Le billet d’Alex : James Harden, les Clippers ou le système, quel est le problème ?

Le 11 nov. 2023 à 20:05 par Alexandre Martin

James Harden 7 novembre 2023
Source : NBA League Pass

Il y a seulement trois semaines, la grande ligue s’apprêtait à lancer dans une nouvelle saison. On se demandait si les Rockets avaient bien fait de mettre autant d’argent sur Fred VanVleet, on s’inquiétait pour le groupe Sixers au vu des remous de l’été autour de James Harden. On n’imaginait pas les Grizzlies galérer ainsi d’entrée. L’équilibre du collectif Mavs pouvait paraître incertain. Le groupe Clippers lui, semblait (enfin) prêt à réussir une belle saison…

Tout va tellement vite en NBA. 

Ce matin, devant le replay du Mavs – Clippers de la nuit dernière, je me suis d’abord fait surprendre positivement par les hommes venus de Los Angeles. Première possession et première tentative pour Dallas : un tir en déséquilibre de Kyrie Irving qui a fini en brique car très bien contesté par Russell Westbrook. Concentration. Vient dans la foulée, la première attaque des Clippers. James Harden balle en mains, il prend l’écran de Kawhi Leonard. Switch défensif côté Mavs et Kawhi se retrouve au poste avec Irving dans son dos. Harden identifie la mismatch et sert son ailier. Kawhi marque facilement deux points par-dessus les 188 centimètres de l’oncle Drew. Simple. Grant Williams à 3 pts dans le corner. Raté. Rebond James Harden qui monte la balle au pas de course mais se la fait piquer par Derrick Jones Jr venu de derrière. Ça repart dans l’autre sens avec Doncic qui a devant lui Kawhi et Paul George. Le Slovène rate son runner. Rebond Paulo. Attaque des Clippers, Kawhi crée une brèche et en profite pour servir Harden laissé ouvert à trois points dans l’aile. Ficelle. Deux ratés texans plus tard, c’est encore l’ami Leonard qui mène l’offensive. Il attaque le cercle face à Derrick Jones Jr, qui défend bien mais fait une petite faute que le MVP des Finales 2019 ne manque pas de transformer en panier plus la faute. 8-0 Clippers et 1 minute et 38 secondes de jeu. 

C’est une entame de match rassurante après trois défaites de suite depuis le trade d’Harden dont les deux dernières avec le barbu sur le terrain mais moins de 100 points marqués à chaque fois. On y croit côté Clippers. Quelque chose d’intéressant est en train de se passer. Sauf que les Mavs sont en confiance. Ils développent un vrai fond de jeu aussi agréable à regarder qu’efficace en ce début de saison. Ils accélèrent le rythme, commencent à rentrer des tirs et recollent très vite au score. Le 1er quart se termine. 33 – 30 Clippers. C’est dans le deuxième quart que les hommes de Tyronn Lue vont s’effondrer sous les coups de boutoir d’un Luka Doncic (encore) historique et de Mavs trop solides pour une équipe californienne qui apparaît soudainement très friable, pleine de faiblesses des deux côtés du terrain. 47 à 18 pour Dallas sur ces douze minutes. Le match est plié, la seconde mi-temps ne sera qu’un long garbage time. Lue ne fera pas jouer une minute à ses titulaires dans le dernier quart… 

À peine le gong final de ce calvaire Angelino avait-il sonné que Brian Dameris la jouait Targaryen. Et il n’a pas besoin de dragons pour cracher du feu. L’analyste de Mavs TV pour Bally Sports, nous a envoyé une tirade au vitriole sur James Harden. La bride lâchée et les mots bien pesés, Dameris a enchaîné les jolies punchlines nous rappelant que la NBA est une ligue sportive mais aussi un spectacle voire un spectacle avant d’être une ligue sportive. C’est selon. Dameris a terminé son couplet de deux minutes adressé à Harden par ces mots : “Tu n’es pas The Beard, tu n’es pas le système, tu es le problème”. Violent. Toujours est-il que Dameris s’appuie sur des faits constatés et d’autres éléments dont la clarté est moins évidente que ce qu’il suggère. De plus, son raisonnement est simpliste et on revient là-dessus dans quelques lignes. Car avant, il faut souligner que cette diatribe soulève un point indéniable concernant la carrière de James Harden, notamment sur ce qu’elle devient depuis trois ans et sa demande de départ de Houston. L’arrière gaucher des Clippers doit arrêter de penser que le problème vient des autres. Une remise en question de sa part semble nécessaire tant il trimballe avec lui, d’équipe en équipe, une certaine inaptitude mentale à la gagne. Pour gagner, il faut donner et pas juste des passes décisives. Pour gagner, il faut des sacrifices, il faut de la volonté, du courage, l’envie de défendre. Pour gagner, il faut être concentré et discipliné quand ça compte vraiment. Le talent ne suffit pas. Du haut de ses 34 ans, le Barbu ne l’a visiblement toujours pas compris. Pour autant, réduire l’absence de titre des équipes menées par James Harden à “James Harden est le problème” reste un raisonnement simpliste et inadapté à la NBA actuelle.

Tout aussi incroyable que soit son animation offensive, Mike D’Antoni n’a jamais coaché une équipe championne. Et jusqu’à preuve du contraire, Russell Westbrook ou Chris Paul n’ont pas eu plus de réussite sans Harden à leurs côtés.  Donc Harden fautif : bien sûr. Avec ses demandes de transferts à répétition dès que tout ne va pas comme il le souhaite et cette manière de rejeter la faute sur les autres, il tend le bâton des punchlines pour se faire battre (verbalement). Mais, oui il y a un “mais”, James Harden ne peut pas être le seul à prendre la sauce alors que les Clippers sont aussi responsables que lui dans ce qui se passe lors de ce début de saison. M. Dameris a parlé de système. Il ne croit pas si bien dire. La NBA en est un. Un système qui se base de plus en plus sur la starisation des joueurs. Même quand ces joueurs stars deviennent de véritables divas sans vrais résultats autres que financiers, ils continuent d’être choyés, d’être très bien payés et de voir leurs désirs exaucés. James Harden a voulu Brooklyn, il a eu Brooklyn mais, James Harden ou pas, Sean Marks n’a-t-il simplement pas fait une grosse erreur en faisant venir une troisième star alors qu’il en avait déjà deux dans son roster ? James Harden a voulu Philadelphie, il a eu Philadelphie. Souvenons-nous à l’époque que les Sixers et Daryl Morey étaient très contents de se séparer de Ben Simmons dans l’affaire. Ils n’ont pas juste fait venir Harden pour céder à son caprice, ils se sont rendus un service. Enfin c’est ce qu’ils ont cru. Et les Clippers, qu’ont-ils cru ? Qu’une équipe qui démarrait plutôt bien la saison et était, pour une fois, au complet devait être coupée dans son élan par un blockbuster trade ? 

En fait, le cas James Harden est symptomatique d’un mal qui frappe beaucoup de franchises NBA depuis quelques années : le manque de temps ou, du moins, la sensation de ne pas en avoir. Les fenêtres de tir pour le titre sont courtes, c’est un fait. Elles sont furtives aussi. Quand elles sont là, il ne faut pas les manquer. Pour cela, il faut s’y être bien préparé. Récemment, les Nuggets, les Warriors ou les Bucks nous ont prouvé que la préparation est aussi importante que la fenêtre de titre en elle-même. En 2021, menés 2-0 en Finales, les Bucks ont su trouver les ressources nécessaires pour retourner la situation. Mentalement ils étaient les plus forts. En 2022, les Warriors sont arrivés au complet en Playoffs ce qui ne leur était pas arrivé depuis deux ans. Avec toute leur expérience et la qualité de leurs joueurs, ils savaient que c’était une chance à exploiter tout de suite et ils ont fait ce qu’il fallait pour aller au bout. En avril dernier, les Nuggets sont arrivés en Playoffs après une régulière maîtrisée et avec de belles certitudes. Ils ont saisi cette occasion. Nikola Jokic a dominé, Jamal Murray aussi et dans leur sillage, c’est tout le collectif de Denver qui a écrasé les Playoffs. Les Clippers 2023-24 étaient à trois victoires pour une défaite après quatre matchs. Il ne manquait que Marcus Morris à leur effectif. Les deux stars, Kawhi Leonard et Paul George, avaient l’air en forme et prêtes à monter en puissance, les role-players aussi. Tyronn Lue pouvait enfin travailler sur des bases saines et faire de ces Clippers le contender qu’on attend depuis l’été 2019. 

La question reste donc entière : pourquoi les Clippers ont-ils cédé à ce trade plein de hype mais vide de sens ? Les dirigeants ont-ils vraiment pensé que James Harden allait bonifier le groupe au point de se priver de l’expérience et de la défense de gars comme Covington et Batum, sans parler de leur impact mental à l’intérieur du groupe. Sans parler de l’impact sur un jeune comme Terance Mann ou sur le rôle offensif de Paul George. Les Clippers ont voulu ajouter une star tout de suite là où les trois derniers champions ont montré qu’il valait mieux être patient, bien préparé, prêt à s’engouffrer dans la fameuse fenêtre quand elle s’ouvre. De là à dire que l’arrivée de James Harden ferme la fenêtre plus qu’elle ne l’ouvre, il n’y a qu’un pas qu’il est difficile de franchir dès aujourd’hui. Une superteam peut gagner un titre si elle se met à fonctionner, si chacun y met du sien. Il reste beaucoup de matchs. Trop de choses peuvent encore se passer mais on a du mal à y croire. Ça sent mauvais. Ça sent la loose. Une odeur qui suit un peu trop James Harden dernièrement et qui ne veut pas lâcher les Clippers. 

Le joueur est à blâmer. Son attitude et sa mentalité gâchent certainement son talent. Finalement, il ne fait que jouer le jeu et profiter d’un système qui le nourrit. On se demande ce que va faire James Harden dans quelques mois si l’expérience à Los Angeles tourne au vinaigre. On peut aussi se demander ce que feront les Clippers dans ce cas. De là à y voir un problème…


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