23 mars 1993 : l’avenir des Knicks pourri par un geste de génie de Greg Anthony

Le 23 mars 2017 à 09:45 par David Carroz

Greg Anthony New York Knicks
Source image : Youtube

23 mars 1993. Date funeste pour les Knicks. Non, il ne s’agit pas de la naissance de Melo, de la prise de pouvoir de James Dolan ou encore du jour où Phil Jackson a décidé que seule l’attaque en triangle avait le droit d’exister en NBA. Non, à une époque de l’année où les saisons régulières s’approchent tranquillement de leur fin, c’est Greg Anthony qui a précipité le futur de la franchise de Big Apple dans une belle bouse, sans en mesurer les conséquences. Bon par contre, n’allons pas l’accuser d’être le responsable des maux actuels, faut pas pousser non plus.

Retour donc au printemps 1993. Les hommes de Pat Riley présentent un bilan de 45 victoires pour 18 défaites et rendent visite aux Suns de Charles Barkley. La franchise de l’Arizona joue alors les terreurs à l’Ouest, au point d’arriver en Finales NBA cette année-là avant de succomber face aux Bulls de Jordan. Un peu comme les Knicks d’ailleurs au tour précédent, mais ce n’est pas notre propos aujourd’hui. Phoenix cherche ce jour-là à s’affirmer comme étant capable de rivaliser avec les équipes physiques de l’Est qui lui causent du souci comme les Cavs, les Bulls et… les Knicks justement. En ayant rencontré ces trois équipes (dont deux fois pour Cleveland), les Cactus n’ont remporté aucun match. Il faut donc frapper un grand coup et montrer que dans le désert aussi, les muscles sont présents. Car en face, ce ne sont pas des enfants de choeur qui se présentent à l’America West Arena. La victoire 121-92 prouvera que les Suns peuvent élever leur intensité physique, mais là encore ce n’est pas le but de ces quelques lignes. C’est plutôt la manière dont le blow-out s’est déroulé, car c’est au milieu de plusieurs salades de phalanges que Phoenix a su tirer l’épingle du jeu.

En montrant qu’on a du répondant, qu’on ne baisse pas les bras, ni les yeux chez les coéquipiers de Sir Charles, on rentre dans le jeu des Knicks. En particulier Kevin Johnson, qui échange quelques amabilités avec Doc Rivers. Les meneurs sont chauds bouillants et on sait qu’avec les New-Yorkais, une petite étincelle peut tout faire péter. C’est donc KJ qui va apporter le briquet pour embraser le tout, en provoquant un passage en force de Rivers sur une remise en jeu après un panier de Dan Majerle. Dans sa légendaire mesure face aux coups de sifflet des arbitres en sa défaveur, mais aussi dans la poésie des Knicks de cette époque, le Doc va se frotter avec Kevin Johnson. Forcément, le premier incendie s’allume et tout le monde ou presque participe à ce feu de joie. Quelques échanges de caresses et de mots doux plus tard, la rencontre peut repartir. 25 secondes à jouer avant le retour au vestiaire pour permettre à tout le monde de retrouver son calme, ça devrait le faire. Surtout que les principaux protagonistes – Johnson, Rivers mais aussi Starks et Ainge qui ont participé gaiement à cette farandole – ont eu le droit à leur “T”, histoire de faire redescendre un peu la température.

Le jeu reprend, balle aux Suns, Doc Rivers rend la monnaie de sa pièce à Kevin Johnson en provoquant à son tour un passage en force. KJ ne dit rien – du moins par rapport à ce qu’on vient de vivre. Pour l’instant. Car sur la remontée de balle suivante de la part des Knicks, le meneur des Suns va tout simplement exploser celui des Knicks sur une sublime mise en échec alors qu’il posait un écran pour John Starks. No blood, no foul jugent les arbitres qui ne sifflent rien. De quoi rendre fou de rage Glenn qui pète un câble et poursuit son assaillant, glissant quelques pains au passage. Nouvelle mêlée pour un gros câlin collectif. Et dans cet élan d’amour, c’est un joueur absent de la feuille de match qui va être le héros. Alors qu’il est en tenue de ville – ou de soirée, on ne sait pas trop vue la gueule de la chemise – et que le chaos règne toujours, Greg Anthony juge que l’exclusion de Kevin Johnson – ainsi que celle de Doc Rivers – n’est pas juste et il compte donc appliquer lui même le châtiment pour le crime. Après quelques “soleil de la plage”, “petit chat” et autres qui furent échangés, le back-up habituel de Rivers balance à son tour une beigne dans la tête de Kevin Johnson. Oui, les nineties c’était tellement mieux quand le jeu prenait le dessus sur le reste. Nouvelle mêlée, nouvelles exclusions, nouvelles sanctions à venir. Après le match, les Suns ne mâchent par leurs mots en direction de Greg Anthony à l’instar de Danny Ainge qui taille un costard à son adversaire, bien plus classe que ses fringues ce soir-là :

C’était entre K.J. et Doc. Vous voyez ce genre de choses dans les matches tendus. Anthony est celui qui va faire partir les choses en vrille. Je ne considère pas les Knicks comme des voyous. La façon dont John Starks, Anthony Mason et Doc Rivers jouent, j’aimerais les avoir dans mon équipe. Il n’y a rien de personnel. À part peut-être que personne dans l’équipe n’est vraiment fan de Greg Anthony. Le reste, ça arrive. Mais un gars qui sort du banc en tenue de ville et qui balance un coup gratuit à une de nos stars ? […] Comme je l’ai dit, Greg Anthony a dépassé les limites. Et il n’est pas un bon joueur non plus.

La vidéo des altercations :

En meilleure qualité, la seconde partie de l’altercation, pour vraiment apprécier la chemise de Greg Anthony à sa juste valeur, mais surtout le tampon de Kevin Johnson sur Doc Rivers :

Mais les joueurs de l’Arizona ne sont pas les seuls à ne pas avoir apprécié le spectacle. Du côté de la Ligue, on voit d’un mauvais œil ce genre de débordement et on cherche à les éviter à tout prix. Les suspensions et les amendes tombent donc, histoire de rappeler aux belliqueux qu’un parquet n’est pas un ring. Mais plus que tout, David Stern et le shérif Rod Thorne ne peuvent pas tolérer qu’un mec qui ne joue même pas puisse se ramener de la sorte pour envenimer encore plus une situation explosive. Peu importe que Greg Anthony présente ses excuses dans un communiqué, regrettant son immaturité et sa réaction, demandant pardon aux Suns et à Kevin Johnson. En haut lieu, on s’en fout, on ne veut plus voir cela : 14 joueurs – en plus d’Anthony – qui quittent le banc de touche pour participer à une bagarre. On prend donc des mesures et quelques semaines plus tard, avant l’ouverture des Playoffs, une nouvelle règle est mise en place concernant les échanges de pains :

Tout joueur qui lance un coup de poing est maintenant immédiatement expulsé du match, suspendu pour au moins un match et sanctionné financièrement d’une somme appropriée. Tout joueur qui donne un coup de poing qui touche un autre joueur sera exclu du match, suspendu pour un minimum de un à cinq matchs et sanctionné financièrement de la somme appropriée. Les équipes seront également sanctionnées financièrement du même montant que la somme des amendes de leurs joueurs. Tout joueur quittant la zone du banc pendant une bagarre sera sanctionné de 2 500 dollars, au lieu de 500 actuellement, et son équipe sera sanctionnée de 5 000 dollars pour chaque joueur ayant quitté la zone du banc.

Mais la NBA ne va pas s’arrêter en si bon chemin, jugeant que ces sanctions ne sont pas encore assez dissuasives lors de la saison 1994-95, durcissant encore le ton concernant les mecs qui s’amuseraient à lever leurs fesses du banc de touche alors qu’ils n’y sont pas invités :

Tout joueur qui quitte le banc durant une bagarre sera automatiquement suspendu pour un match minimum et sanctionné d’une amende de 20 000 dollars maximum; en outre il perdra un quatre-vingt-deuxième de son salaire pour chaque match de suspension.

Des nouvelles règles donc, mais pour tout le monde. Alors pourquoi imaginer que Greg Anthony a niqué l’avenir des Knicks en cognant Kevin Johnson un soir où la testostérone était un peu trop présente chez lui ? Et bien il suffit de faire un saut quelques années plus tard, en mai 1997. Le 14 pour être précis. Ce jour-là, Pat Riley n’est plus sur le banc de New York mais du côté de Miami. Là où les hommes de Big Apple se rendent pour le Game 5 des demi-finales de Conférence. Alors qu’ils mènent 3-1 dans la série, les joueurs de Van Gundy voient ce match leur échapper, permettant ainsi au Heat de revenir dans la course pour la qualification. Mais avec la prochaine rencontre à venir au Madison Square Garden, tout est encore jouable et les pronostics sont même favorables aux pensionnaires de Manhattan. Mais l’atmosphère est électrique sur le parquet et à quelques minutes de la fin, tout peut péter. Zo Mourning et Charles Oakley se chauffent, Chris Childs et P.J. Brown aussi. Les techniques tombent, Oak prend d’ailleurs sa deuxième pour aller se doucher en avance. Quelques secondes plus tard, alors qu’il reste moins de deux minutes à jouer, Tim Hardaway shoote sans pression deux lancers. Sur le second, Charlie Ward et P.J. Brown s’écharpent pour la prise de position et les deux terminent en dehors du terrain pour se faire quelques bisous. Jaloux, d’autres joueurs les rejoignent pour un grand moment d’amour viril.

Encore un Royal Rumble offert par les Knicks :

Comme on peut le voir, Patrick Ewing, Larry Johnson, Allan Houston ou encore John Starks dépriment sur le banc lorsque Tim Hardaway rentre son deuxième lancer et que P.J. Brown balance Ward par-dessus la troisième corde. Petit souci, il n’y resteront pas lorsque l’empoignade débute. Et même si très clairement aucun d’entre eux ne participe au partage des pains – Larry Johnson et John Starks, étonnamment, séparent plutôt les joueurs tandis que Pat mate ça de loin – cela ne va pas émouvoir Rod Thorne plus que cela. La sanction la plus sévère de l’histoire des Playoffs tombe deux jours plus tard et la règle est appliquée à la lettre. En plus de Ward qui voit sa série terminée tout comme P.J. Brown, les quatre autres joueurs des Knicks vont gagner le droit d’être des spectateurs privilégiés des prochaines rencontres au lieu d’être acteurs. Dura lex, sed lex. Le Heat s’impose lors des deux rencontres suivantes et New York n’aura pas une dernière occasion de tenter de venir à bout des Bulls avec ce groupe. Tout ça à cause de Greg Anthony, quatre ans plus tôt.

Par contre, il faudra encore attendre quelques années avant que la NBA ne se penche sur les fringues des joueurs, laissant impuni le style vestimentaire de Greg Anthony ce soir de mars 1993, alors que Patrick Ewing n’a eu que ses yeux pour pleurer face au Heat pour avoir suivi l’échauffourée d’un peu trop près. Mais en même temps, la mode des années 90, c’était moche. Mais moins que voir les Knicks se faire sortir par le Heat à cause de suspensions de joueurs majeurs. Merci, Greg Anthony.

Source : knickerblogger.net