Antonio McDyess : un talent brut, un athlète hors normes mais un genou en carton

Le 07 sept. 2015 à 18:07 par Alexandre Martin

Antonio McDyess
Source : screen youtube

Nous sommes à la fin du mois de janvier 1999. Jason Kidd, Rex Chapman et George McCloud – tous les trois alors joueurs des Phoenix Suns – sont postés, dehors dans un froid glacial, devant la McNichols Arena de Denver où se joue un match de hockey. Leur but ? Attendre qu’un certain Antonio McDyess sorte pour discuter avec lui et le convaincre de revenir dans l’Arizona avec eux. Et ils ne sont pas là par hasard, c’est “Dice” lui-même qui a appelé son coéquipier Kidd pour lui faire part de ses doutes…

En effet, alors qu’un lockout vient de secouer la NBA pendant plus de 6 mois et que la saison 98/99 s’apprête à démarrer, McDyess lui est toujours indécis. Depuis tout ce temps, il est en discussion aussi bien avec les Nuggets – qui l’ont récupéré au soir de la Draft 1995 et chez qui il a joué ses deux premières saisons – qu’avec les Suns avec qui il vient d’effectuer sa troisième saison. Le joueur est libre, il peut choisir sa destination. Il est à Denver car il a donné son accord verbal aux Pépites du Colorado et doit signer un contrat dans les jours voire les heures à venir mais il hésite. Il se demande certainement s’il ne devrait pas rester sous le chaud soleil du sud du pays. Kidd et compagnie sont donc là pour le convaincre de revenir, pour réaliser un DeAndreGate avant l’heure. Mais ce n’est pas arrivé car, selon un article très détaillé de Sports Illustrated, Dan Issel – coach et GM des Nuggets à l’époque – avait eu vent du coup de vice qu’étaient en train de tenter les Suns et a fait tout ce qu’il fallait pour que la rencontre entre McDyess et ses (ex)coéquipiers n’ait pas lieu. C’est ce bon vieux Issel qui a fait en sorte que les 3 kidnappeurs venus de Phoenix n’entrent pas dans la McNichols Arena puis que la rencontre proposée à leur hôtel (seulement entre joueurs) soit avortée pendant qu’il s’occupait de finir de convaincre le joueur… C’est ainsi que McDyess – n’ayant pas pu discuter avec ses potes des Suns – a signé avec les Nuggets. Un constat s’impose : Mark Cuban aurait dû prendre exemple sur Dan Issel cet été. Et une question survient : pourquoi ces deux équipes ont autant lutté pour avoir ce joueur ? 

La réponse est assez simple : à ce moment-là, ce que montre McDyess – sur ces trois premières années en NBA – est extrêmement prometteur et laisse penser que le garçon peut devenir un ailier-fort très dominant. Du haut de ses 206 centimètres et costaud d’environ 110 kilos, “Mister Dice” présentait un alliage entre puissance, détente, mobilité et technique rarement vu. Un nouveau Shawn Kemp, un Stoudemire avant Amar’e : voilà ce qu’était McDyess. Un intérieur capable d’écrabouiller n’importe quel défenseur qui tenterait de l’empêcher d’aller au cercle mais également capable de prendre du rebond en masse, de shooter dans le périmètre (presque 50% en carrière), d’intercepter, de contrer…

Petit exemple avec ce 360 en plein match après une interception

D’ailleurs ce vieux renard de Dan Issel ne s’y est pas trompé car une fois réinstallé à Denver, Antonio va envoyer les trois meilleures saisons de sa carrière. Sur les 50 matchs de cet exercice 98/99 post lockout, il va noircir la feuille soir après soir et de manière presque aussi violente que ses dunks. Avec 21,2 points et 10,7 rebonds de moyenne – accompagnés de 1,7 contre – il devient même le troisième joueur de l’histoire des Nuggets à envoyer au moins 20 points et 10 rebonds sur une saison après George McInnis en 1978/1979 et… Dan Issel en 1977/1978. Il passe même 46 points accompagnés de 19 rebonds et 4 contres un soir de février à des Grizllies impuissants. En 1999/2000, il enchaîne avec plus de 19 points (51% au tir) et presque 9 rebonds par rencontre ce qui lui vaut d’ailleurs d’être appelé chez Team USA pour remplacer Tim Duncan. Il fera partie de la bande à Vince Carter, championne olympique à Sidney en 2000. Dans la foulée, il continue de matraquer les intérieurs NBA. Ses 20,8 points (49,5% au tir) et ses 12,1 rebonds font de lui un All-Star en 2001. A cet instant, rien ne semble pouvoir perturber l’inexorable montée en puissance de ce phénomène qui donne l’impression de pouvoir tout détruire sur son passage.

Malheureusement, ce sera son unique participation au Match des Etoiles car comme beaucoup d’autres avant lui et après lui, McDyess va subir un grand coup d’arrêt dû à une vilaine blessure : une rupture totale du tendon rotulien en amont de la saison 2001/2002 durant laquelle il ne jouera que 10 matchs (au printemps) qui ne feront qu’abîmer encore plus son genou. Au mois de juin suivant, inquiets et décidés à tourner tout de suite la page, les Nuggets réussissent à convaincre les Knicks de leur envoyer Marcus Camby, le vieux Mark Jackson et un certain Nene Hilario que New York venait de drafter en 7ème position. On ne peut pas dire que la franchise de la Big Apple ait fait une excellente affaire sur ce coup. McDyess ne foulera pas les parquets de tout l’exercice 2002/2003 et ne reviendra à la compétition qu’au cours de la saison suivante, en décembre 2003. Il effectuera alors ses 18 seuls matchs sous le maillot de la “Ville qui ne dort jamais”. McDyess n’est plus “Dice”, cet intérieur qui donnait l’impression de voler, cet intérieur dégageant une telle sensation de puissance et de fluidité.

A travers un deal impliquant 8 joueurs et qui enverra notamment Stephon Marbury aux Knicks, il filera refaire une petite pige chez les Suns mais ne convaincra pas le staff. A l’été 2004, ce bon Antonio se retrouve donc agent-libre et peu convoité même si son genou est déclaré en état de fonctionnement. Les Pistons – champions en titre – lui proposent un contrat de 4 ans et font de lui leur 6ème homme. McDyess se fond bien dans le rôle et redevient titulaire pour la saison 2007/2008. Il tourne même quasiment en double-double (9,8/9,6) sur la soixantaine de matches qu’il joue lors de la saison 2008/2009. De nouveau libre, il s’engage avec les Spurs. Gregg Popovich l’utilise avec parcimonie (vingtaine de minutes par rencontre) et, mis à part une petite “claquette-buzzerbeater-gamewinner” face au Lakers, “Dice” ne se distinguera que très peu dans le Texas où il restera deux saisons avant d’être coupé et de raccrocher définitivement les sneakers.

De All-Star aussi athlétique et bestial que technique et mobile, Antonio McDyess est très vite, trop vite devenu un remplaçant à l’équilibre physique plutôt précaire. Il n’aura eu que 6 véritables saisons en pleine possession de ses moyens sur les parquets de la Grande Ligue mais il a persévéré malgré la déception de ne jamais pouvoir retrouver son niveau après cette grave blessure. Il était comme ça “Dice” : surpuissant, bondissant, complet mais aussi aimable, indécis, influençable et muni de genoux trop fragiles pour les monstrueuses cadences NBA.