Chris Paul est en train de gâcher sa fin de carrière : un futur Hall of Famer devenu punchline quotidienne

Le 01 juin 2019 à 15:23 par Bastien Fontanieu

chris paul
Source image : NBA League Pass

Les Playoffs bientôt terminés, l’été pointera son nez à Houston en juillet dans une chaleur qui semble déjà étouffante. En plein virage, les Rockets se remettent en question et un homme se trouve au centre de cette situation. Chris Paul, génie d’un jour transformé en punchline de chaque jour.

Par où commencer, lorsqu’on parle de Chris Paul. Par quelle porte entrer, pour expliquer les lignes qui vont suivre. La réflexion est intimement liée au soupir, celui de nombreux fans qui voient un talent all-time errer à Houston avec un futur des plus troublants devant lui. Et c’est peut-être là, finalement, qu’on finit par découvrir où commencer. L’image de CP3. Cette image, étincelante pendant des années, aujourd’hui détestée par nombreux, pointée du doigt par une majorité, et exaspère la globalité. Que s’est-il passé, pour que Chris Paul devienne soudainement ce meneur de seconde classe, comme le disent certains outre-Atlantique. Que s’est-il passé, pour que Chris Paul passe du statut de futur Hall of Famer adoubé à celui de joueur disponible sur le marché des transferts… en l’espace de quelques mois ? Avant de rejoindre James Harden chez les Rockets et donc nous imposer cette chute vertigineuse dans l’opinion publique, l’image du meneur était celle-ci. Un multiple All-Star, médaillé olympique, surnommé Point God pour bien des raisons, la crème des meneurs dans le monde entier. On se marrait certes à l’approche des Playoffs, car les Clippers se faisaient généralement sortir au premier ou second tour et Paul était aux commandes dans ces grands moments de panique (Thunder 2014, Rockets 2015), mais le joueur était intouchable. La propreté dans les choix, cette peste en défense, les Spurs tués dans le clutch en 2015 justement, le compétiteur féroce, les matchs à 20 points, 20 passes et 0 balle perdue. Véritable coeur de son équipe, Paul était le baromètre, celui qui permettait à DeAndre Jordan de devenir DeAndre Jordan, comme tant de coéquipiers devenus meilleurs à ses côtés. Le basketteur était donc sublime, un homme intronisé à Springfield les yeux fermés, quelle que soit la taille finale de sa salle de trophées.

Ce côté loser était même presque devenu avantageux, car cela rendait Chris Paul attachant. Un jour, il remportera un titre et cela deviendra un juste point d’exclamation sur la carrière d’un des meilleurs meneurs de l’histoire : voilà le genre de phrase qu’on pouvait prononcer sans trembler, avec une pointe d’amertume en voyant les Playoffs se terminer systématiquement de la même façon pour CP3. Un côté un peu Westbrook avant l’heure, même si l’OVNI d’OKC a déjà connu les Finales NBA en 2012. Battu, déboussolé, Paul quittait les Playoffs de la même manière, désabusé en conférence de presse. Ce qui n’empêchait pas le bonhomme de rester exemplaire pour autant, dans l’image mise en avant. Les publicités avec State Farm devenaient des classiques, son adorable fiston devenait un visage familier dans les vestiaires des joueurs. Et depuis 2013, l’Association des Joueurs était sienne, une présidence magnifiquement gérée avec notamment la ratification du nouveau CBA effectuée en 2016. Pas de lock-out, pas d’emmerdes, de meilleurs droits pour les joueurs, merci Cricri. Même aux ESPY, on voyait le joueur promouvoir la non-violence aux côtés de Melo, Wade et LeBron. Parfait en vitrine, battu en coulisses, Cipi attirait tout de même un paquet de louange. Cette étiquette de beautiful loser allait bien à Chris Paul, car en cas de victoire salvatrice, cela l’élèverait dans des hauteurs all-time. On ne savait pas quand ça allait se produire, on ne sait toujours pas quand, mais cela se sentait. Cela se projetait. Un mec avec un tel sourire, qui dit aux gosses comment agir dans la vie, qui peut jouer à un niveau exceptionnel balle en main et est adoubé par ses pairs, c’était impossible de le voir chuter dans l’estime générale. Il ne pouvait pas y avoir de dégringolade, de situation comme celle… dans laquelle il est aujourd’hui. Car c’est bien de ça dont on parle. Au-delà du script, des ressentis, de la narration, il est une réalité que Chris Paul doit affronter aujourd’hui : ce n’est plus du tout le joueur ou leader dont l’image fût véhiculée par le passé.

Lorsque le transfert à Houston approcha, déjà, les premiers bâtons furent placés dans les roues. D’anciens coéquipiers, indépendamment, se pointaient dans différents studios pour partager l’intimité des Clippers. Kenyon Martin, notamment, peignait un portrait sombre de Chris Paul dans une vidéo qui cartonna chez Colin Cowherd (2,8 millions de vues, plus grosse audience de toute sa chaîne). Glen Davis fit de même. Doc Rivers fit de même. Et soudain, alors qu’il était envoyé chez les Rockets pour tenter de remporter son premier titre avec James Harden, Chris Paul commençait à être remis en question. Peut-il y arriver à Houston ? Voyons voir, pendant que les premières fourches s’aiguisaient dans l’ombre. La suite on la connaît très bien, CP3 va merveilleusement terminer le Jazz, les Rockets vont aller jusqu’en finale de conférence, et la franchise texane mènera sa série 3-2 contre Golden State. Un Game 5 dans lequel Paul va même shimmy Curry, action épique et relayée sur tous les réseaux sociaux. Tout ça jusqu’à ce que la cuisse lâche. Foutue cuisse, comme un symbole de la poisse permanente pesant sur les épaules de Paul. Non seulement Houston va perdre le Game 6, mais le Game 7 passera également entre leurs doigts devant le meneur assis sur le banc. Encore désabusé, encore en conférence de presse. Mais jamais n’aura-t-il été aussi proche de son rêve, de cette projection évoquée précédemment. L’avenir est trop beau pour les Rockets, il suffit de passer l’été et tout ira bien, la pression sera à nouveau mise sur les Warriors, il n’y aura pas de cuisse qui lâche, et Houston ne briquera pas 27 shoots de suite. Voilà ce qu’on disait, l’été dernier, avant que la free agency n’ouvre ses portes et que les négociations contractuelles ne démarrent.

Et depuis…

All-Star Chris Paul will sign a four-year, $160M max contract to stay with the Houston Rockets, league sources tell ESPN.

— Adrian Wojnarowski (@wojespn) 1 juillet 2018

Depuis, tout a explosé. Avec en point culminant cette réalité actuelle, celle d’un groupe en pleine explosion, envoyé dans les rumeurs de transferts par un Daryl Morey plus furieux que jamais auparavant. L’été 2018 démarre, les Rockets savent qu’ils doivent conserver leur groupe, et les premiers doutes s’installent. Chris devrait rester, oui, mais pour combien et sur quelle durée ? 1er juillet 2018, 6h du matin en France, l’heure du crime. Paul prolonge pour 4 ans et 160 millions de dollars, une prolongation contractuelle qui le mènera jusqu’à ses 37 ans avec 35, 38, 41 puis 44 millions de dollars dans le compte en banque. L’excitation est trop grande sur le marché des agents libres à ce moment précis, jurisprudence LeBron oblige, mais les premiers hurlements se font entendre à Houston. Qu’est-ce que c’est que ce contrat…? Comment le justifier ? Que se passe-t-il si les Rockets ne remportent pas le titre en 2019 ? Très vite, les dominos tombent, et pas forcément dans l’ordre voulu. Trevor Ariza se barre, les discussions avec Clint Capela deviennent musclées. Cette ambiance prometteuse, ambitieuse et tournée vers juin 2019 n’aura duré qu’un mois à Houston. Le temps que Chris Paul négocie ce que nombreux considèrent aujourd’hui comme un des pires contrats de toute la NBA. Les punchlines deviennent fréquentes, tous les jetons des fans des Rockets sont placés sur les Playoffs 2019 mais l’angoisse est déjà installée. On attend un gros CP3, forcément, après une telle demande. Et les résultats vont être plus que mitigés.

Encore une blessure, encore des blessures, encore une saison avec minimum 20 matchs manqués, la troisième de suite. Chris Paul, d’entrée, se retrouve dans la tourmente en se battant avec Rajon Rondo. Crachat reçu ou pas, le président de l’association des joueurs se tape avec un adversaire lors de la semaine de la reprise de la NBA, en étant clairement aperçu mettant sa main dans la gueule du meneur des Lakers. La gouache renvoyée par ce dernier fait le tour du monde, et les cheh lus à l’intention de Paul ne se comptent plus. Suspension, puis donc blessure, et comme par hasard… Houston fait une remontée mémorable au classement sans sa présence, avec un James Harden stratosphérique. Encore la poisse ? Peut-être bien. Ou un retour de karma, chacun sa lecture. Mais les faits sont bien là, les Rockets reviennent de l’enfer début décembre et Paul revient dans un bateau des plus calmes fin-janvier. Les statistiques, d’ailleurs, sont quasiment au plus bas en carrière, comme dans l’impact. Points, rebonds, passes, balles perdues, pourcentage au tir, à distance, aux lancers, Paul est sur une de ses pires saisons en ayant pourtant augmenté son temps de jeu. Sympa, la régulière 2018-19. Heureusement, les coéquipiers sont là pour assurer le job, et le dernier virage de la saison régulière est assez réussi, avec notamment un chef d’oeuvre so Clippers dans une victoire à Golden State en étant orphelin d’Harden. On se dit alors qu’ils vont peut-être y arriver. Ou du moins, certains se disent que le scénario rêvé et dessiné en juin 2018 pourra enfin se réaliser. Direction la demi-finale… face aux Warriors.

Le Game 1 est inoubliable, pour les fautes provoquées et les réactions d’après-match. Ce n’est plus du basket, s’insurgent les observateurs américains, qui voient en Chris Paul un joueur cherchant bien plus les coups de sifflets que la meilleure action possible. Expulsé, CP3 est dans le viseur de tout le monde. Mais le Game 5 avec un KD qui se blesse reste tout autant dans les mémoires, 11 points à 3/14 au tir dont 0/6 à trois-points. Futur Hall of Famer ? Le jeu ne le dit pas, en tout cas pas ce soir-là. Surtout quand, entre ce match et le suivant, Paul va se permettre le plus culotté des passes-droits. Alors que Stephen Curry veut s’entraîner avant le Game 6, Chris va entendre parler de cette réservation, se pointer au Toyota Center et virer le meneur des Warriors de la salle pour jouer à un mindgame des plus douteux. Ce Game 6 sera celui de l’explosion pour Curry, 33 points en seconde mi-temps, encore une torture pour Paul. Encore un cadeau offert par Steph, le même homme qui l’a placé on skates avec plus d’un crossover sur la décennie 2010. Et encore désabusé, encore en conférence de presse, CP3 va quitter les Playoffs le regard vide. La honte qui va avec, cette fois. Car dans la continuité d’une saison régulière moyenne, Paul va envoyer parmi ses pires moyennes en carrière en Playoffs, les chiffres allant avec l’impact sur le terrain. Le doux rêve de 2018 est terminé, il n’y aura pas de revanche salvatrice. Et pire encore, la franchise de Houston va imploser, avec la mise en vente des joueurs sur le marché dont Chris Paul. Mais qui voudra de ce mec ? La phrase semble impensable, et pourtant aujourd’hui entre sa production et son contrat, on y est.

Nous sommes le 1er juin 2019. Qui sait ce que la fin de carrière de Chris Paul nous réservera. Peut-être de bonnes surprises, peut-être une autre franchise, peut-être la réalisation de cette projection envoyée il y a quelques années, lorsqu’on voulait voir ce meneur all-time remporter une bague, afin que justice soit faite. Aujourd’hui ? On s’en fout complètement. Pas par méchanceté, mais tout simplement car CP3 a détruit l’image qu’il avait réussit à construire pendant des années. De beautiful loser à loser tout court. Quelle tristesse.