La Trent Tucker Rule : histoire d’un shoot qui a modifié les règles du basket
Le 15 janv. 2024 à 11:26 par Nathan Maguer
Trent Tucker a inscrit 6 236 points en carrière… qui n’ont pas nécessairement marqué la Ligue. Exception faite pour 0,048% de ces points, c’est-à-dire 3 petits pions qui resteront dans l’histoire de la NBA. Le calcul peut paraître tiré par les cheveux mais introduit bien la Trent Tucker Rule puisqu’aujourd’hui, on parle de dixième et de virgule. Retour sur le tir qui a changé les règles de l’horloge NBA pour toujours !
Trent Tucker est un arrière des années 80 et du début des années 90. Drafté à la 6è place en 1982 par les New York Knicks, il va très vite se distinguer par sa capacité à shooter à longue distance et avec de très bons pourcentages. Dès ses premières saisons, il tourne ainsi à plus de 40% à 3-points, en en prenant moins de 1 par match. Bienvenue au milieu des années 80. En 1986, il participe au premier concours à 3-points de l’histoire mais il est battu par Craig Hodges en demi-finale.
C’est donc un excellent shooteur longue distance pour cette période et ce n’est pas banal, puisque c’est également un shoot derrière l’arc qui va le faire entrer dans l’Histoire de la NBA.
Nous sommes en novembre 1989 et cette saison-là, grosse nouveauté car la Ligue inaugure les dixièmes de secondes sur les horloges. Déjà présents en Europe, c’est un changement majeur pour la précision du temps en NBA. Et ce système va être passé au révélateur rapidement pendant la saison. Le 15 janvier 1990, les Knicks de Patrick Ewing reçoivent les Bulls de Michael Jordan au Madison Square Garden, dont les horloges possèdent évidemment les dixièmes de seconde, l’an 2000 se rapproche.
Le match est très serré et avec 4,6 secondes à jouer le score est de 106 partout. Balle aux Knicks. Scottie Pippen fait faute puisqu’il en restait une aux Bulls et cette fois, le score est toujours à égalité mais avec seulement 0,1 seconde à jouer. Temps-mort pris par Stu Jackson pour dessiner un système destiné à une claquette ou un dunk de Pat Ewing. Michael Jordan, initialement au marquage de Trent Tucker, va le laisser pour défendre sur le pivot new-yorkais. Normal. Y’a plus le temps. Mark Jackson n’a plus de solution si ce n’est ce bon Trent qui se propose et envoie une filoche de l’espace avec 1 dixième de seconde restant au chrono. Le tir est accepté par Paul Mihalak et Ronnie Nunn, les Knicks se cassent au vestiaire pour éviter que les refs ne reviennent sur leur décision.
C’est donc là la genèse de la règle, mais elle va vraiment s’instaurer grâce à Phil Jackson. Car le Zen Master va se plaindre et déclarer que le shoot ne peut pas avoir été pris dans les délais. Selon lui, 0,1 seconde ne serait pas suffisant pour déclencher un tir.
“Je ne vois pas comment tu peux shooter en un dixième de seconde. Le seul moyen c’est de le volleyer ou de le pousser. Tout le monde le sait. C’est logique. Je suis là depuis longtemps. C’est tout ce que je veux dire. C’était un beau match. […] Je n’ai mis personne sur lui (Tucker, ndlr). On sait que tu ne peux pas shooter en 0,1 seconde. On pensait à une passe lobée ou un tip-in”.
’90 MLK game Bulls/Knicks Trent Tucker shoots a 3pter with .01 for a game winner,this begins the NBA’s improbable attempt to get it right.
— Phil Jackson (@PhilJackson11) January 18, 2016
Au fond, tout le monde est d’accord puisque le coach des Knicks himself a dessiné son play pour un lob. La protestation est logique et va faire écho chez Rod Thorn, vice président des opérations basket et ancien GM des Taureaux. Il était présent au match avec David Stern et les deux homes vont s’interroger.
Clamant qu’il est physiquement impossible de faire ce que Tucker a fait, Thorn va prendre le parti des Bulls. Il va alors faire des tests avec des joueurs des Nets et des… Knicks pour décider du chrono minimal pour qu’un tir puisse compter. Et ils vont décider que, désormais, la limite sera posée à 0.3 seconde.
La Trent Tucker Rule est née. Toute tentative de shoot avec moins de trois dixièmes sur l’horloge ne sera pas valable sauf s’il s’agit d’un dunk ou d’une claquette. Ironiquement, le shoot de l’arrière des Knicks n’a jamais été annulé…
La Trent Tucker Rule va s’appliquer dès la saison 1990-91 et sera notamment mise en avant de manière très populaire à deux reprises.
La première est très connue puisque c’est le fameux Fisher 0,4. En demi-finale de conférence en 2004, les Spurs de Duncan mènent d’un petit point à 0,4 seconde de la fin du Game 5 face aux Lakers grâce à un énorme shoot de leur leader silencieux. Remise en jeu, Derek Fisher envoie un shoot miraculeux sur la tête de Manu Ginobili, traumatisant tous les fans de San Antonio au passage. 0,4 étant supérieur à 0,3 (jure), le shoot est accordé et les Angelinos remporteront la série un match plus tard. L’histoire est bien faite puisque ce jour-là… Phil Jackson est le coach de ces Lakers.
Un deuxième exemple de l’utilisation de cette règle ? Le 20 décembre 2006 avec un buzzer-beater de David Lee. Les effrayants Charlotte Bobcats mènent sur le parquet des… Knicks’hi, lstoire est décidemment très bien faite. Avec 0,1 seconde au chrono, les Knicks ne peuvent faire qu’une claquette sur la remise en jeu et c’est très exactement ce qu’ils vont faire. Le pivot de New York réussit à rentrer le shoot et fait honneur au créateur de la Trent Tucker Rule en faisant gagner un match aux Knicks, au MSG, avec un dixième à jouer, la boucle est bouclée.
A noter que lors de la création de la WNBA en 1997, les dirigeants ont directement instauré cette règle. En FIBA cela a pris plus de temps mais finalement, en 2010, on a ajouté La Trent Tucker Rule à l’article 16.2.5 pour une unicité.
Rares sont les joueurs dont le nom est inscrit à tout jamais en NBA. Trent Tucker fait clairement partie de ces noms grâce à son shoot qui a créé une règle encore utilisée à l’heure actuelle, qui a complètement modifié la façon de gérer les dernières secondes d’un match !