Wilt Chamberlain : domination incroyable ou époque formidable ?

Le 21 août 2016 à 17:45 par Alexandre Martin

Wilt Chamberlain

En 1959, les illustres Harlem Globe Trotters étaient en représentation à Moscou dans le cadre d’une tournée en ex-URSS. Ce soir-là, ils eurent l’honneur de jouer devant un public fourni et incluant Nikita Khrushchev lui-même. Au cours de ce match entre divertissement et basketball, une mise en scène impliquait que Meadowlark Lemon – le capitaine des Trotters, pesant dans les 95 kilos – s’écroule au sol et qu’au lieu de l’aider à se relever, un des ses coéquipiers le soulève, le jette en l’air comme une plume et le rattrape tout aussi facilement avant de le poser au sol, sur ses deux pieds. Ce coéquipier, c’était Wilton Norman Chamberlain… 

Il (Wilt) était l’athlète le plus fort qui ait jamais existé.

Voici ce que raconta plus tard le fameux Lemon. Bien évidemment, ceci est à remettre dans le contexte des années 50-60 où les forces de la nature telles que Chamberlain étaient extrêmement rares, en tout cas beaucoup plus que sur les 20 ou 30 dernières années. Enfin, des bestiaux comme Wilt, même à l’époque actuelle, on n’en croise pas non plus des masses. Car celui qu’on surnommait notamment “Wilt the Stilt” ou “Goliath” s’étendait sur 216 centimètres pour environ 125 kilos de muscles qui dégageaient donc une puissance, une force sans commune mesure comme l’a fait un jour remarquer le Hall of Famer Bob Lanier, quand il lui fut demandé quel était un de ses plus grands souvenirs en carrière :

Quand Wilt Chamberlain m’a soulevé et déplacé comme une tasse de café afin qu’il puisse prendre position de manière favorable.

Rappelons tout de même que Bob Lanier était un pivot d’environ 2m10 qui devait bien peser 115 kilos dans ses jeunes années, période où il a croisé Chamberlain… Wilt faisait office de montagne, tout aussi unique que dominant pendant les 14 saisons où il a foulé les parquets NBA. Il faisait peur, il impressionnait ses adversaires avant de les écraser, des les violenter à coups de points, de rebonds, de contres sur le terrain. De 1959 à 1973 de Philadelphie à Los Angeles en passant par San Francisco, “The Big Dipper” a fait plus que marquer les esprits, il a gravé son nom dans le marbre de la Grande Ligue et ce, pour l’éternité. Oh oui, pour l’éternité car certains de ses monstrueux records ne seront clairement jamais battus ni même approchés pour d’autres. Sur ses sept premières saisons, Wilt a été meilleur scoreur avec au minimum 33 points de moyenne et avec, au milieu de tout ça, un exercice 1961-1962 qu’il traversera à plus de 50 unités par soir, posant notamment sur la table ce fameux match à 100 points le 2 mars 1962. 50 points de moyenne sur une saison, 100 en un match, voici déjà quelques chiffres que nous ne sommes pas prêts de voir tomber.

Quelques temps auparavant, lors de sa saison sophomore, le monsieur y est allé d’un match avec 55 prises aux rebonds. Oh oui, c’est beaucoup… Enfilant 10 saisons consécutives à plus de 20 rebonds de moyenne avec deux pointes au-dessus de 27, Wilt possède non seulement la plus grosse moyenne de rebonds en carrière de l’histoire avec 22,90 mais il est aussi le plus prolifique de tous les temps dans ce secteur (près de 24 000) et est le seul basketteur à plus de 30 points et 20 rebonds en moyenne en carrière. Les contres n’étaient pas encore comptabilisés à son époque mais nul doute que ses stats auraient été bien supérieures à celles des Olajuwon, Mutombo ou encore Tim Duncan. D’ailleurs, cette différence entre les époques crée toujours un débat entre les détracteurs de Wilt et ses adorateurs. Les premiers nous expliquent allègrement que dans les années 90 notamment, Chamberlain aurait eu une concurrence tout autre et bien plus fournie, ce qui ne lui aurait pas permis de dominer comme il a pu le faire dans les années 60. Ils nous expliquent également que le fait qu’il n’ait “que” deux bagues montre bien que sa domination n’était pas si totale…

On peut en discuter. On peut s’accorder sur le fait que la NBA des années 60 n’avait rien à voir avec celle d’aujourd’hui ou même celle d’il y a 20 ans. Les intérieurs athlétiques ne sont plus des denrées rares. Parmi les ailiers et les arrières, nombre de marsupilamis hallucinants pullulent et sont à même de venir défier les big men dans les airs, de les écraser d’un dunk ou de leur chiper quelques rebonds. Pour autant, Wilt a tout de même dû lutter avec quelques sacrés spécimens. Nate Thurmond, Bill Russell, Kareem Abdul-Jabbar, Jerry Lucas, Walt Bellamy ou encore Dave Cowens. Alors ok, c’est moins dense que d’autres périodes mais tous ces gars sont Hall of Famers aujourd’hui et tous se sont faits détruire par Chamberlain. Allez, Bill Russell arrivait à le contenir un peu mais si les bagues filaient quasiment toujours du côté de Boston à l’époque c’est avant tout parce que l’effectif des Celtics était infiniment plus complet et talentueux que tous les autres de la Ligue. Individuellement, Chamberlain a dominé son époque comme jamais aucun autre joueur ne l’a fait, il a porté des équipes plutôt faibles sur ses larges épaules. Tout cela est indéniable. Après, le succès collectif est tout de même une donnée qu’il faut prendre en compte pour juger la carrière et la domination éventuelle d’un joueur…

Toujours est-il que ce débat autour de la domination de Wilt Chamberlain n’est pas essentiel. Car, au final, il restera à tout jamais une légende, un mythe. Un des athlètes les plus incroyables ayant foulé les planches moelleuses de la Grande Ligue et dont le nom figure à tant d’endroits dans le livre des records NBA qu’il en est devenu incontournable. Et ça, comparaison d’époque ou pas, concurrence ou pas, personne ne pourra le lui enlever. 

Source image : YouTube / Wilt Chamberlain Archive