Kyrie, ainsi que les grands débuts du All-Star Gordon Hayward sous ses nouvelles couleurs. Bref, tout est réuni pour passer une superbe nuit. Sauf que l’excitation n’aura duré que quelques minutes. Vers le milieu du premier quart-temps, alors que je suis encore tout emballé par la reprise, Uncle Drew envoie Hayward au alley-oop, ça se transforme en turnover mais surtout, Hayward retombe de façon chelou. Au début, on ne voit pas très bien l’état dans lequel se trouve Hayward, et puis la caméra zoome en grand sur le joueur de Boston, au sol. Jambe brisée, choc monumental, tout le monde est KO debout, et personne ne veut voir ça. La scène est tout simplement horrible. LeBron James et Jae Crowder s’éloignent, Tristan Thompson a la tête basse, Dwyane Wade pose le genou au sol, Jaylen Brown a la bouche grande ouverte, et les joueurs des Celtics se tiennent la tête à deux mains. Pendant ce temps-là, sur mon lit, je suis immobile, incapable de dire quoi que ce soit. Je suis juste figé devant l’écran, en mode zombie. Comme beaucoup, je n’ai pas réussi à apprécier le match derrière. Je n’ai pas réussi à me remettre dedans à cause de ces images de Gordon Hayward dans la tête. Cleveland a fini par remporter le match, mais c’était anecdotique. La saison NBA 2017-18 avait démarré de la pire des manières. Et depuis ce jour-là, probablement personne n’a oublié ce moment. Pas moi en tout cas.
Des défaites qui font mal et des blessures qui font très mal, même à travers l’écran. Non, être fan de basket ne signifie pas toujours exploser de joie et hurler son bonheur mais parfois pleurer avec nos idoles. Et vous, c’est quoi du coup votre pire souvenir de la décennie ? Ça nous intéresse alors envoyez les dossiers !