Story time : TrashTalk était à l’Oracle Arena, pour un match étrange entre Raptors et Warriors

Le 15 déc. 2018 à 10:05 par Bastien Fontanieu

Warriors
Source image : YouTube

C’était un des matchs les plus attendus de la semaine. Ce fût aussi un des résultats les plus marquants de l’année. Dans une Oracle Arena pleine à craquer, les Raptors ont maîtrisé les Warriors sans faire de chichi : TrashTalk y était, on vous raconte.

Le débat peut avoir lieu pendant des heures, des journées, des semaines entières même. Lorsqu’il faut déterminer quelle salle est la plus incroyable de toute la NBA, chacun y va de son propre son de cloche. L’ambiance, les sons, la musique, les couleurs, l’architecture, l’acoustique, le public, chaque détail rentre dans la notation. Mais s’il y a bien une salle qui a marqué le plus de monde ces dernières saisons, par le succès de son équipe et le niveau de talent assez incroyable qui y travaille, c’est l’Oracle Arena des Warriors. Moins bordélique que par le passé ? Peut-être, gentrification globale oblige. Le zbeul de 2007 a laissé place aux quinqas de la Silicon Valley, à n’en pas douter. La chaleur apparemment exténuante de la dernière décennie n’est plus, on est davantage dans un paquebot de croisière qu’autre chose. Ceci étant dit, l’excitation reste la même quand l’annonce est faite. En plein roadtrip avec Under Armour afin de nous dévoiler la Curry 6, dernière chaussure officielle du chef, le simple fait d’apprendre qu’une excursion est prévue à l’Oracle pour un match des Dubs explose le régulateur d’excitation. Merde, on va quand même voir KD, Curry, Klay, Draymond et compagnie, dans cette salle mythique. Cette salle considérée comme un lieu de torture pour bon nombre de franchises NBA depuis quelques années, cette salle aussi où d’immenses moments se sont déroulés (We Believe, The Block). Encore une fois, le débat peut durer pendant des siècles, mais la réalité se plante devant nous tel un énorme cadeau déposé sous le sapin de Noël le 25 au matin : voir les Warriors d’aujourd’hui à l’Oracle Arena, c’est plutôt all-time de chez all-time.

Et immédiatement, avant même de poser un pied dans l’enceinte, le ton est donné. L’immense halo rouge sur lequel ORACLE est écrit donne l’impression d’entrer en enfer. Derrière ces immenses murs se cachent des cageots, des menottes, des pinces et des bourreaux, pense-t-on. LeBron y a tout donné, Duncan et Kobe y sont passés, tant de légendes se sont pointées dans cette énorme soucoupe, en quête de gloire. Et aujourd’hui ? N’importe quel joueur voyant cette entrée sait ce qu’il peut potentiellement y recevoir : une rafale offensive comme rarement vu dans l’histoire de ce sport. C’est con, mais on se le dit avec émerveillement. Peut-être parce qu’on ne le réalise pas assez souvent. Peut-être parce qu’on a aussi envie de voir les “Dubs” dans leur meilleure forme ce mercredi soir. En passant secrètement par les coulisses de l’Oracle Arena, côté bus, on y découvre une immense fourmilière. Il est 17h15, le match a lieu dans plus de 2 heures, mais c’est une véritable ville qui bourdonne dans cette unique enceinte. Distribution des bobbleheads DeMarcus Cousins, livraison des nachos et autres bretzels, cuves de bières, la bouffe pour les médias, la sécu qui se regroupe, les coulisses de l’Oracle ne sont peut-être pas très glam mais l’authenticité est bien là. D’ailleurs, pas une minute ne se passe sans retrouver un visage connu, de loin, en France. Tiens, le responsable du matos des Warriors. Tiens, l’agent de Kevin Durant. Tiens, Mike Brown. Un long couloir nous mène alors vers le parquet, ce même couloir que les joueurs prennent chaque soir de match à domicile. Dans la paume, ça mouille très fort. Et on a beau avoir parlé à un wagon de joueurs depuis le temps, vivre ce genre de moment est inoubliable. Tout le public vous regarde. Here comes the show.

L’échauffement a déjà démarré et, comme cela se fait de manière protocolaire dans les franchises NBA, chaque joueur a sa propre routine. Shaun Livingston et Kevon Looney sont déjà là, en sueur. Ils bossent en attendant le reste de la troupe. Jordan Bell déconne sur le banc avec quelques potes, les techniciens de l’Oracle font leurs derniers réglages. Horloge des 24, buzzer, horloge des 24, buzzer. Et quelque part, en tant que geek de longue date, les passages sous nos yeux offrent un doux mélange : entre nostalgie adolescente, fierté pro et incompréhension du moment présent. Debout au premier rang afin d’assister au warm up, on peut voit des visages et des voix qui ont bercé nos journées, nos nuits, notre vie. Bob Fitzgerald, le commentateur officiel des Warriors, accepte gentiment une poignée de main, en le félicitant pour toutes ces années de doux commentaires. En lui rappelant, aussi, qu’il berce un paquet de nuits françaises, en scred. Et que c’est important de le lui rappeler. Impeccable dans son costard gris, Masai Ujiri tchatche non loin avec son coaching staff. Le boss des Raptors est suivi par Fred Van Vleet, Serge Ibaka et des nains de Toronto, qui ont en fait une taille humaine normale mais donnent un look chétif en traînant à côté des joueurs. Les commentateurs d’ESPN font bande à part, chacun sa chaîne, mais les réglages de lumières ne peuvent être ignorés. Vient alors le moment le plus attendu par les fans, déjà venus en masse au bord du terrain : l’arrivée de Stephen Curry.

C’est bête, pourtant, un échauffement. Il n’y a rien d’hallucinant à regarder cela. Mais même en le répétant à voix haute à des confrères venus d’Espagne, les yeux fixent automatiquement le meneur des Warriors. Le poignet, le coude, l’épaule, le buste, le regard, tout est scruté au millimètre près. Et pour un groupe de Taïwannais qui est venu exprès voir ce match (pancarte à l’appui), c’est limite le meilleur moment de leur soirée. C’est à ce moment précis qu’on comprend l’importance de ce petit événement. Curry a beau faire cela des dizaines, des centaines de fois devant des caméras, on sait qu’on regard arguably un des meilleurs techniciens de l’histoire faire ses gammes devant nos propres yeux. Comme si Arthur Rubinstein faisait un petit Au clair de la lune au piano. Comme si Klimt choisissait ses pinceaux devant sa toile. Comme si Michael Phelps était en train de patauger dans le pédiluve. Même le fameux shoot du tunnel, rentré dès le premier essai par Steph, est suivi par toute la salle. Un peu pétrifiés devant la chose, on se fait vite réveiller par un groupe de 5-6 quinquas bien bronzés aux lunettes à grosses montures. “Pardon pardon, c’est mon siège !” me dit le premier avec un large sourire, t-shirt des Warriors par-dessus sa chemise blanche (150 sur l’échelle du look american dad) et seau massif de popcorn sous le bras. Je lui dis que je ne suis planté là que pour l’échauffement et que je viens de Paris. Tape sur l’épaule, il me répond que ça n’est pas un problème. Le type en question, George, me présente sa femme en répétant à ses amis que je suis Français. Deuxième tape sur l’épaule, le rire à environ 200K par mois. Avec la même main qui doit amasser plus de fric en un mois que vous ou nous en toute une vie. Et pourtant, à cet instant, il n’y a pas d’inconfort, pas de gène. On est là pour voir un artiste au travail, la passion est la même. L’échange de place se transforme finalement en discussion sur la beauté du moment. C’est vrai qu’il est fort, bordel. Puis quand les hymnes débarquent, chacun retourne à sa place avec un entrain presque enfantin. C’est game time comme ils aiment dire là-bas.

La suite ? Well. Golden State va se prendre une fessée. Par des Raptors trop concentrés, trop collectifs, trop convaincants. Après des introductions bouillantes et des places qui se rempliront en un demi quart-temps, le match sera immédiatement saisi par Toronto et jamais les Warriors ne sembleront en mesure de recoller au score. Tant pis ? Tant mieux ? Peu importe. On est là pour vivre l’aventure, et comprendre son importante signification. On est là pour voir une demande en mariage dans les gradins, une daronne d’une cinquantaine d’années shaker son booty sous une ovation totale de la salle. On est là pour le lancer de t-shirt, manqué par un père de famille typé sud-américain avec son fils, mais qui reçoit un coup de pouce des dieux avec un autre fan des Warriors acceptant gentiment de lui donner le t-shirt qu’il avait réussi à rattraper. High five. Can I get you a beer ? Le trashtalking est intense dans les gradins, surtout pour un groupe de 4 Canadiens qui fait la teuf sur chaque panier marqué. Mais pas de mauvais geste, pas d’over-sensibilité dans les rangs des Warriors pour autant. On répond en montrant l’annulaire, histoire de rappeler la gueule de la bijouterie à Toronto. Et alors que le chrono défile, les places se vident mine de rien à une vitesse folle : le trafic de San Francisco n’est pas une légende. Zou, pas de temps à perdre, pas de place pour le générique de fin. Victoire des Raptors sans laisser la moindre chance aux Warriors, Durant a beau avoir pris feu et postérisé Serge Ibaka, l’Oracle n’a pas rugi comme elle est capable de le faire. Mais en ayant passé la soirée avec des étoiles dans les yeux, on s’en moque un peu. C’est la soirée dans sa globalité qui l’emporte, largement au-delà du résultat.

Que ceux qui en ont la possibilité aillent à l’Oracle Arena. Car blowout ou pas, victoire ou pas, ce que cette salle représente et les joueurs qui y jouent reste impressionnant. Et à quelques mois d’un déménagement qui verra la fermeture de l’Oracle à Steph et compagnie, on peut dire qu’on y a été au meilleur moment : pendant les Warriors de l’ère Steve Kerr. Et ça c’est dans la tête, pour toujours.

Remerciements : Under Armour France / The North