The Beautiful Game : quand les Spurs mettaient tout le monde d’accord, avec un jeu collectif suprême

Le 29 déc. 2019 à 23:01 par Bastien Fontanieu

Spurs
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Lorsque l’on parle de la décennie 2010 vécue par les Spurs, nombreux sont les souvenirs qui viennent en tête. Mais s’il y a bien une expression qui a marqué les fans de San Antonio et ceux de la balle orange, c’est celle-ci : le Beautiful Game, made in 2014.

L’époque semble si lointaine, et pourtant ce n’était qu’il y a… 6 ans. Quelle époque. Celle de l’apothéose, ou plutôt du cauchemar, suivi par l’apothéose. Nous sommes en 2013, Tony Parker, Manu Ginobili et Tim Duncan sont fièrement présents dans le cinq majeur des Spurs, comme ce fût le cas sur les trois siècles précédents. Le premier, au sommet de son art, promet au dernier qu’il retournera en Finales NBA. C’est bon, c’est pour cette saison. Pas de blessures en vue, un effectif complet, Parker est accompagné par Boris Diaw et tout semble rouler pour la franchise texane. Saison régulière, Playoffs, ça passe, et direction les Finales NBA comme promis. Il faut battre le Heat de LeBron James sur la dernière marche, pas la plus simple des affaires mais San Antonio y est. Ils y sont, ces Spurs. Plus que quelques secondes à jouer dans ce Game 6 à Miami, il faudrait un cataclysme pour perdre ce match puis la série. Les bouteilles de champagne sont sorties, les bandes jaunes sécurisant le parquet et les joueurs sont déroulées, le retour des noirs et blancs sur le toit de la planète basket est là. Mais ce moment, hélas, ne viendra pas. Pas maintenant. La suite on la connaît, moment légendaire dans l’esprit de n’importe quel fan, Duncan sur le banc, shoot loupé par LeBron, rebond Bosh, qui la passe à Ray Allen, his three pointer bang, descente aux enfers pour les Spurs. Touchant le Larry O’Brien Trophy du bout des doigts, Gregg Popovich et ses hommes doivent s’incliner dans un scénario cauchemardesque. Miami l’emporte au Game 7, on a jamais vu une équipe être si près du but avant de se foirer. L’été qui suit sera un des plus durs à vivre, car comment revenir encore plus fort après une telle désillusion ? Quel tour de magie opérer pour repartir avec élan, entrain, dans l’optique de finir le deal une bonne fois pour toutes ? Cette sorcellerie, Pop va la trouver et l’expérimenter, pour faire des Spurs 2013-14 un cru all-time dans sa propre cave à vin.

On prend les mêmes et on recommence, enfin on va essayer hein. Dès le camp d’entraînement, et ce jusqu’aux Finales NBA quelques mois plus tard, la troupe de San Antonio va se serrer les coudes et pratiquer un jeu collectif divin. Les automatismes, forcément, sont là vu que la majorité du crew est de retour. Mais le niveau d’application est hallucinant, la manière également. Ginobili, Parker et Duncan ont droit au soutien de Patty Mills, un jeune Kawhi Leonard, Tiago Splitter, Babac, Aron Baynes, Marco Belinelli, Danny Green, Jeff Ayres, Cory Joseph et la mascotte Matt Bonner. Cette équipe, qui sera ensuite appelée les Nations Unies du basket (8 nationalités différentes), parle couramment plusieurs langues mais elle est surtout experte dans la plus belle d’entre elles : le jeu main dans la main. Tout le monde est bilingue, car tout le monde partage le même vocabulaire. L’extra-passe pour trouver le copain démarqué, la patience pour exécuter un système de manière léché, et la joie de vivre ensemble pour dominer et prendre son pied les yeux fermés. La saison régulière est sublime, trop oubliée d’ailleurs quand on regarde dans le rétro. Allez, 62 victoires, direction les Playoffs pour reprendre le travail entamé l’an passé. Dallas, Portland puis OKC rendent leurs armes, il n’y aura pas de craquage avant la dernière marche. Et parce que le scénario est parfaitement écrit ? C’est le Heat, le même que celui de la saison précédente, qu’il faut rejouer en Finales NBA. Pourtant jamais le premier lorsqu’il faut lâcher un pronostic, Duncan s’emporte et affirme que cette fois ses Spurs vont y arriver. Il ne peut pas y avoir d’autre issue que celle-ci, pas ça, pas maintenant Zinedine, pas après tous ces efforts concentrés, ces larmes coulées loin des caméras, ces nuits de sommeil coupées en revivant l’action du Game 6 de 2013. San Antonio pratique déjà un jeu merveilleux, mais il faut trouver un moyen de faire encore mieux. Ce qu’ils vont faire, sur la plus grande des scènes.

Ne tournons pas longtemps autour du pot, les Finales NBA 2014 sont une balade, un récital, un chef d’oeuvre de partage et de collectif, qui met à terre le meilleur joueur au monde et sa clique championne en titre. Le Heat n’a aucune solution, même en allumant la climatisation. Cinq matchs, quatre branlées, une seule petite défaite, rien à jeter. Mais ce qu’il y a de plus marquant ? C’est ce jeu, ce Beautiful Game, cette ode au panier-ballon, qui fait couler une larme sur la joue de James Naismith, créateur de ce merveilleux sport. Quelques années avant la saison en triple-double de Russell Westbrook, la saison à 73 victoires des Warriors et cette abondance de chiffres, les Spurs créent une bulle de bonheur qui éblouit les fans de basket. Au diable les stats, les stats et encore les stats, avancées comme reculées, à domicile ou à l’extérieur, main droite ou main gauche, le lundi ou le dimanche. On s’en fout, ce n’est pas ça qui fait gagner San Antonio cette saison-là et gardera cette équipe dans l’histoire. C’est le jeu, le test visuel, ces séquences innombrables qui mettent tout le monde d’accord et imposent le respect. Comment dire… il faut le voir pour le croire. Voilà comment symboliser cette armée du bonheur, cet escadron de la terreur individualiste, ce putain de saumon qui nage à contre-courant depuis des années et fonce tête baissée. Les Spurs croient en des valeurs et une manière de faire qui doit prendre le dessus sur le reste, et quasiment un an jour pour jour après la plus grande faute de l’histoire de la franchise, c’est devant les plus belles caméras au monde que la recette locale est partagée. En face, derrière les rideaux, des médias aux joueurs en passant par les fans ? C’est l’unanimité. Erik Spoelstra baisse le regard, LeBron salue son adversaire car c’est comme ça qu’il faut jouer au basket. Chris Bosh cherche ses mots, Dwyane Wade soupire et rejoint son pote ailier, indiquant qu’il n’y a pas grand chose à faire face à ce type de jeu léché. C’est la rédemption pour San Antonio, l’ultime rédemption. Celle qui n’efface pas la peine de 2013 mais fait de ces dernières lignes un souhait qui semblait inespéré : retenir de la décennie des Spurs ce Beautiful Game, qui pendant quelques mois a uni tous les fans de ce sport devant la même télévision.

Les Celtics de 1986 étaient, pendant près de 30 ans, considérés comme étant la meilleure équipe collective de l’histoire, celle ayant proposé le plus beau jeu de passes, la meilleure alchimie, le plus grand orchestre sur toute une saison en NBA. Si le débat existe encore, et il faut qu’il perdure, les Spurs de 2014 sont entrés dans la discussion et seront, pour toujours, reconnus pour deux choses : une équipe à la détermination énorme après avoir vécu un traumatisme all-time, une équipe à montrer dans toutes les écoles lorsqu’il faut jouer au basket… de la meilleure des façons.


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