Règne de Stephen Curry : simple mandat non renouvelable ou souveraineté longue durée ?

Le 09 janv. 2016 à 11:25 par Benoît Carlier

Stephen Curry

Les récents petits pépins physiques dont a été victime Stephen Curry nous poussent aujourd’hui à nous interroger sur la durée de son règne parmi les meilleurs joueurs de la ligue mais aussi les plus excitants à voir évoluer. Alors, quelques saisons et puis s’en va ou souveraineté à la Elizabeth II pour la darling de la NBA ?

Obligé de s’arrêter à deux reprises à la fin de l’année 2015 pour une gêne au niveau du tibia gauche, le MVP en titre a rappelé à ceux qui l’auraient oublié qu’il reste un homme comme les autres. À moins que les OVNIs ne puissent également se blesser, ce qui revient au même finalement. Une absence qui soulève tout de même une question majeure pour les Warriors, mais également pour tous les fans de basket qui se préparent à sauter sur la table basse dès que la balle atterrit dans les mains du numéro 30 de Golden State : pour combien de temps allons-nous encore avoir droit à ce spectacle grandiose que nous offre actuellement le meneur des champions NBA ? On commencera bien évidemment par se rappeler que s’il était probablement le meilleur joueur en activité en 2015, quatre joueurs des Warriors toucheront plus d’argent que lui cette saison si l’on passe sous silence les différents contrats publicitaires qui doivent au moins lui rapporter tout autant que les 11,3 millions de dollars que lui verseront Joe Lacob et Peter Gruber cette année. Une situation qui trouve son explication dans l’historique hospitalier de Stephen Curry qui pâtissait d’une réputation de joueur fragile après sa troisième année dans l’élite lors de laquelle il manqua quarante rencontres pour opérer des chevilles en papier mâché. À l’époque, les Dubs décident quand même de lui faire confiance en lui offrant un contrat de quatre ans mais pour une valeur de 44 millions de billets verts qui semble totalement dérisoire aujourd’hui. Ce chèque devrait bien sûr exploser en 2017, lorsque son contrat actuel arrivera à expiration et ce ne sera que mérité au vu des performances irréelles dont il nous gratifie de plus en plus régulièrement depuis déjà quelques années, mais n’est-ce pas finalement pendant ces quatre années sous-payées que le joueur formé à Davidson produira le meilleur basket de toute sa carrière ?

L’âge d’or avant le déclin ?

Le fils de Dell soufflera sa vingt-huitième bougie le 14 mars prochain alors que les Warriors ne seront qu’à quelques encablures d’entamer ce qui sera peut-être la période la plus importante de leur existence avec un possible record de victoires en saison régulière à la clé avant de partir en quête d’un back-to-back qui serait inédit dans l’histoire de la franchise. Mais 28 piges correspond aussi généralement à l’apogée d’une carrière pour les sportifs de haut niveau qui évoluent en NBA. Fort d’une belle expérience dans la ligue, les pré-trentenaires ont assez de maturité pour aborder les matchs à enjeux plus sereinement sans laisser le stress leur dicter leur conduite lorsque le score est serré dans le money time par exemple. Ils sont également au sommet de leurs dispositions physiques avec un corps sculpté et qui a pris du volume au fil des ans dans la salle de musculation, mais qui n’est pas encore fatigué par l’enchaînement des saisons à plus de cent matchs – pré-saison, saison régulière, Playoffs et sélection nationale confondus. Ensuite, la sagesse prend le dessus mais les premières limites apparaissent au niveau physique comme c’est le cas depuis quelques temps pour LeBron James qui, malgré une condition exceptionnelle, doit prendre de plus en plus soin de son corps de jeune trentenaire en s’octroyant quelques moments de répit pendant les matchs et en adoptant une hygiène de vie encore plus exigeante pour mieux récupérer suite à la répétition des efforts. Si l’on suit ce petit schéma classique dans la carrière d’un pro, Stephen Curry dispose donc grosso modo de deux années devant lui avant de voir ses capacités physiques progressivement se dégrader. Mais à l’image de Ray Allen, jeune retraité et actuel détenteur du record de bombes lâchées en carrière que certaines franchises seraient toujours prêtes à signer en tant que pigiste au printemps, le fils de Dell joue sur d’autres atouts que ses qualités athlétiques et son déclin pourrait donc n’intervenir que bien plus tard.

L’exemple de Ray Allen

Car avec son style de jeu largement basé sur son adresse extérieure irréelle mais aussi sur un maniement du ballon et une technique exceptionnelle, Stephen Curry ne prend que très peu de risques sur un parquet. Ses petits soucis actuels sont plus le fruit d’une accumulation de malchance et de légers coups sur sa jambe endolorie que d’un jeu vraiment propice aux blessures. Contrairement au Derrick Rose de la grande époque ou à un Kyrie Irving par exemple, le MVP préfère finir en bras roulé ou même lancer un circus shot désespéré plutôt que de rentrer dans le tronc des gros baobabs lors des rares fois où il s’aventure dans le trafic. Une bonne habitude qui pourrait lui permettre de gagner quelques années supplémentaires en fin de carrière si elle est couplée à un bon régime alimentaire, la marque de fabrique de « Jesus Shuttlesworth ». Il n’y a pas de secret, fêter ses 38 ans sur un terrain de basket comme l’a fait le double champion NBA réclame une discipline presque militaire pour survivre aux régimes estivaux sans gluten pendant que ses coéquipiers se la coulent douce sur une plage déserte. Une rigueur que semble aussi avoir Stephen Curry qui a concédé s’être rapidement remis au travail après la célébration du titre avec la Dub Nation, quelques jours à peine après le dernier match des Finales NBA. Mais la comparaison avec l’ancien sniper des Celtics ne s’arrête pas là puisque « SC30 » a tout du parfait candidat pour devenir à son tour le meilleur tireur du parking de l’histoire de ce sport. À raison de 250 tirs primés par saison – une moyenne inférieure à son rythme depuis 2012 – il faudra un peu plus de six campagnes du All-Star pour dépasser ce record. Un objectif réalisable donc, qui pourrait motiver ce grand compétiteur à garder une hygiène de vie parfaite pour atteindre puis exploser cette marque de 2973 bombes qu’il devrait avoisiner à ses 34 ans s’il est globalement épargné par les blessures. « Ray-Ray » l’a expliqué, la régularité du shooteur se situe principalement au niveau des jambes. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à voir les pourcentages de Stephen Curry baisser au fil des années, ceux-ci ayant eu même tendance à augmenter dans le cas du produit de UConn pour atteindre un pic autour de ses 35 et 36 printemps. Une probabilité qui donne le tournis alors que le point guard prend déjà des tirs en première intention à plus de dix mètres de sa cible en ne touchant rien d’autre que la ficelle. Il a tellement révolutionné le basket ces derniers mois que l’on se l’imagine très bien arriver à étendre sa zone de confort à la moitié du terrain toute entière, devenant alors une sorte de machine tout bonnement indéfendable pour son adversaire. On oublie également trop souvent que le frère d’arme de Klay Thompson est aussi un passeur hors pair doté d’une vision et surtout d’un sens du jeu comparable à Steve Nash, aujourd’hui conseiller chez les… Warriors. Un autre modèle à suivre pour Stephen Curry puisque le Canadien tournait encore à 12,5 points et 10,7 assists de moyenne à l’âge de 37 ans avant de terminer sa carrière de manière assez triste du côté des Lakers à soigner ses rhumatismes devenus trop douloureux pour supporter le rythme imposé par la NBA. Avant cela, le double MVP avait été globalement épargné par les blessures tout au long de son parcours de Phoenix à Dallas grâce à un jeu là aussi très prudent en termes de risque de choc avec l’adversaire.

En se basant sur des qualités d’adresse et un QI basket supérieur à la moyenne, Stephen Curry a donc encore de belles années de domination devant lui. Bien sûr, sa vitesse de course et son endurance devraient diminuer avec l’âge mais elles devraient être compensées par une adresse encore plus précise – aussi difficile que cela puisse paraître – ainsi qu’un jeu de passe créatif toujours aussi compliqué à défendre mais très peu risqué pour le meneur. En outre, le natif d’Akron en Ohio – tiens, tiens – n’est pas en surmenage malgré des statistiques affolantes alors qu’il n’a besoin de passer que 33 minutes de moyenne sur le parquet depuis 2014 pour aligner ses meilleurs chiffres en carrière. Aussi longtemps qu’il continuera à s’entraîner et à conserver une hygiène de vie irréprochable, Stephen Curry devrait continuer à humilier ses défenseurs avec des actions dont lui seul est capable jusqu’à ses 35 ans bien passés. C’est à ce prix que les meilleurs parviennent à durer, même s’ils ne sont jamais à l’abri d’un coup de malchance comme les dernières saisons de Kobe Bryant notamment.

On espère juste que la star des Dubs sait ce qu’elle fait lorsqu’elle refuse de s’arrêter pour soigner son tibia le temps d’un petit mois pour continuer à jouer. Non pas par altruisme pour le joueur mais bien par égoïsme pur, parce qu’on est devenu accro aux moves du meneur à la gueule d’ange et on ne voudrait surtout pas que ça s’arrête demain. Allez Steph, octroie-toi donc un peu de repos. Après ça tu pourras nous en mettre plein les yeux pendant encore 10 ans, promis !

Source image : Montage via KarolisLiakas Productions sur Youtube