Le destin tragique de Rodney Rogers : paralysé à cause d’un grave accident après une belle carrière

Le 22 févr. 2018 à 10:01 par Clément Hénot

Rodney Rogers
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Sa carrière est honorable, son destin est bouleversant. Lui, c’est Rodney Rogers. Intérieur cubique à la patte gauche soyeuse, il n’était pas le type de joueur que son gabarit laissait deviner et s’est fait un vrai nom en NBA. Après sa retraite, sa vie a toutefois pris un triste tournant. Retour sur son histoire.

Rodney Rogers, c’est avant tout un rôle player solide et un pur attaquant. Ailier fort de seulement 2m01 et 107 kilos à la pesée, il dispose d’un style de jeu atypique pour l’époque : bon shooteur du parking (environ 35% en carrière), il est également capable de grimper sur les défenseurs adverses pour donner de quoi tapisser la chambre des gosses de l’époque. Drafté en 9ème position par les Nuggets en 1993, il débute de façon honorable mais pas non plus exceptionnelle avant de réellement franchir un palier chez les Clippers, chez qui il signe sa meilleure saison statistique avec 15.1 points, 5.6 rebonds et 2.7 passes. Il est également auréolé du titre de meilleur sixième homme de l’année en 2000 chez les Suns et goûtera aux joies des Finales NBA en 2003 avec les Nets, cependant cette joie sera de courte durée, puisque les Spurs ont décidé de passer le balai cette année là.

Son principal fait d’armes reste d’avoir scoré 9 points en 9 secondes lorsqu’il évoluait sous le maillot des Nuggets, contre le Jazz. Denver perd 86-94 à moins de 30 secondes de la sirène, Rogers dégaine une première fois, puis une deuxième fois suite à une remise en jeu bien foireuse de Karl Malone, puis une troisième fois suite à une interception de Robert Pack. Les Nuggets sont devant, 95-94, sauf que là où les 13 points en 35 secondes de T-Mac ou les 8 points en 9 secondes de Reggie Miller deviennent des exploits légendaires, ces 9 points en 9 secondes de Rodney Rogers passent au second plan. La faute à Jeff Malone qui, d’un shoot assassin à 12 secondes du terme, remet de l’ordre dans la maison. Denver ne parvient pas à arracher la victoire et les 9 points en 9 secondes de Rodney Rogers restent donc vains, cet exploit fait donc partie des livres d’histoire sans réellement en faire partie.

“RR” prend sa retraite en 2005 en tant que Sixer. Malheureusement, ce n’est même pas sa carrière mais sa vie qui va radicalement basculer. Rogers est un grand fan de véhicules tout terrain et s’adonne régulièrement à des virées en quad, motocross et autres… En 2008, il part avec un ami dans le Comté de Vance (Caroline du Nord), mais il roule dans un fossé et est projeté par dessus le guidon de son véhicule, l’ancien joueur comprend vite que quelque chose de grave se passe

“Je crois que mon cou est cassé.” – Rodney Rogers, à Faye Suggs

Cet incident est d’autant plus tragique que sa femme, Faye Suggs, qui était à l’époque sa fiancée, lui avait demandé de ne pas se rendre à cette virée tout-terrain entre potes. Rogers lui a certifié qu’il serait revenu le soir pour le dîner, et lui a même donné de l’argent pour faire du shopping. Lorsqu’elle revient à la maison, son fiancé n’est quant à lui pas revenu, son ami l’appelle pour lui indiquer qu’il se trouve actuellement à l’hôpital de Duke dans un état critique. Lorsqu’elle arrive sur place, elle découvre Rodney Rogers, conscient d’être en vie mais aussi conscient que cette dernière vient de basculer à tout jamais.

“S’il te plait, ne m’en veux pas.” – Rodney Rogers, à Faye Suggs

Les médecins sont partagés, ils lui donnent 50% de chances de s’en sortir vivant. Et s’il s’en sort vivant, il n’en ressortirait malheureusement pas indemne. C’est ce qui va se passer : Rogers ressort quadraplégique, il passera probablement le restant de ses jours en fauteuil roulant et ne peut plus utiliser ses jambes ni ses bras pour l’instant, il est en fauteuil roulant et a besoin d’une assistance respiratoire au quotidien. Les premiers mois après le choc ont été difficiles à encaisser pour l’ancien joueur, qui sombre dans la dépression et pense même au suicide.

“Je ne peux pas vivre sans toi. Si tu le fais, alors je le fais aussi.” – Faye Suggs à Rodney Rogers

“Je m’en fichais de sa condition, je voulais mon Rodney, j’avais besoin de lui en vie.”

Le temps est passé et Rodney Rogers retrouvait espoir, il s’est depuis marié à Faye Suggs après l’avoir demandée le jour de son anniversaire, le 3 avril 2008. Et même s’il a été diagnostiqué diabétique en 2010, il a retrouvé goût à la vie, gère sa fondation et reste proche des siens. Et c’est d’autant plus un exploit lorsque l’on connait ses passions, un fan de véhicules tout-terrain qui ne pourra probablement plus jamais en faire et un amateur de bons barbecues qui doit surveiller son alimentation… Beaucoup se seraient définitivement terrés dans la dépression, mais RR rebondit du mieux possible.

La déprime a aujourd’hui laissé place à l’espoir, dans une interview avec Chris Webber, qu’il a connu lors de sa dernière année à Philadelphie et qui est venu lui rendre visite chez lui. La voix étouffée et encore éprouvé par cet accident, il arrive néanmoins à se confier, il indique vouloir marcher de nouveau, quitte à se battre et souffrir pour ça.

“ Je prie pour un jour retrouver l’usage de mes bras et de mes jambes. Peu importe si je dois marcher avec une canne, je veux juste être capable de marcher de nouveau.” – Rodney Rogers

Du courage, il en faudra, car les médecins lui donnent 5% de chances de remarcher un jour. Ceci est accompagné des soins infirmiers 3 fois par semaine, matin, midi et soir, et d’une assistance quotidienne pour se nourrir, se déplacer et faire les moindres gestes du quotidien qui sont évidents pour presque tout le monde. Mais ne comptez pas sur sa femme pour l’abandonner dans cette dure période, bien au contraire.

“Maintenant je suis ses mains, ses bras, ses jambes, je fais tout ce que je peux faire pour lui, avec les infirmiers et infirmières.” – Faye Suggs

Cette histoire est bien évidemment tragique, mais elle a indéniablement renforcé les liens entre Rodney Rogers et sa femme, l’ancien joueur a pu voir sur qui il pouvait compter, et que même son handicap (probablement) permanent ne changerait rien à l’amour que lui voue sa femme. Rogers est même prêt à entendre ses potes parler de leurs virées en véhicule tout-terrain où de les accompagner à leurs barbeuks, sans en profiter autant qu’eux.

Son numéro 54 à Wake Forest, son ancienne fac, a été retiré à la mi-temps d’un match contre Maryland au cours d’une cérémonie. Il continue également de gérer sa fondation venant en aide aux personnes paralysées, la Rodney Rogers Foundation, lancée en 2010 et prie, au sens propre comme au figuré, pour pouvoir à nouveau tenir sur ses deux jambes. L’histoire de RR, du tout haut au tout bas en remontant grâce à l’espoir.