P.J. Tucker, le chien de garde sous-estimé : l’homme cube des Rockets ne mérite-t-il pas plus de louanges ?

Le 31 août 2019 à 08:38 par Clément Hénot

P.J. Tucker
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Réputé pour sa défense de fer et sa capacité à pouvoir marquer à distance, P.J. Tucker n’en reste pas moins une énigme. Typiquement le genre de joueur qui ne fait pas de vagues, qui s’incruste bien dans un collectif et qui taffe dur, il semble toutefois cruellement manquer de reconnaissance. Et si on s’intéressait à un joueur aussi atypique que son parcours ?

La carrière en NBA de P.J. Tucker aurait très bien pu ne jamais avoir lieu. Drafté par Toronto en 2006 au début du second tour, il doit se contenter de quelques minutes par ci par là chez des Raptors portés tant bien que mal par Chris Bosh à l’époque, mais qui étaient tellement craignos qu’ils ont également pu choisir en premier cette année là… Dommage que ce first pick s’appelle Andrea Bargnani. Mais revenons en à notre “Pidjé”, lui qui cumule à peine 1,8 point de moyenne en 17 matchs de NBA et qui doit finir par trouver son siège et son survêtement confortables au fil du temps. Il fera aussi quelques passages en D-League chez les 14ers du Colorado, sans pour autant dépasser les 10,7 points de moyenne. La transition du monde universitaire au monde professionnel est dure pour Tucker, qui est assez lucide sur sa première saison. Du coup, le besogneux s’en va et décide de partir à la découverte de l’Europe en voyant son horizon bouché dans son pays natal. D’abord en Israël en 2007 à l’Hapoel Holon, où il finira champion d’Israël et MVP du championnat, puis en Ukraine en 2008 au BC Donetsk où il sera All-Star, puis de nouveau en Israël à Bnei Hasharon en 2010, puis en Grèce à l’Aris Salonique où il… se fait couper, puis en Italie à Montegranaro en 2011, puis en Allemagne au Brose Baskets où il finira champion et MVP des Finales. En gros, l’ami P.J. s’est éclaté sur le Vieux Continent et il s’est dit qu’après avoir bourlingué en Europe, il serait peut-être judicieux de retourner aux Etats-Unis.

Et c’est ce qu’il va tenter en 2012, alors qu’il devait signer au Spartak Saint-Petersbourg en Russie, il décide plutôt de faire la Summer League avec les Suns. Un pari qui s’avère payant puisqu’il marque les esprits et signe un contrat de deux ans avec la franchise de l’Arizona. Et comme à son habitude, il va gagner sa place dans la rotation à force de travail, de persévérance, de dureté et de défense. En effet, ce joueur, qu’on peut facilement assimiler au Pokémon Gravalanch ne mesure “que” 1m98 pour plus de 110 kilos, un physique peu commun mais avec lequel il a réussi à s’accommoder. Trop petit pour jouer poste 4 ? Lol. Trop lourd pour jouer poste 3 ? Mdr. Tucker a compensé ces relatives faiblesses par une dureté à toute épreuve et un sens du sacrifice certain. S’il n’attire pas les projecteurs, il devient un membre important des Suns et commence à ancrer sa place en NBA. En tout, le produit des Longhorns va rester cinq saisons dans le désert où il avait signé un contrat d’environ 16 millions de dollars sur trois ans en 2014. Membre très important d’une équipe qui gagne peu et défend peu, il est forcément bon d’avoir ce genre de profil dans l’effectif. Sauf que, soif de victoires pour Tucker, et besoin de tanking des Suns obligent, il va quitter l’Arizona pour le Canada en 2017 après avoir été transféré aux Raptors, en quête d’un energizer défensif. Malheureusement, les Dinos se montrent moins convaincants que les Rockets malgré une plus belle offre financière à l’intersaison et il part donc à Houston pour 32 millions de dollars sur quatre ans avec le même registre : défendre, défendre, et encore défendre.

P.J. Tucker est un profil absolument nécessaire à Houston avec la présence de Mike D’Antoni et son jeu porté sur l’attaque à foison. Toutefois, dans une NBA de plus en plus offensive, le 35ème choix de Draft a tout de même réussi à trouver sa place au Texas avec son énergie contagieuse, son professionnalisme et son envie de bien faire. S’il lui arrive parfois de se retrouver dans le Shaqtin’ a Fool lors d’une remise en jeu surréaliste de son équipe, il est également un type qui ne lâche jamais rien et est prêt à tout, notamment à mettre une baigne à Blake Griffin alors qu’ils étaient aux prises à l’époque d’un Suns @ Clippers. Aujourd’hui, Tucker est l’un des défenseurs les plus efficaces de la Ligue, mais n’est pas pour autant reconnu à sa juste valeur par ses pairs. En effet, P.J. n’a été nominé à aucune All-NBA Defensive Team… Oui, oui… AUCUNE. Une hérésie selon plusieurs joueurs et entraîneurs dans le circuit, mais visiblement pas pour les journalistes, les quelques nominations qu’il a reçues n’ont jamais suffi. Il suffit d’écouter les différents témoignages pour se rendre compte de l’impact de Gravalanch partout où il passe.

“Il joue dur et très physique. Il sait analyser ce que vont faire ses adversaires et s’adapter pour les contrer. Le fait qu’il n’ait jamais été dans une All-Defensive Team est absolument fou, mais il devrait. Il est très important chez nous.” – Mike d’Antoni

“Il n’y a pas de débat sur le fait que P.J. devrait être First Team All Defense. Je ne dis pas ça pour la hype, et je ne suis pas non plus au courant de tous ces chiffres comme les + et – ou autres, mais il suffit de regarder les matchs pour voir qu’il le mérite.” – Chris Paul

“Il devrait être dans la First Team All Defense, je l’ai vu défendre sur les meilleurs. S’il n’y est pas cette année, alors je pense qu’il ne faut plus accorder d’importance à cette récompense.” – Austin Rivers

“J’ai toujours été un fan de P.J., même avant d’avoir la chance de jouer avec lui (à Toronto). Tu vois son approche et tu ressens à quel point il est dur et passionné. Il joue comme ça chaque match […] C’est vraiment surprenant qu’il n’ait jamais été First Team All Defense, Je pense clairement qu’il devrait y être.” – DeMar DeRozan

“Je ne comprends pas qu’il n’ait jamais été nominé, il mériterait tellement cet honneur. Il est très fier et s’en fout de son corps : il va plonger, tomber, provoquer des fautes offensives, il est entièrement dévoué à la défense. Il peut influer sur un match sans marquer le moindre point.” – Jeff Bzdelik, assistant des Rockets

Pourtant, sa capacité à compenser ses faiblesses athlétiques par d’autres forces physiques est incroyable. Tucker n’a pas autant de détente ni de vitesse que la plupart des athlètes fous-furieux d’aujourd’hui, mais il donne régulièrement son corps à la science pour empêcher ses adversaires de marquer, va toujours anticiper et bien se placer pour les contrer, puis jouer dur jusqu’à épuiser son vis-à-vis. Faut dire que c’est compliqué de bouger un type avec une telle densité physique… Qu’il s’agisse de Kawhi Leonard, Giannis Antetokounmpo ou dans une plus moindre mesure Luka Doncic, The Athletic nous confirme qu’il a rendu la tâche plus ardue à n’importe qui s’étant dressé sur son chemin. Car s’il y a des types impossibles à arrêter totalement dans cette Ligue, P.J. Tucker prouve qu’il est possible de les freiner, et bien ! Ce qui est parfait pour les Rockets, en plus de cette dévotion, c’est que l’intéressé semble n’en avoir pas grand-chose à foutre des nominations.

“Je n’en ai pas besoin. Je pense que ce serait cool mais je n’en ai pas besoin. Je fais juste mon boulot, je n’ai pas besoin d’être dans telle ou telle équipe défensive. Les coachs savent ce que je fais, les joueurs savent ce que je fais, c’est tout ce qui compte pour moi.”

En tout cas, ce qui était une faiblesse au début de sa carrière est devenu une force. Alors que certains pensaient qu’il ne pourrait s’imposer ni au poste 3, ni au poste 4, il s’avère qu’il est plébiscité par les Rockets pour jouer à ces deux positions, et parfois même au poste de pivot. Car malgré sa petite taille, Tucker chope du rebond à la pelle. Cela ne l’empêche pas d’être l’un des seuls joueurs à défendre sur les cinq postes à plus de 100% sur un match entier. Mais ce ne serait pas drôle si le Tuc ne savait que défendre, car le bougre sait également se rendre intéressant de l’autre côté du parquet en squattant les corners à planter des banderilles. Car Tucker tourne à un honorable 36% en carrière aux tirs primés, ce qui ne fait pas de lui quelqu’un d’inutile en attaque même si James Harden vampirise beaucoup de ballons et que Russell Westbrook devrait récupérer les ultimes miettes. Mais au final, c’est ce rôle qui sied à merveille au gabarit épais de P.J. Tucker et qui lui a permis d’avoir assez de thunes aujourd’hui pour monter sa collection vertigineuse de sneakers.

P.J. Tucker semble donc être unanimement reconnu aujourd’hui dans son registre et montre qu’avec persévérance, on peut parvenir à ses fins. Moins talentueux et athlétique que 99% des joueurs NBA, il est plus teigneux et bosseur que 99% des joueurs également. Ah, et pour l’anecdote, Tucker arrive à faire tout ça à 34 ans passés.

Source texte : The Athletic, The Ringer


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