Interview Maxime Raynaud x TrashTalk (partie 1) : “J’ai envie d’être le meilleur rebondeur du pays”

Le 04 déc. 2024 à 21:00 par Benoît Carlier

Interview Maxime Raynaud Partie 1 3 décembre 2024
Source image : montage via YouTube

C’est le Big Man le plus chaud de toute la NCAA et il est Français. À 21 ans, Maxime Raynaud attire les scouts NBA avec ses statistiques de mammouth. Troisième meilleur rebondeur et dixième meilleur scoreur du pays, le senior de Stanford s’est posé avec TrashTalk pour un entretien exclusif.

Drapeau français épinglé au mur, Maxime Raynaud nous répond depuis sa chambre universitaire sur le campus de Stanford. En ce samedi matin ensoleillé, le Parisien prend le temps. Cela tombe bien, on a énormément de questions à lui poser. De son parcours d’expatrié à la Draft NBA 2025 en passant par l’équipe de France et sa relation avec Victor Wembanyama mais aussi les échecs, la NASA et Donjons et Dragons, tous les sujets ont été abordés pendant près d’une heure. Oui, on vous a dit qu’on avait beaucoup de questions !

TrashTalk : Salut Maxime ! Bon, nous on te connaît mais pour les gens qui te découvrent, est-ce que tu peux te présenter rapidos ?

Maxime Raynaud : Je m’appelle Maxime Raynaud, je viens de Paris et ça fait maintenant 4 ans que je joue à Stanford en NCAA. Avant ça j’ai fait quelques années à Charenton puis je suis parti à Nanterre où j’ai joué l’EuroLeague Junior. J’étais avec les Espoirs et j’ai fait la prépa avec les pros avant de m’expatrier aux États-Unis. À côté de ça, j’ai aussi fait quelques équipes de France jeune (médaille d’argent à l’Euro U16 2019 avec Victor Wembanyama, Armel Traoré et Ousmane Dieng, médaille d’or à l’Euro U20 en 2023 avec Ilias Kamardine, Adama-Alpha Bal et Armel Traoré) et j’ai fait la prépa des JO cette année.

TT : Après Charenton et Nanterre, tu as décidé de quitter la France assez vite. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

MR : Je pense que j’avais un profil assez particulier dès le départ dans le sens où j’avais refusé de rejoindre tout ce qui est Pôle Espoir, centre de formation, INSEP, etc. parce qu’à côté du basket, j’étais quand même dans des bonnes institutions au niveau des cours. L’année de ma première, j’ai eu une décision à prendre de, soit de jouer professionnellement directement mais d’arrêter complètement mes études, soit de continuer et faire une prépa et du coup d’arrêter le basket. Je n’étais prêt à faire ni l’un ni l’autre donc on a commencé à regarder le côté universitaire car ça faisait déjà quelques années que des universités avaient commencé à se rapprocher de moi et de mes parents.

TT : Comment s’est fait la connexion avec Stanford et pourquoi avoir choisi cette université en particulier ? Entre nous, c’est Top 3 des campus américains et il n’est pas troisième mais j’imagine que ce ne sont pas les palmiers qui ont fait pencher ta décision.

MR : La raison pour laquelle je partais, c’était aussi pour garder un certain niveau académique donc une université comme Stanford ça faisait beaucoup plus de sens que LSU ou Texas par exemple où il y a des très bons programmes au niveau du basket mais où l’aspect académique est complètement au second plan et personne n’y prête vraiment attention. Donc c’est pour ça que je suis venu à Stanford il y a 4 ans. Cette année c’est ma dernière année, donc c’est ma senior year et avec un peu de chance je serai diplômé à la fin de l’année et en plus de ça je vais jouer professionnellement à partir de l’année prochaine.

TT : À ton âge (21 ans), d’autres joueurs sont déjà professionnels. Est-ce que tu as hâte de franchir le cap à ton tour ? Ça ne doit pas toujours être facile de jongler entre les cours et les entraînements…

MR : C’est vrai que l’aspect professionnel est très attirant, surtout quand je suis revenu en France pour les U20 où il y avait 90% de notre génération qui était déjà pro. C’est sûr que c’est l’objectif et en plus de ça, c’est un mode de vie qui est vraiment trop cool parce que tu as juste à jouer au basket. Tu n’as plus cette pression de te dire “je dois me préparer pour mon match mais en même temps j’ai un DM pour demain donc il faut que j’avance.” Donc ça c’est la partie positive avec le côté pro mais vivre sur un campus ça reste une expérience humaine qui m’apporte beaucoup personnellement. Je ne regrette pas du tout d’avoir passé 4 ans ici. À moins d’avoir déjà une vie de famille, le monde professionnel ça isole beaucoup. Si tu joues en NBA par exemple, tu es loin de chez toi la moitié de la saison et pendant 8 mois de l’année tu ne fais vraiment que ça. Personnellement, il y avait aussi cette idée d’avoir des étapes dans ma vie individuelle aussi. Mais maintenant oui, je suis arrivé au moment où j’ai envie d’être pro et j’ai hâte de passer au niveau supérieur l’année prochaine.

TT : Parlons un peu du terrain. La saison dernière, tu as été élu MIP de la Pac-12. Cette année, tu t’affirmes comme le leader de ton équipe et tu collectionnes les gros double-doubles. Tu as même été désigné National Player of the Week au mois de novembre. Ça fait quoi de porter de telles responsabilités ? C’est quelque chose de nouveau pour toi ?

MR : Oui c’est nouveau dans le sens où l’année dernière tout ce que j’avais à faire c’était de faire mon job, c’est-à-dire prendre des rebonds, mettre des points et poser des bons écrans. On avait énormément de seniors ou de 5è année [exception COVID, ndlr] et ils sont tous partis parce qu’ils ont été diplômés. Donc là, ce qui m’a un petit peu surpris c’est à quel point les gens te regardent. Vu que t’es l’un des plus vieux de l’équipe et qu’en plus de ça t’es le joueur avec le plus de usage rate, naturellement ils vont regarder ce que tu fais. Et c’est vrai qu’au début je me sentais pas forcément légitime et il fallait que je m’y habitue. Il fallait que mentalement et physiquement je prenne cette place-là. Mais notre nouveau coaching staff et en particulier Kyle Smith ont vraiment pris le temps de parler avec moi pendant l’été pour me dire que maintenant je suis le leader de l’équipe et qu’il faut que j’agisse en tant que tel. Donc évidemment c’est plus exigeant. Il faut que tu sois celui qui ramène l’énergie à chaque entraînement, que tu sois toujours celui qui commence tous les drills, qui pousse les gars et qui leur dise quand ils font des choses pas bien. C’était quelque chose que je n’avais pas forcément réalisé quand je n’étais pas dans cette position mais ça s’est plutôt bien passé et je pense que l’équipe a plutôt bien réussi à faire cette transition. J’aime passer du temps avec mes coéquipiers et j’aime que tout le monde se sente bien donc je pense que c’est un job qui me va plutôt bien. Les performances sur le terrain ont suivi aussi parce que on a commencé la saison en 6-0. C’est le meilleur début de saison de Stanford depuis que je suis ici. Au-delà de ça, j’ai commencé à faire des super matchs. Je suis premier du pays en rebonds et 5ème au scoring [interview réalisée le 30 novembre 2024, ndlr], je suis premier en double-double. Naturellement, ça te donne plus de crédibilité et ça me donne plus de confiance. Pour l’instant ça passe bien donc on va essayer de continuer comme ça.

Maxime Raynaud (Stanford) lâche une perf XXL contre UC Davis. 🇫🇷🌲

🔹 33 points (career-high)
🔹 14 rebonds dont 8 offensifs
🔹 13/26 au tir
🔹 5/10 du parking

4è double-double consécutif et le Cardinal reste invaincu (4-0).

Vivement la suite ! pic.twitter.com/L4AEE0foAy

— Benoît TrashTalk (@We_Want_Tacos) November 18, 2024

TT : Tu es un leader vocal qui s’exprime aussi en dehors du terrain ?

MR : À mort. Sur le terrain, c’est clair parce que la manière dont on joue, tout passe par moi de manière naturelle. Dans le vestiaire, je ne suis pas forcément celui qui parle le plus, pour faire des blagues ou, pour chambrer. Ça je pense que tout le monde le fait très bien. Mais dès qu’il y a des joueurs qui sont en difficulté ou qui se posent des questions même en dehors du basket sur la vie sociale ou comment s’organiser avec les cours, j’ai ce rôle de transmission. Je passe beaucoup plus de temps avec les jeunes. J’essaie d’être ce rocher, cette personne vers qui les gens peuvent venir poser des questions ou même se plaindre. Je porte vraiment beaucoup d’attention au fait que tout le monde se sente bien et dans un environnement où ils peuvent performer et être contents et j’espère que ça les aide le plus possible.

TT : Tu disais tout à l’heure que tu te sentais plus observé cette année. Avec tes bons résultats, ton nom est en train de monter dans les mock drafts. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu penses beaucoup au quotidien ou tu préfères te concentrer sur ta saison avec Stanford ?

MR : Non pas forcément. Évidemment, ça fait du bien à ton ego mais c’est tellement tôt dans la saison. J’ai l’impression qu’en début de saison toutes les mocks draft sont juste basées sur la hype des saisons d’avant. À mon avis, la seule mock draft qui compte c’est celle qui tombe deux semaines avant la Draft. Donc pour l’instant je ne m’en préoccupe pas et la seule chose dont je me préoccupe vraiment c’est de voir Stanford gagner. Après, j’ai envie d’être le meilleur rebondeur du pays, donc ça c’est quelque chose que je check une fois toutes les deux semaines juste pour voir si je suis toujours premier mais c’est plus des objectifs perso. C’est vraiment en te concentrant sur ton taf et en étant régulier dans ce que tu peux apporter à ton équipe que tu vas obtenir le plus de choses. C’est super d’avoir conscience du bruit extérieur et des gens qui commencent à te dire que tu joues bien, ça booste ton ego, mais il faut aussi savoir faire la part des choses dans le sens où ça peut être le cas pendant un mois, et puis après tu as un mois où tu ne joues pas bien du tout et il faut savoir séparer. J’essaie de trouver cet équilibre.

TT : D’une manière générale, est-ce que tu vois plus de scouts NBA venir pour t’observer ?

MR : Oui un petit peu quand même. Les scouts viennent tous les ans. Pendant la présaison, il y a toujours un ou deux scouts à chaque entraînement. Ensuite, une fois que les matchs de Conférence commencent, c’est là où les scouts commencent à revenir parce que le niveau s’élève un petit peu. Je ne sais pas s’il y a plus de scouts qu’avant, mais je peux dire que maintenant les scouts viennent probablement plus pour moi. C’est vraiment quelque chose que j’essaie de ne pas regarder. J’essaie vraiment de me rappeler que je ne joue pas pour un scout, je joue parce que je kiffe le basket et je travaille parce que je kiffe la compétition et que je veux être le meilleur possible. Donc c’est plus sur ça que je vais me concentrer plutôt que sur les scouts. Après, si tu es en 30-15 devant eux, ça a plus de gueule que si t’es en 10-2 mais tu contrôles pas tout.

TT : Tu ne vas pas y couper dans les interviews avant la Draft, alors autant commencer à te préparer avec nous. Comment décrirais-tu ton jeu ? Un stretch-five avec un bon QI basket et des qualités de passeur mais aussi une présence dissuasive en défense avec pas mal d’interceptions, on est bon ?

MR : Je pense que c’est bien décrit. La première caractéristique c’est défensif dans le sens où je suis un très bon rebondeur. Je pense que le plus important dans la manière dont il faut se décrire c’est de citer des trucs où, peu importe si c’est un bon jour ou un mauvais jour, ça va se passer à chaque fois. Et je pense que les rebonds c’est un truc où, peu importe si je suis à 0/15 ou 14/15 au tir, je vais prendre 13 rebonds par match et ça va être le cas. Donc très bon rebondeur et ensuite offensivement un stretch 5 qui peut shooter, je suis à 40% [à 3-points] je pense, ce qui est pas mal. Mais je pense que je suis aussi très bon en scoring intérieur et j’ai un très bon toucher. Donc force intérieure en terme de scoring, stretch-five, rebond, et ensuite après, je pense que j’ai de plus en plus de double team qui commencent à être envoyées sur moi, donc j’apprends plus à me servir de la passe. Je pense que je suis pas mauvais du tout à ça. Les années précédentes, j’étais pas forcément un très bon shot blocker, j’avais pas beaucoup de steals, et j’ai l’impression que cette année ça le devient beaucoup plus. Cette année je suis à 1,7 steal par match et ça fait 3 matchs de suite que je suis à 2 contres, donc j’essaie de progresser à ce niveau-là. Mais ouais je pense que les 3 mots pour me décrire c’est plus rebond, stretch-five et interior offense.

Maxime Raynaud porte Stanford face à Northern Arizona. 🇫🇷

🔹22 points
🔹9/13 au tir
🔹11 rebonds

3 matchs, 3 victoires, 3 double-doubles.

Le Cardinal engrange de la confiance avant les premiers gros rendez-vous du mois de décembre.pic.twitter.com/2OUvTWiC9E

— Benoît TrashTalk (@We_Want_Tacos) November 13, 2024

TT : Quels joueurs t’inspirent le plus dans ton jeu ?

MR : J’aime beaucoup ce que Sabonis fait. Je kiffe son jeu, il est vraiment très très fort. J’adore la manière dont Sacramento joue, où ils lui donnent la balle sur le high post et il y a des split actions de chaque côté. Ses skills sont assez incroyables. La manière dont il réussit aussi à alterner l’inside et l’outside c’est très fort je trouve. Au-delà de ça, je pense qu’il est aussi le cœur de son équipe. Ces dernières années, quand Sacramento a commencé à bien progresser, il a montré qu’il était prêt à donner son corps pour son équipe. Sinon, je suis quelqu’un qui aime partager ses émotions. Je suis très émotionnel quand je joue et du coup des mecs comme Kevin Garnett, ça me fait trop kiffer. Un mec qui prend la balle, qui commence à taper avec son front, c’est un truc ça me fait kiffer.

TT : Il y a un joueur que tu aimerais particulièrement affronter en pro ?

MR : Peut-être Victor [Wembanyama] ou même Armel [Traoré] puisque maintenant il joue avec les Lakers. C’est des gars avec qui j’ai joué à l’époque, c’était des potes à moi et je kifferais beaucoup jouer contre eux.

TT : Tu as l’occasion d’aller voir des matchs NBA à San Francisco ou même à Los Angeles pendant la saison ?

MR : Ouais, carrément ! Je suis allé voir Armel jouer en pré-saison. Il m’avait filé des tickets donc je suis allé le voir et j’y vais de temps en temps. On est allé voir Memphis – Golden State la saison dernière. J’y vais aussi pour voir des amis qui habitent là-bas. C’était Thanksgiving cette semaine, donc il y a pas mal d’événements qui se passent. J’ai pas la chance de rentrer chez moi pour Noël, parce qu’on est en pleine saison. Généralement, ils nous donnent 48 heures pour faire ce qu’on veut, sauf que moi rentrer en France et repartir ça me prend 48 heures donc je vais passer Noël à L.A. avec un de mes amis de Stanford. C’est vrai que rencontrer des gens de la Bay Area ça te permet d’aller à plein d’endroits. J’avais un coéquipier qui venait de Sacramento il y a deux ans et j’avais passé Noël chez lui à l’époque. On était allés voir un match des Kings aussi. En saison on a un petit peu moins temps mais une fois que la saison est finie et que tu as plus de temps ouais bien sûr je pense qu’explorer c’est important. Je suis parti aux US, c’est pas juste pour rester dans ma chambre pendant quatre ans. Un de mes objectifs cette année c’est de me balader un peu pour visiter à chaque fois qu’on va dans une nouvelle ville. Je connais un peu les villes du Pac-12 mais maintenant qu’on va en ACC ça va être différent, on va voyager un peu sur la Côte Est. Je veux tirer le max de l’expérience et me faire de bons souvenirs.

La seconde partie de l’entretien avec Maxime Raynaud est à retrouver demain, et elle aura un fort accent français.


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