The Decision : point noir de la carrière de LeBron James ou étape nécessaire pour accéder au trône ?

Le 28 déc. 2024 à 18:09 par Nicolas Meichel

lebron james
Source image : YouTube

Dans l’exceptionnelle carrière de LeBron James, le 8 juillet 2010 représente l’un des plus gros tournants. Le King a quitté Cleveland pour Miami cet été-là à travers un show télévisé intitulé “The Decision”, déclenchant une vague de critiques et même de haine. Pour certains, cela reste un gros point noir dans le parcours de LeBron. Pour d’autres, c’était une étape nécessaire pour accéder au trône. Où placer le curseur ?

“I’m going to take my talents to South Beach, and join the Miami Heat.”

Nous sommes le 8 juillet 2010 dans un gymnase de Greenwich dans le Connecticut. Arborant une chemise à carreaux avec un jean bleu marine, et assis en face du journaliste Jim Gray, LeBron James provoque un séisme sur la planète basket en prononçant ces mots devant les yeux de toute l’Amérique.

14 years ago today, LeBron James made “The Decision” to take his talents to South Beach and join the Miami Heat 👀 pic.twitter.com/YncVvA8Cav

— ESPN (@espn) July 8, 2024

Après des mois de spéculation concernant son avenir, le King profite de son statut d’agent libre pour quitter Cleveland après sept saisons (sans titre NBA) et former un Big Three avec Dwyane Wade et Chris Bosh à Miami. Tout ça lors d’une émission spéciale – “The Decision” – diffusée sur la célèbre chaîne ESPN et suivie par plus de 10 millions de téléspectateurs.

Les réactions ne se font pas attendre. Et elles sont à la hauteur du choc accompagnant la décision de LeBron.

Pendant qu’on débouche le champagne à Miami, des maillots sont brûlés dans tout Cleveland. La ville de l’Ohio oscille entre haine et tristesse, certains fans n’hésitant pas à balancer des pierres sur la façade du Sherwin-Williams Building, où se situe l’affiche géante de James avec l’inscription “We are all witnesses”. Le propriétaire des Cavaliers Dan Gilbert publie carrément une lettre ouverte dans laquelle il n’hésite pas à utiliser des termes hyper forts comme : “trahison”, “lâcheté”, “égoïsme” et “cruauté”.

Les critiques et la haine portées à l’encontre de LeBron James ne s’arrêtent pas aux frontières de Cleveland. Au contraire, toute l’Amérique – en dehors d’un coin ensoleillé de Floride – semble alors tourner le dos au “Chosen One”. De New York à Los Angeles en passant par Chicago (trois villes qui convoitaient James à la Free Agency 2010), James devient l’ennemi public numéro 1.

L’ancienne star NBA et analyste Charles Barkley n’hésite pas à dire tout haut ce que beaucoup pensent à ce moment-là : “Il ne sera jamais Jordan. Il n’est plus dans la discussion, peu importe combien de titres il gagne”. Considéré comme le futur Michael Jordan avant même de poser un orteil sur les parquets NBA, LeBron vient de casser les codes en empruntant un chemin différent du GOAT, qui a gagné six titres NBA avec sa franchise des Chicago Bulls après avoir longtemps galéré à atteindre les sommets. Jojo déclarera d’ailleurs quelques jours plus tard : “Je n’aurais jamais fait équipe avec Larry Bird et Magic Johnson, je voulais battre ces gars-là.”

Si faire équipe avec d’autres stars est un phénomène caractéristique de la dernière décennie NBA, c’est difficilement accepté à l’époque. Surtout quand on est LeBron James aka “l’Élu”, qu’on est en pleine force de l’âge (double MVP en titre), et qu’on n’a toujours pas la moindre bague au doigt.

Mais tout ça, le King n’en a cure. Il veut se donner le maximum de chances de gagner un et même plusieurs titres avec ses copains de la Draft 2003.

The Decision, 15 ans après

Alors qu’on s’approche de plus en plus de la fin de carrière de LeBron James, toute cette négativité entourant The Decision paraît aujourd’hui bien loin. Certes, le King a toujours ses détracteurs, mais il est globalement célébré comme étant l’un des deux meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA, voire même – pour certains – le GOAT devant Michael Jordan.

Il faut dire que depuis ce 8 juillet 2010, LeBron n’a pas chômé. Il a remporté quatre titres de champion en neuf participations aux Finales NBA, quatre titres de MVP des Finales, deux titres supplémentaires de MVP de la saison régulière, tout en explosant tous les records de longévité jusqu’à devenir le meilleur scoreur NBA all-time. Et puis évidemment, entre-temps, il est revenu à Cleveland pour tenir sa promesse d’apporter un titre aux Cavaliers (2016), brisant ainsi la malédiction sportive de la ville de l’Ohio.

Tout ça pour dire que LeBron James a non seulement survécu à l’énorme backlash entourant sa décision de rejoindre Miami, mais il en est surtout ressorti grandi, autant sur comme en dehors des parquets.

“The Decision”, la bonne décision sur le plan sportif

Durant son passage à Miami (2010-14), LeBron James a pu jouer les Finales à quatre reprises en quatre ans après s’être continuellement tapé la tête contre le mur avec les Cavaliers.

Le King – trop esseulé à Cleveland – avait enchaîné les échecs en Playoffs après sa qualification surprise aux Finales NBA 2007. La progression rapide des Cavs sous son impulsion empêchait LeBron d’obtenir un lieutenant digne de ce nom via la Draft, et sa présence n’était pas suffisante pour convaincre d’autres stars de rejoindre la ville peu glamour de Cleveland.

Avec Dwyane Wade et Chris Bosh à Miami, et sous les ordres d’Erik Spoelstra, James a obtenu ce qu’il est venu chercher : des bagues de champion NBA. Deux en l’occurrence. Mais il est reparti avec bien plus que ça.

Du côté de South Beach, LeBron James a grandi. En tant que joueur, en tant que leader, en tant que winner.

Les quatre années de James à Miami sont parfois considérées comme le prime ultime du King. C’est au Heat qu’il a tutoyé les sommets en matière d’efficacité dans son jeu. C’est au Heat qu’il a sorti ses meilleures saisons sur le plan défensif en plus d’enchaîner les campagnes en 27 points – 7 rebonds – 7 passes. C’est au Heat, grâce notamment au génie d’Erik Spoelstra et le recrutement de Pat Riley, que LeBron a pu évoluer dans un système (“pace and space”, avec Chris Bosh en poste 5 et des shooteurs autour de lui) destiné à maximiser ses qualités venues d’un autre monde. Cela s’est traduit par deux trophées de MVP de la saison régulière, et deux titres de MVP des Finales quand Miami a réalisé le back-to-back en 2012 et 2013.

Au contact de Dwyane Wade, champion NBA en 2006, LeBron a aussi développé cette mentalité de killer qui lui manquait peut-être lorsqu’il était à Cleveland. Cela s’est particulièrement ressenti au cours de la deuxième saison de James à Miami. Après le fiasco des Finales 2011, où James est complètement passé au travers face à Dallas, D-Wade a poussé LeBron à prendre les rênes de l’équipe : “Si on veut accomplir ce qu’on veut accomplir, tu dois être le leader” a déclaré Flash à James à l’été 2011 lors de leurs vacances aux Bahamas. Une responsabilité que le King a pleinement assumée durant ses trois dernières années à Miami.

“Je ne pense pas qu’il y aurait eu un happy ending à Cleveland s’il était resté (en 2010). L’environnement n’était pas bon. Il a passé ses jeunes années à Cleveland, il a joué là-bas au début de sa carrière, il avait besoin de partir. Je pense qu’il a beaucoup grandi à Miami, avec la structure qui était en place (autour de lui). Je ne pense pas qu’il aurait pu grandir comme ça à Cleveland.” – Adrian Wojnarowski

“The Decision”, symbole du player empowerment

Quand LeBron James a décidé de prendre une heure d’antenne (gratuite) à ESPN pour annoncer sa décision devant les yeux de toute l’Amérique, il a flex ses muscles comme aucun autre agent libre n’avait pu le faire avant lui. Grâce à son statut de superstar, de MVP et de talent générationnel, le King a pu dicter tout le processus entourant “The Decision” lors de la Free Agency 2010 : le moment, l’endroit, la plateforme, le message et la manière de le délivrer.

Quelques années auparavant, en 2006, LeBron James (tout comme Dwyane Wade et Chris Bosh) avait décidé de signer une prolongation de contrat de seulement trois saisons au lieu de cinq, dans le but de pouvoir être agent libre dès l’été 2010 et ainsi prendre le contrôle de sa propre carrière. Cela a poussé de nombreux dirigeants à libérer de la masse salariale avec l’espoir d’attirer LeBron à la Free Agency. Beaucoup d’espoir, mais évidemment zéro garantie. Ces mêmes dirigeants se sont ainsi retrouvés à la merci du King au moment de “The Decision”. Excepté Pat Riley, ils sont tous repartis très déçus.

“Ce qu’il faut retenir de The Decision ? Le player empowerment. Que vous ayez aimé ou détesté The Decision, il s’agissait d’un avant-goût de LeBron prenant le contrôle de sa propre carrière comme aucune autre superstar ne l’avait jamais fait auparavant. Les entraîneurs, les managers et les propriétaires ne pouvaient plus dicter jusqu’à quand leurs joueurs vedettes allaient rester. Le pouvoir s’est irrémédiablement déplacé vers l’athlète, grâce à LeBron. Ses frères de la NBA ne devraient jamais l’oublier.” – Jackie MacMullan (ESPN)

Si LeBron est presque immédiatement devenu l’athlète le plus détesté de l’Amérique, et si la forme avec laquelle il a annoncé sa décision reste condamnable, James a clairement fait basculer le rapport de force en NBA.

Il avait pris conscience – avant et à travers “The Decision” – l’énorme pouvoir qu’il possédait en tant que superstar numéro 1 de la NBA. Un pouvoir que le King n’a ensuite pas hésité à utiliser tout au long de la décennie 2010 pour maximiser ses chances de gagner sur le terrain (neuf finales NBA dont huit de suite entre 2010 et 2020, à Miami, Cleveland et Los Angeles), maximiser ses revenus, mais qui lui a surtout permis de garder le contrôle sur la trajectoire de sa propre carrière, mettant continuellement la pression sur ses dirigeants.

Cela a aussi ouvert la voie à d’autres stars NBA (Kevin Durant, Kawhi Leonard…) qui ont décidé – comme LeBron – d’utiliser la Free Agency à leur avantage en créant de nouvelles armadas.

Au cours de ses quatre années à Miami, LeBron James a également appris aux côtés du légendaire Pat Riley, surnommé “Le Parrain de la NBA”.

Ancien joueur devenu coach des mythiques Lakers version Showtime (années 1980), Pat Riley est devenu l’un des grands visages de la NBA avant même de se transformer en un redoutable dirigeant à Miami. Détenant les pleins pouvoirs au Heat depuis son arrivée au milieu des années 1990, Patoche a souvent su mettre à profit sa grosse influence afin d’obtenir ce qu’il voulait.

Le charisme de Riley, son ADN de champion, ses talents de négociateur et le fait qu’il connaisse toutes les ficelles de l’univers NBA sont autant d’éléments qui ont attiré LeBron à Miami à l’été 2010. Autant d’éléments que James a retenus du “Parrain” durant son passage en Floride.

“De bien des façons, LeBron James a appris comment construire un empire, comment renforcer et utiliser son pouvoir, en regardant Pat Riley.” – Brian Windhorst

Pendant quatre années à South Beach, Pat Riley et LeBron James ont triomphé ensemble. James a remporté ses premiers titres NBA tandis que Riley renforçait encore un peu plus sa légende avec deux bagues de champion supplémentaires, tout ça après avoir réalisé l’une des plus grosses masterclass de l’histoire de la Ligue à la Free Agency 2010.

Et puis, à l’été 2014 juste après la lourde défaite en Finales NBA contre San Antonio, LeBron a décidé de ramener ses talents à Cleveland en faisant une… Pat Riley.

“Quand LeBron a vu cette opportunité à Cleveland, il a fait exactement ce que Pat Riley aurait fait. Il a dit : ‘merci, je passe à autre chose’. Au bout du compte, Pat Riley et LeBron James sont les mêmes.”

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Même de nombreuses années après, “The Decision” reste un énorme tournant dans la carrière de LeBron James ainsi que dans l’évolution de la NBA.

La perception de ce moment clairement pas comme les autres dépend de chacun et a globalement évolué depuis l’été 2010. Néanmoins, il ne fait aucun doute que “The Decision” a servi de tremplin au King.

C’est une étape qui lui a permis d’accéder au trône de la NBA, et plus globalement de se rendre compte de l’influence qu’il possédait. Influence qu’il n’a ensuite cessé d’exercer, sur le plan sportif mais aussi en dehors des parquets (notamment à travers ses propres plateformes de communication) où il s’est souvent exprimé sur des questions politiques et sociales.

“Même si de nombreuses erreurs ont été commises (lors de The Decision), il en a tiré des leçons. On peut dire qu’il a vraiment trouvé sa voix et qu’il est devenu, je crois, l’athlète américain le plus influent. Cela remonte en grande partie à cette soirée à Greenwich, dans le Connecticut” – Don Van Natta (ESPN)

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