La cohabitation de Collin Sexton et Darius Garland dans le backcourt des Cavaliers : le futur casse-tête de John Beilein

Le 22 sept. 2019 à 09:49 par Benoît Carlier

Source image : montage via NBA League Pass

Le soir de la dernière Draft, les Cavaliers ont surpris tout le monde en choisissant de récupérer Darius Garland avec le cinquième pick. Non pas que le produit de Vanderbilt ne mérite pas une place dans le Top 5 de sa génération, bien au contraire. Mais douze mois après avoir choisi de filer les clés de la franchise au meneur Collin Sexton, le fit des deux point guards avait de quoi nous laisser perplexes.

Avec le deuxième pire bilan de la Ligue à égalité avec les Suns la saison dernière, Cleveland avait de quoi être optimiste avant la Lottery. 14% de chances de tirer le gros lot, on appelle ça de vraies chances. Surtout dans l’Ohio où les Cavs ont obtenu le first pick à trois reprises depuis 2011. Malheureusement, la chance tourne et Koby Altman héritait du cinquième choix pour renforcer de bien faibles champions 2016 depuis le nouvel abandon de LeBron James il y a déjà plus d’un an. Zion aurait pu jouer le King 2.0 mais il a fallu se rabattre sur une solution de secours et ce plan B se nommait donc Darius Garland, le meilleur guard de cette Draft selon… lui-même. C’est bien connu, on n’est jamais mieux servi que par soit même et c’est donc avec un état d’esprit de guerrier que le meneur passé à Vanderbilt le temps de disputer cinq petits matchs avant sa blessure au ménisque a débarqué en NBA. Fils de Winston Garland, un ancien NBAer également PG, le joueur de poche (188 centimètres pour 80 kilos) a la dalle au moment de découvrir le monde professionnel. Manque de pot, s’il pouvait s’attendre à débarquer dans une franchise avec un faible bilan vu son talent, il n’avait sûrement pas prévu d’être mis en concurrence avec un autre joueur au profil étonnamment semblable et arrivé seulement un an plus tôt dans l’Ohio. On parle bien sûr du jeune Collin Sexton, meneur de son état du haut de ses 188 centimètres pour 86 kilos. Bonjour la complémentarité dans le backcourt…

Bien sûr, on imagine que le successeur de David Griffin à la tête de l’échiquier des Cavaliers avait une idée très précise en tête au moment de récupérer une copie du joueur sur lequel il avait misé gros quelques mois plus tôt. A moins qu’on ait à faire à un nouveau génie qui s’est retrouvé à son poste par hasard mais ce ne serait pas du genre de la franchise n’est-ce pas ? Toujours est-il que le constat est là et que le nouvel entraineur, John Beilein, va bien devoir s’accommoder de ses deux hobbits au talent avéré à la mène. A l’heure où ces lignes sont écrites, le plus probable est de les retrouver tous les deux alignés dans le cinq de départ de la cité industrielle à la reprise de la NBA prévue le mercredi 17 octobre avec un petit déplacement chez les champion en titre. Clin d’œil du destin, on leur souhaite de se rapprocher de la paire Kyle Lowry – Fred VanVleet qui a si bien fonctionné chez les Raptors la saison dernière. Mais en attendant qu’ils ne deviennent un duo capable de contester à John Wall et Bradley Beal le titre officieux de meilleur backcourt de la Ligue (lol), il va déjà falloir montrer qu’ils sont capables de devenir un duo et c’est plus facile à dire qu’à faire.

Collin Sexton est un meneur de petite taille majoritairement porté sur le scoring et qui a tendance à produire peu d’efforts en défense. Darius Garland est un meneur de petite taille majoritairement porté sur le scoring et qui a tendance à produire peu d’efforts en défense. On aimerait bien dire que l’un est plus dans le playmaking et que l’autre sait shooter et sait rester dans le short des meilleurs attaquants adverses mais ce n’est pas le cas. Débrouille-toi avec ça Johnny, parce que c’est la vie qu’ont décidé de mener les Cavaliers pour les X prochaines années. Bien sûr, on connaît un peu le premier qui a pris sa première saison à l’envers pour la terminer au sprint. Pas de rookie wall pour Coco qui a montré de sérieux progrès pour s’imposer comme LA bonne surprise de la saison pourrie de Cleveland en 2018-19. Il est capable de se créer son shoot n’importe tout mais adore par-dessus tout venir se frotter aux gros patauds dans la peinture. Un slasher agressif qui n’a pas peur du contact et profite de sa petite taille pour se faufiler dans les petits espaces. A l’inverse, le nouveau bleu est davantage porté sur le scoring extérieur et son range est quasiment illimité mais il maîtrise aussi le pick-and-roll qui est encore source d’un énorme pourcentage de points en NBA. C’est donc là que se situe la principale différence entre les deux et ce sur lequel ils vont pouvoir essayer de cohabiter sur le terrain. Coach Beilein est déjà en train de prendre des notes et Koby Altman a tenu à rassurer tout le monde sur la cohérence de cette décision avec la philosophie de jeu du nouveau technicien des Cavs en conférence de presse.

“Ce qui facilite aussi ce choix, c’est l’identité de notre head coach qui a l’habitude de jouer avec deux guards. Il aime avoir des playmakers des deux côtés et ils peuvent tous les deux shooter et créer.”

L’ancien entraîneur des Wolverines en NCAA est habitué d’avoir de jeunes diamants à polir dans son effectif et il lui reste désormais un mois pour les tester en condition réelle. Néanmoins, on atténuera quand même les propos du GM en soulignant les limites des deux jeunes hommes dans la création et notamment à la passe. Avec 3 caviars de moyenne en 32 minutes, le n°8 de la dernière Draft n’est pas un spécialiste et Garland se positionne à peu près au même niveau. Amateurs de Spurs Basketball, passez votre chemin, les Cavaliers vont vivre et mourir par leur adresse du parking la saison prochaine. Lorsque l’on évoque l’association de ces deux guards de petite taille aux profils similaires, une comparaison nous vient tout de suite en tête : Portland. Mais avant que le duo de débutants n’atteigne le niveau des derniers finalistes de la Conférence Ouest, il va falloir passer par plusieurs étapes. En tout cas, Koby Altman y croit dur comme fer et n’hésite pas à citer son homologue de l’Oregon comme un exemple.

“Nous avons parlé avec Collin avant la Draft et il nous a dit qu’il pensait que ça pouvait fonctionner. Il a beaucoup étudié le jeu des Blazers durant les Playoffs avec leurs deux guards [Damian Lillard et C.J. McCollum, ndlr] et il m’a dit que ça pourrait très bien être eux. Ils se connaissent déjà un peu, Collin connait Darius.”

Or, comme pour les deux All-Stars évoluant à Rip City, la faiblesse défensive de Sexton et Garland risque vite de placer leur coach face à un dilemme. Déjà derniers de la Ligue au defensive rating la saison dernière, cela pourrait être pire cette année. Les futurs adversaires des Cavaliers se régalent d’avance à l’idée de les affronter car ni l’un ni l’autre ne semble capable de s’occuper un tant soit peu du plus gros shooteur adverse. Passer de Matthew Dellavedova à Collin Sexton en défense risque vite de rendre les meneurs adverses schizophrènes tellement on parle d’extrêmes. Le néo-sophomore part donc de très loin mais avec ses quelques kilos de muscle en plus, c’est lui qui risque de devoir se charger des arrières qui lui rendront une bonne dizaine de centimètres la plupart du temps. Il va donc falloir prévoir des cours particuliers avec le pitbull australien pour ne pas devoir déclarer forfait au bout de cinq minutes si les deux gamins commencent ensemble sur le terrain. Pas de quoi rassurer John Beilein avant de débuter sa première expérience sur un banc NBA même si les objectifs de la franchise n’iront pas plus loin que de développer ses jeunes joueurs. En tout cas, la D n’a pas l’air de préoccuper le GM qui compte sur la volonté du membre de la NBA All-Rookie Team.

“C’est une bonne question. Je pense que nous devons construire autour d’eux en nous assurant que des joueurs peuvent switcher et venir en aide sur les ailes. Nous devons créer une philosophie défensive pour les aider mais ils sont tous les deux très mobiles. Collin a montré de sérieux progrès, il est devenu un meilleur défenseur cette saison. C’est une question d’effort.”

A Portland, les errements défensifs de Dame et C.J. sont largement compensés par leur apport offensif mais les deux meneurs de Cleveland n’en sont pas là. Il va donc falloir tout de suite insister sur cet aspect du jeu sous peine de vivre une longue saison à courir derrière le score de la première à la dernière minute.

On suivra attentivement les premiers pas de Darius Garland en NBA. Le potentiel est indéniable mais la complémentarité avec Collin Sexton fait froncer de nombreux sourcils. A moins que Koby Altman dissimule habilement une stratégie beaucoup plus élaborée en ayant choisi le meilleur joueur disponible à la Draft 2019 au moment de son choix sans se soucier du fit puisqu’il envisage déjà de monter un trade dans les prochains mois. Malheureusement, nous ne pouvons qu’émettre des suppositions en souhaitant beaucoup de patience aux fans des Cavaliers. Car un parcours à la Portland 2019, ce n’est pas tout de suite dans l’Ohio.

Sources texte : The Ringer, The Akron Beacon Journal