Aux oubliettes : Rodney Rogers et ses 9 points en 9 secondes

Le 20 juin 2014 à 14:31 par Alexandre Martin

Tracy McGrady avec ses 13 points en 33 secondes ou Reggie Miller avec 8 points en 9 secondes peuvent remballer leurs exploits de shooteurs fous. Voici Rodney Rogers et ses 9 points en 9 secondes mesdames et messieurs ! Rodney Rogers… Ce combo forward – de 2m01 pour 108kg et drafté par les Nuggets en 9ème position en 1993 – fête ses 43 ans aujourd’hui. Il n’est clairement pas le joueur le plus connu de sa génération mais il a tout de même laissé quelques traces en NBA.

Les traces d’un ailier un peu petit mais très costaud, très athlétique. Une sorte de Larry Johnson en moins fort mais en tout aussi spectaculaire comme le prouve ce putback éléphantesque contre les Spurs un soir d’avril 1995. Dennis Rodman, David Robinson et consorts ont encore le bruit du cercle qui résonne dans la tête.

L’ami Rodney a passé 12 saisons en NBA. Des Nuggets aux Sixers en passant par les Clippers, les Suns, les Celtics (vite fait), les Nets et les Hornets, il a toujours plus été un energizer capable de scorer une quinzaine de points et de prendre du rebond en sortie de banc qu’un titulaire à part entière. La faute à son physique un peu bâtard pour la Grande Ligue : la taille d’un poste 3 mais les épaules et la technique d’un poste 4. Du coup, il a toujours été difficile pour lui de s’imposer durablement dans un 5 majeur. N’est pas Larry Johnson qui veut… Dans ses meilleures saisons, Rogers a tourné entre 12 et 15 points de moyenne avec environ 5 rebonds, 2 passes décisives et 1 interception par match. Ses excellentes contribution en tant que remplaçant lui valurent même le titre de meilleur 6ème homme de l’année en 2000 sous les couleurs de Phoenix. En ce temps, derrière les Jason Kidd, Anfernee Hardaway, Cliff Robinson ou Shawn Marion, il formait une superbe paire de remplaçants avec Rex Chapman et permettait souvent à la second unit des Suns de faire mal.

Un exploit tombé aux oubliettes à cause d’un certain Malone, Jeff Malone…

Un soir de février 1994, les Nuggets de Dikembe Mutombo, LaPhonso Ellis, Robert Pack, et Rodney Rogers donc, accueillaient le Jazz de John Stockton et Karl Malone. Denver était mené de 8 points (86 – 94) avec à peine plus de 30 secondes à jouer. La balle arrive dans les mains de ce bon Rodney derrière l’arc en tête de raquette, il arme et bingo ! 3 points pour Rogers et 89 – 94 au score avec 29,4 secondes au chrono. Karl Malone nous gratifie d’une remise en jeu catastrophique directement interceptée par Robert Pack qui sert immédiatement Rogers exactement au même endroit et bingo ! 3 points et 92 – 94 au score avec 24,9 secondes au chrono. Et sur la remise en jeu qui suit, ce diablotin de Pack (encore lui), intercepte à nouveau, sauve la balle de la touche en se jetant et parvient à l’envoyer vers le gaucher Rodney (encore lui) qui attrape la balle en reculant, ne réfléchit pas et plante son troisième gros tir primé d’affilée ! Denver mène désormais 95 – 94 et l’horloge indique encore 20,6 secondes de temps de jeu. Monsieur Rodney Rogers vient de mettre 9 points en 9 secondes ! Le public est en délire, le banc des Nuggets saute dans tous les sens…

Rodney Rogers, le héros du soir, s’apprêtait à voir son exploit faire le tour de la planète basket et rester dans les mémoires pour l’éternité. Ce n’a pas été le cas. Mais pourquoi l’exploit de Reggie Miller face aux Knicks en 1995 ou celui de T-Mac en décembre 2004 face aux Spurs reviennent toujours comme les plus grandes performances du genre alors qu’on ne nous parle quasiment jamais de Rodney Rogers ? La hype ? Une simple injustice médiatique ? Ce n’est rien de tout ça en fait. Il y a une raison toute simple au fait que ce superbe fait d’arme de l’ailier des Nuggets soit complètement tombé dans les oubliettes de la NBA… Cette raison s’appelle Jeff Malone. Car, après le dernier 3 points de Rogers, il restait une vingtaine de secondes au chrono. John Stockton a monté la balle rapidement, il a fait un peu tourner et a fini par trouver Jeff Malone ouvert à 5 mètres du panier, le long de la ligne de fond. L’arrière du Jazz – qui est tout de même un garçon très sérieux au scoring puisqu’il affiche une moyenne en carrière de 19 points en plus de 900  matchs NBA – ne s’est pas fait prier et a converti ce jumpshot. Gros coup de froid sur la salle et 96 – 95 pour le Jazz ce qui sera également le score final car Rodney eut bien une possibilité de dernier tir après le temps mort des Nuggets mais il se fit contrer par Tyrone Corbin…

Comme quoi, toute immense performance qui ne serait pas ponctuée d’une victoire a vraiment du mal à se faire réellement une place dans l’histoire car si Denver avait remporté ce match, nul doute que nous parlerions beaucoup plus souvent de coup de chaud fabuleux de la part d’un joueur finalement peu connu. On parlerait certainement du “Rodney Time” ou du “9 seconds for Rodney”… Il n’en est rien. Un exploit c’est bien, la victoire c’est mieux. C’est la leçon qu’a dû retenir Rodney Rogers en ce 8 février 1994. 

Vidéo de cette fin de match incroyable ! 

Source image : nugglove.com