Vivre une saison dans les coulisses de la NBA grâce à TrashTalk : un rêve de gosse devenu réalité
Le 15 avr. 2016 à 17:48 par Benoît Carlier
Que vous nous suiviez depuis longtemps ou pas, vous êtes peut-être tombé sur une interview de Nicolas Batum ou de Boris Diaw en vous levant un matin. La rédaction de ces articles a égayé mon quotidien lors de ces six derniers mois, je partage avec vous aujourd’hui cette expérience hors du commun dans les coulisses du Air Canada Centre de Toronto.
Une porte VIP, quelques escaliers et un rapide check de sécurité. Voilà comment je résumerais le court chemin qui mène vers le bonheur : une accréditation officielle à mon nom renouvelable à chaque match qui m’autorise à arpenter les couloirs de cette gigantesque enceinte les soirs de match. Les premiers pas au milieu de ce labyrinthe géant sont hésitants, mais on prend rapidement ses marques dans ces coursives que les joueurs empruntent en sortant du bus vêtus de leurs plus beaux costumes, le casque vissé sur les oreilles.
Les lunettes sans verre de Russell Westbrook, le manteau de fourrure d’Amar’e Stoudemire ou encore le marcel de Chris Andersen par -15C°, c’est un peu la Paris Fashion Week tous les soirs à environ deux heures du coup d’envoi.
Ici, pas besoin d’écran pour approcher les plus grandes stars du circuit NBA. Pourtant, toutes formes de caméras se bousculent aux portes des vestiaires avec en apothéose la dernière de Kobe Bryant à Toronto, chaque mouvement de ce dernier étant épié par des machines futuristes dont je ne connaissais même pas l’existence. J’aurais moi-même mon succès le jour de la venue des Cavaliers de LeBron James avec une caméra 360° confectionnée par un camarade passionné (petit teaser de la vidéo qui ne devrait plus tarder). Car non seulement les journalistes sont autorisés à assister au match depuis la tribune de presse, mais ils ont également la chance de pouvoir circuler librement autour du parquet – parfois même dessus – alors que les tribunes sonnent encore creux et que les choristes révisent une dernière fois leur performance dans les conditions du direct. Je passerai ainsi près de deux heures à converser avec « Superfan », supporter des Raptors depuis plus de 20 ans qui ne manquerait un match sous aucun prétexte, pendant que mes six caméras immortalisaient les dunks du « King » lors de l’échauffement à quelques secondes du début de la rencontre. Un moment unique qui me permettra même de me retrouver au centre du parquet lors de la remise des trophées de joueur du mois de janvier à l’Est partagé par DeMar DeRozan et Kyle Lowry, les deux stars de la nation de l’érable.
J’ai pu faire mes adieux à Kobe en compagnie de 20000 fidèles
Double ration de patriotisme : pour un hymne écouté le deuxième est offert
Ensuite, il est temps de remonter au sixième étage de la salle pour rejoindre ma place dans la tribune de presse. La salle étant aussi configurée pour recevoir des rencontres de hockey, mon siège culmine presque au plafond du Air Canada Centre, entre les bannières des Maple Leafs et celles des Raptors. Rituel obligatoire en Amérique du Nord, chaque rencontre est précédée du chant des hymnes nationaux. Et puisque je suis chanceux, j’ai également droit au chant patriotique canadien en plus de l’habituel “Star-Spangled Banner”. Tout le stade est invité à se lever et retirer son haut-de-forme – ou sa snapback – pour écouter religieusement deux morceaux que je maîtrise presque aussi bien que le roster des Raptors à force de les entendre constamment.
Du sergent de l’armée aux enfants de l’école du coin de la rue en passant par la star du prochain opéra de la ville, nous avons le droit à absolument tous les profils pour interpréter le “Ô Canada”. À toutes les qualités aussi.
Puis, ce pour quoi les 19 800 fans se sont rassemblés dans le chaudron rouge peut enfin commencer. Place au match avec l’un des publics les plus chauds de la Ligue, même s’il ne vaut pas une Oracle Arena bien énervée en toute objectivité. Une impartialité que les journalistes sont d’ailleurs priés de conserver en toute circonstance en zone de presse comme le stipule le règlement de la NBA. Cela n’empêche pas certains membres de l’organisation des Raptors – également présents lorsqu’il reste quelques sièges vides – de faire connaître leur mécontentement lors de certains coups de sifflets hasardeux. Le reste du temps, l’ambiance est plutôt studieuse même si les commentateurs espagnols de l’équipe visiteuse généralement positionnés quelques mètres plus haut assurent l’ambiance et contrastent avec les réactions du public canadien. Plongés dans leurs notes, les insiders n’en oublient pas de tweeter. Une activité chronophage à laquelle je vais m’initier avec l’aide de mes confrères canadiens. À la mi-temps, certains d’entre eux reviennent de l’espace presse avec des boissons ou du pop-corn pour toute la rangée. La collation d’avant-match étant payante, j’en profite généralement pour taper dans la fontaine de soda.
La NBA sait prendre soin de nous. pic.twitter.com/X9x91o0dAn
— Benoît TrashTalk (@We_Want_Tacos) January 25, 2016
Des hommes comme les autres
Les minutes s’égrènent et le match touche rapidement à sa fin avec généralement une victoire des Raptors au bout. Je dois servir de porte-bonheur aux Dinos qui amélioreront leur bilan pour la troisième saison consécutive, franchissant la barre des 50 victoires pour la première fois de leur jeune histoire. Tractés par un backcourt étoilé de feu, les locaux peuvent toujours compter sur le soutien du public lorsque l’issue du match est indécise ou quand la barre des 100 points se rapproche. En effet, une fois ce plateau atteint, il ne reste plus que la victoire à aller chercher pour permettre à chaque fan de repartir avec une part de pizza offerte. De quoi motiver quand on sait tout ce qu’engloutit un Canadien moyen lorsqu’il se déplace au stade. Les journalistes ne sont malheureusement pas concernés par cette offre mais une compensation de taille est prévue puisque chaque équipe leur ouvre les portes de son vestiaire une dizaine de minutes après la fin du match. Sur le chemin, je croise régulièrement Drake qui tient visiblement son rôle d’ambassadeur très à cœur et n’hésite pas à faire ce qu’il peut pour venir en aide au club, quitte à flirter avec la légalité. L’entraîneur est le premier à se confronter aux médias avant de les laisser envahir le locker room pour approcher les joueurs de plus près.
Un système ouvert très américain qui rend un All-Star NBA plus accessible qu’un entraîneur d’un club de LNB par exemple.
Parfois encore mouillés de leur douche et uniquement vêtus d’une serviette, les joueurs répondent aux sollicitations des journalistes comme leur contrat l’exige. Une certaine complicité existe entre les reporters qui suivent l’équipe dans tous ses déplacements mais l’humeur des athlètes influe beaucoup sur la qualité de l’interview. Ne vous attendez pas à trouver un joueur tout sourire lorsqu’il vient d’en prendre 20 dans la musette. Au contraire, tout est plus facile en cas de victoire et je me souviendrai longtemps de l’ambiance du vestiaire des Rockets après un énième come-back effectué à Toronto. Chargé de la sono, Sam Dekker fait mouche avec un nouveau titre de Rihanna et… Drake repris en cœur par ses coéquipiers. Un moment privilégié parmi tant d’autres qui fut suivi d’un bel entretien avec le francophone de l’équipe, Clint Capela. D’abord impressionné à son arrivée en NBA, le Suisse confirmera mon impression en m’expliquant que malgré leurs millions et leur forte médiatisation, les stars restaient avant tout des gens normaux et très abordables. Il admettra d’ailleurs volontiers le plaisir qu’il a de partager son quotidien avec un bon vivant comme Dwight Howard qui fait tout pour mettre à l’aise ses collègues de vestiaire. Ainsi, tout au long de la saison, les franchises et les joueurs se succèderont sous mes yeux sur les mêmes bancs du vestiaire des visiteurs au ACC. Je privilégierai toujours nos différents porte-drapeaux, de plus en plus nombreux chez l’Oncle Sam et je serai à chaque fois marqué par leur disponibilité et leur incroyable zenitude au beau milieu d’une saison aussi exténuante que de nombreux bobos viennent déranger. Evan, Rudy, Boris, Nico, Joffrey, Kevin, tous dans leur style m’accueilleront avec le sourire avec en prime quelques punchlines bien senties pour TrashTalk. Du bonheur à l’état brut pour un journaliste et une expérience personnelle tout simplement inoubliable pour ma part.
Steph Curry fait chauffer les ficelles. pic.twitter.com/4US15eOXAc
— Benoît TrashTalk (@We_Want_Tacos) December 5, 2015
Dans cette Ligue où tout tourne à cent à l’heure, j’ai donc pu réaliser la simplicité de ces hommes qui fréquentent plus les aéroports et les hôtels que leur propre QG pendant plus de six mois de l’année. Cette expérience n’a fait que m’impressionner davantage quant à la volonté et la rigueur de travail de ces vendeurs de rêve à grande échelle. À commencer par le journaliste français assis en tribune de presse au sixième étage du Air Canada Centre.
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Source images : Benoît CARLIER – TrashTalk