Tour du monde des playgrounds – Venice Beach, Los Angeles, États-Unis
Le basket-ball est un sport urbain qui possède cet avantage de pouvoir être pratiqué n’importe où à condition de trouver un cercle, un peu solide de préférence, et un filet pour les puristes. Avant d’évoluer devant 20 000 personnes tous les soirs dans des salles aux équipements derniers cri, de nombreux joueur NBA se sont d’abord fait un nom sur un modeste terrain de quartier. Mais ne vous fiez pas aux apparences, on y retrouve parfois des ambiances plus chaudes qu’un Game 7 des Finales. A chaque playground son atmosphère, ses règles, ses légendes et son histoire. Prochaine étape de notre tour du monde des courts les plus marquants, direction les États-Unis et plus particulièrement Los Angeles, pour une visite guidée de Venice Beach qui a notamment vu grandir Paul Pierce ou Baron Davis.
La fiche
- Nom : Venice Beach
- Adresse : 1800 Ocean Front Walk
- Ville : Los Angeles, Californie
- Construction : 1960’s
- Tournoi : Venice Basketball League (VBL)
- Légendes : Baron Davis, Paul Pierce, Demetrius “Hook” Mitchell, John Staggers, Freeman Williams…
Histoire de Venice Beach
De janvier à décembre, il ne fait jamais moins de 20 degrés à Los Angeles. Avec plus de 300 jours de soleil par an, on a de quoi s’occuper dans la Cité des Anges, enfin, on joue surtout au basket. Beaucoup. Ce n’est un secret pour personne, la Californie est autant gorgée de plages que de franchises NBA. Les Kings de Sacramento, les Warriors de Golden State, les Clippers et évidemment, les Lakers de Los Angeles. Sauf qu’à L.A., on sait faire les choses bien. Avant les années 1980, le basket professionnel n’attire pas les foules, puis la magie renverse tout. Les Purple and Gold sortent des carcans académiques du panier-ballon sous l’impulsion de Magic Johnson : c’est le Showtime. Passes aveugles, dans le dos, contre-attaques éclairs, un tsunami déferle sur la NBA. En fait, L.A. joue comme on joue dans la rue… et à Venice Beach.
Symbole ultime de la côte ouest, le quartier de Venice voit le jour à la fin du XIXème siècle. Abbot Kinney, homme d’affaires, tombe amoureux de la ville de Venise en Italie et décide de reproduire au sud de Santa Monica une vingtaine de canaux similaires à la Cité des Doges. Venice est née et est rattachée à Los Angeles dans les années 1920. Les décennies passent et le quartier devient le point central de la street culture à l’américaine. Artistes et acteurs s’y installent et donne une dimension plus branchée et colorée au quartier. Venice Beach est alors dans les années 1970 le paradis du skateboard et de la musculation en plein air. Plages de l’océan Pacifique à dix mètres, soleil couchant au quotidien, des couleurs chatoyantes… Tout ce qu’il faut pour rider et pousser de la fonte dans la ville la plus hypée de la West Coast. Séparée du quartier par la voie express, Venice Beach occupe une large bande de terrain entre l’océan et la ville, appelée Ocean Front Walk. Mais l’endroit devient aussi le paradis des amateurs de basket. Le streetball est installé à Los Angeles depuis les années 1960, certains courts respirent d’ailleurs le bitume noir avec des paniers pas extrêmement frais et des lignes blanches à moitié disparues. Mais si le le lieu est aussi mythique c’est pour son court bleu océan qui surplombe son environnement. Lignes blanches parfaitement soignées, vagues dessinées dans la raquette, des gradins, l’atmosphère idyllique pour les ballers. Le playground gagne en notoriété avec les exploits de la bande à Magic.
Néanmoins, en parallèle de la love story entre les puristes de la balle orange et leur terrain de jeu, le quartier connaît une période plus sombre marquée par l’emprise de la drogue jusque dans les années 1990. Mais ne vous y trompez pas, le basket est roi sur le blue court. Si l’atmosphère est cool, détente, chill, les matchs ne le sont aucunement. Pour devenir une terre de streetball mythique, l’intensité des trois contre trois ou cinq contre cinq, doit être aussi brûlante que la chaleur californienne. Un postulat basique, mais confirmé officiellement en 2006 avec la création de la Venice Basketball League (VBL), par Nicolas Gaillard. Cocorico. Chaque été, les meilleurs joueurs de la Cité des Anges se réunissent sur le playground de la plage pour participer à un tournoi de streetball. Puis, les meilleurs joueurs de Californie, des États-Unis et du monde viennent à Venice Beach. Avec l’énorme succès de la VBL, le tournoi se transforme en ligue et attire les meilleurs streetballers de la planète sur le sol bleu du playground. Et comme vous vous en doutez, on ne fait pas les choses à moitié aux États-Unis, et encore moins sur les terres d’Hollywood. Quand les Playoffs de la VBL commencent, l’ambiance monte crescendo, les paniers sont customisés du logo de la ligue, des concours de dunks sont organisés et une foule toujours plus importante s’attroupe sur le court dos à la plage. It’s Showtime in L.A. !
C’était leur jardin
Alors forcément, si l’endroit attire toujours plus de monde durant l’été et le reste de l’année, de nombreux jeunes viennent se perfectionner et s’améliorer à Venice Beach sous le soleil californien. Et Dieu sait que certains d’entre eux ont fait carrière en NBA. Et pas les plus mauvais. DeMar DeRozan, Kevin Love, Russell Westbrook sont natifs de L.A. Impossible qu’ils n’aient jamais abîmé leurs sneakers sur le plus connu des goudrons bleu durant leurs jeunes années. Tout comme Baron Davis d’ailleurs.
Avec un style de jeu pareil, le Baron s’est forgé sur les playgrounds de la plage de Venice pour devenir un meneur aussi hargneux que terriblement technique. Voltigeur, finisseur implacable, gros dunks, passes magiques, le dragster s’est formé à Venice Beach et il ne suffit pas d’être un grand connaisseur pour voir que le bonhomme transpirait la rue dans ses matchs NBA. Dans un registre diamétralement différent, Paul Pierce s’est lui aussi construit sur les plages de Los Angeles. Pur Californien de naissance, The Truth n’avait qu’un rêve : jouer pour les Lakers. Après des centaines d’heures passées sur le court bleu, Pierce passera ses meilleurs années aux Celtics et gagnera les Finales 2008 face aux Pourpre et Or. Sacré histoire.
Mais avant l’apprentissage des futures stars NBA sur le bitume, le playground était évidemment celui des streetballers certifiés. Le streetball remonte à la fin des années 1960 à Venice Beach, lorsque des pros et des icônes de la rue comme James “Arkansas Red” Allen avaient l’habitude de se battre à Denker Park dans le sud de Los Angeles. L’Arkansas Red, originaire de West Palm Beach, en Floride, et Raymond Lewis sont les premières icônes de la ville et les plus vénérées du streetball de L.A. Pourtant, il faut attendre 1979, année où le New-Yorkais Kenn Hicks fonde le National Outdoor Basketball Championship, pour que leur réputation prenne de l’ampleur. Organisé traditionnellement lors des week-ends prolongés de la fête du Travail, le premier lundi du mois de septembre, le streetball gagne en popularité à Venice Beach avec cette compétition et devient le courant dominant du basket. Peu à peu, les légendes de la discipline débarquent sur la West Coast : Demetrius “Hook” Mitchell, John Staggers, Freeman Williams, Larry “Bone Collector” Williams pour ne citer qu’eux.
L’heure de gloire de Venice Beach
Avec la Venice Basketball League, l’endroit le plus prisé des basketteurs amateurs amène chaque année toujours plus de monde et de joueurs prestigieux. S’ils sont semi-pros dans l’extrême majorité, les matchs sont durs, intenses et physique avec une bonne dose de trashtalking. Tout ce qu’il faut pour éventuellement plaire à certains joueurs NBA. Bingo. Lors de l’édition 2014 de la VBL, Ron Artest aka Metta World Peace débarque avec sa team. Après seulement huit années d’existence, la compétition accueille pour la première fois un garçon de la Grande Ligue, All-Star qui plus est. Et qui de mieux que Ron Artest pour jouer dur et pourrir les oreilles des adversaires. Son arrivée à la VBL fait beaucoup de bruit et attire évidemment le public de la Cité des Anges qui n’a pas oublié son trois points assassin des Finales 2010 face à Boston. C’est que le garçon a aussi régné dans le streetball, et plus précisément à Rucker Park en 1998. Courtside, l’équipe de MWP, ne fait pas des prestations grandioses mais Venice Beach rugit comme jamais. Ron Artest reviendra en 2016, en compagnie de Glen Davis, ancien joueur des Clippers, plus affûté que jamais.
Un tel paradis sur Terre donne forcément des envies à des réalisateurs de films. À la télévision comme pour le septième art, les caméras se déplacent dans le quartier de Venice pour tourner quelques scènes. MacGyver, American History X, Grease… Mais LE film qui a bercé chaque fan de basket a été tourné en grande partie sur le playground de Venice Beach. Il s’agit bien sûr de Les Blancs ne savent pas sauter (White Men Can’t Jump) sorti en 1992. L’histoire de Billy Hoyle joueur amateur de basket qui se lie d’amitié avec avec Sydney Deane et terrorise leurs adversaires en deux contre deux sur les courts de la plage. Le duo enchaîne les victoires et dépouille les duos adverses. De l’argent capital pour faire face aux histoires et problèmes personnels des deux personnages principaux. Premier vrai film consacré à une histoire centrale autour du basket et des rapports entre les communautés aux États-Unis, les fans adhèrent en masse aux films. Comme on l’a dit précédemment, la VBL a pris une dimension impensable pour les organisateurs à l’origine du projet. Rendez-vous quasi obligatoire des summer leagues pour les joueurs NBA, la compétition a donné des idées aux producteurs de jeux vidéos. Le playground mythique apparaît sous son meilleur jour dans NBA Live 18 et NBA Live 19. Heureusement que notre Français, Nicolas Gaillard, est passé par là, une après-midi ensoleillée à l’été 2006.
Et maintenant ?
La VBL continue d’accueillir le gratin du monde du streetball et toujours plus de public pour assister à la forme la plus pure du basket. L’endroit est aussi un spot parfait pour la publicité et les marques. En 2012, Kobe Bryant a d’ailleurs inauguré sa nouvelle chaussure en la faisant essayer à des dizaines d’adolescents de la Cité des Anges. Pour le magazine GQ, Brandon Ingram s’est essayé à rentrer quelques shoot en costume trois-pièces, alors que Blake Griffin a tapé des gros dunks pour un spot de Red Bull. Venice Beach est aussi devenu le repère des YouTubers américains et mondiaux. On trouve aujourd’hui beaucoup de vidéos réalisées avec les meilleurs dunkeurs de la planète voire même des stars NBA. LeBron James s’est d’ailleurs prêté au jeu du H.O.R.S.E avec le spécialiste David Kalb. Pour toutes ces raisons, aucune inquiétude à avoir pour le plus illustre des playgrounds de la West Coast. Comme le ciel, le bitume du court dominant n’a pas fini d’être bleu, tout en voyant la vie en rose.
Venice Beach est un marqueur dans l’inconscient des personnes, énormes fans de la balle orange ou non. Chacun sait que l’endroit est le paradis des skateurs et des basketteurs de L.A. Beaucoup d’amateurs du panier-ballon rêvent même de fouler le fameux goudron bleu du playground. Presque un passage obligé à réaliser au moins une fois dans sa vie. L’image sombre et noircie par la drogue n’est plus du tout d’actualité. Le lieu n’est seulement enivré que par l’ambiance détente et le bruit des ballons rebondissant sur le bitume.
Source image : Benoît Carlier/TrashTalk