World B. Free : des buckets à foison, un jumpshot en arc-en-ciel, un surnom de légende devenu un prénom
Le 09 déc. 2018 à 16:00 par Alexandre Martin
Pour certains il a été une sorte d’Allen Iverson avant l’heure, pour d’autres il n’est peut-être qu’un gros arrière scoreur de plus dans l’histoire NBA. Pour les uns DeMar DeRozan s’est beaucoup inspiré de son jeu, pour les autres sa calvitie stylée n’est pas sans rappeler de bien plus grandes légendes… Mais pour ses potes de lycée et les fans de la grande ligue, il est Lloyd Bernard Free devenu officiellement World B. Free, ce combo-guard impossible à stopper dès qu’il montait en température et c’était très régulier de la fin des années 70 jusqu’au début des années 80.
C’est en 1981, le 8 décembre précisément, que Lloyd changea légalement son prénom pour devenir World. D’après Free lui-même, ses amis du lycée Carnasie à Brooklyn le surnommaient “All-World” car il était trop fort pour toute la ville (all-city) ou même pour tout le comté (all-county).
Au final, ils se sont juste mis à m’appeler “World”. Je suis toujours le même gars que quand j’étais Lloyd. Je dis ce que je vais faire et ensuite je viens et je le fais.
Car monsieur Free n’était pas du genre à faire les choses à moitié sur un playground ou sur un parquet. Très tôt sa grosse détente – on parle de 110 centimètres – qui lui permettait de poser des 360 à tout va a fait de lui un des boss du basket new yorkais. Ensuite en NBA, au-delà de ce surnom devenu un prénom de légende, Lloyd Bernard s’est fait un nom. Un nom craint, un nom à surveiller. Un nom en face duquel il y a eu huit saisons d’affilée à largement plus de 20 points de moyenne. De la saison 1978-79 à 1985-86, World B. Free a tout simplement fait partie du gratin de scoreurs NBA. Avant cela, il avait découvert les parquets moelleux de l’élite du basket à Philadelphie chez des Sixers qui l’ont drafté en début de deuxième tout lors de la Draft 1975, dans la même cuvée que ses futurs coéquipiers Darryl Dawkins et Joe Bryant. En Pennsylvanie, Free aura très vite un rôle important en sortie de banc et goûtera aux Finales NBA, dès sa saison de sophomore.
Mais n’y arrivant pas comme ils le voudraient, les Sixers monteront un échange qui verra celui qui se prénommait encore Lloyd à l’époque filer chez les Clippers de San Diego contre un premier tour de Draft. C’est là-bas, à partir de l’été 1978, que le jeune homme à la calvitie plus que naissante va exploser et montrer à la ligue ce dont il est capable. Malgré sa détente phénoménale, Free reste un joueur de petite taille dans le milieu de la balle orange (1m88) et, à force de se faire contrer dans sa jeunesse, il a développé un jumpshot qui deviendra sa véritable marque de fabrique. Un shoot qui part de derrière sa tête – un peu à la manière d’une touche au foot (à la manière de Larry Bird aussi par exemple) – et qui épouse une trajectoire en arc-en-ciel, montant très haut pour éviter tout contre, même ceux des baobabs qui sévissent sur les planches. Free était un spécialiste du pull-up jumper à mi-distance, soit derrière un écran soit juste en isolation où sa vitesse et son explosivité obligeaient les défenseurs à lui laisser un peu de mou pour éviter de se faire déborder.
Sur l’exercice 78-79, Free c’est 28,8 points par soir à plus de 48% au tir et plus de 11 lancers-francs provoqués. Le tout accompagné d’environ 4 rebonds, 4 passes décisives et plus d’une interception de moyenne. Cette année-là, malgré 43 victoires, les Clippers ne verront pas la lumière des Playoffs. Sûrement vexé de finir “seulement” deuxième meilleur marqueur de la saison derrière George Gervin (mais tout de même devant des bestiaux comme Bob McAdoo, Moses Malone, Kareem Abdul-Jabbar ou encore Marques Johnson et David Thompson) et de voir cette même saison s’arrêter en avril, World B. Free est revenu l’année suivante avec des envies de massacre décuplées, de massacre des défenses adverses. 30,2 points par match, quasiment à 48% au shoot et toujours avec plus de 11 lancers à tirer par rencontre. Il est inarrêtable. Il va trop vite pour les grands guards, il saute trop haut pour les petits postes 1 ou 2, aucun ailier ne peut s’aventurer à tenter de le contenir. Free score encore et encore. Il ne jouera que 68 matchs cette saison-là à cause de petits pépins physiques mais il plantera 30 points ou plus à 38 reprises, dont 8 fois plus de 40 unités. Inarrêtable. Même pour les immenses Lakers de Magic, Jabbar, Wilkes et consorts au tout début d’un exercice qui les verra aller au bout. Le 12 octobre 1979, les patrons de L.A. tout de jaune et de violet vêtus, vont en prendre 46 sur le museau par cette petite boule de muscle ultra tonique au jumpshot soyeux et à la trajectoire si efficace qu’il fait à peine trembler le filets la plupart du temps.
Sauf qu’à la fin du match ce sont bien les Lakers qui vont prendre le W, d’un point. A la fin de la saison, ce sont bien les Clippers qui vont regarder les Playoffs à la télé et c’est bien World B. Free qui – malgré la satisfaction d’une sélection au All-Star Game – devra encore une fois laisser le titre de meilleur scoreur au Iceman de San Antonio. Dur. Les Clippers enverront Free chez les Warriors à l’été 1980. Dans la baie de San Francisco, il continuera de scorer comme dit précédemment. Tout comme à Cleveland où il atterrira en 1982. Il y restera quatre ans à envoyer entre 22 et 24 points de moyenne, avant de boucler la boucle en passant par Philadelphie de nouveau et d’aller jouer une dernière saison à Houston.
World B. Free c’est bien plus qu’un surnom de légende devenu un prénom. C’est un scoreur fabuleux qui n’est probablement jamais tombé au bon moment dans la bonne équipe, celle dans laquelle il aurait pu mettre ses talents au service d’un collectif capable d’aller au bout. A Philadelphie en 1977, il était encore un peu tendre et sous-utilisé. Ensuite, il n’a clairement pas eu ce qu’il faut autour de lui pour réussir. C’est cruel mais cela n’enlève rien au talent du bonhomme et à la classe qu’il dégageait sur le terrain.