Victor Wembanyama aux Spurs, le point tactico-technique

Le 05 juil. 2023 à 17:55 par Antoine Demaegdt

Victor Wembanyama
Source image : Youtube

Le 22 juin dernier, Adam Silver a réparti tous les rookies au sein de leur maison respective. Chez TrashTalk, on a décidé de faire un point tactico-technique pour le top 10 de cette Draft 2023 ! L’objectif ? Entremêler profil et environnement des 10 premiers joueurs sélectionnés, en se projetant aussi bien sur leur apport collectif que leur développement individuel. On boucle la boucle avec notre pépite nationale Victor Wembanyama. Comment peut-il se développer à San Antonio ?

Si vous ne connaissez pas bien le joueur, vous vivez sûrement dans une grotte par ICI le profil fait maison !

Toutes les bonnes choses ont une fin, alors finissons en beauté avec Victor Wembanyama ! Le jeune français, n°1 de la Draft 2023, est présenté comme l’un des prospects les plus talentueux de l’histoire. Un profil si unique qui rend ridicule toute comparaison… Si Victor semble tout avoir pour réussir en NBA, qu’est-ce qu’il vaut en vrai ? Vous commencez à connaitre la chanson… C’est l’heure de l'(H)expertise !

La fiabilité : un plancher défensif de haut niveau

Waaouh il dribble comme un meneur alors qu’il fait 3 mètres ! Oui c’est vrai, et c’est assez flippant d’ailleurs. Mais la vraie fiabilité de Victor Wembanyama est principalement défensive. Sa présence sur le terrain change littéralement le visage d’une défense. Déjà, il mesure 224 cm, ça aide pour gêner les petits malins qui cherchent des paniers faciles dans la raquette. Ensuite il possède une envergure de… 243 cm. C’est plus long qu’une Renault Twizy, pour ceux qui fonctionnent à l’image. Et si on rajoute sa mobilité, due à son faible poids pour sa taille, on arrive tout de suite sur du protecteur de cercle déjà élite en NBA. Pour se donner une première idée de l’impact du bonhomme, il suffit de regarder son pourcentage de tir contré lorsqu’il est sur le terrain (Block Percentage) :  on est à… 10% en Betclic Elite. En français, ça donne quoi ? Victor Wembanyama a contré en moyenne 1 tir tenté sur 10 de l’équipe adverse cette année. C’est deux fois plus que Jaren Jackson Jr. cette année par exemple, le DPOY en titre. Même si ce n’est pas réellement cohérent de comparer le championnat français à la NBA, cela n’enlève rien aux qualités défensives de Victor qui risque de finir un bon paquet de fois dans les top 10 de la nuit, pour toutes les crêpes qu’ils va poser sur les driveurs les plus courageux.

Même loin du ballon, Victor a fait pas mal de progrès au cours de cette saison. Parfois dissipé sur des coupes qui arrivaient dans son dos, ou sur un drive sur lequel il pouvait avoir du retard, il a su gagner en concentration pour améliorer ce secteur de jeu. Wemby lit beaucoup mieux les lignes de passes en provoquant beaucoup plus d’interception. Et il se projette dans un meilleur timing pour contrer en second rideau, lorsqu’un copain se fait manger au large et que son vis-à-vis fonce vers le cercle. Une stat pour illustrer son progrès défensif sans ballon ? Il est passé de 4,9 fautes la saison dernière à 2,2 cette année sur 36 minutes : la propreté est bien meilleure, même si les exigences de timing sont encore différentes en NBA.

Toute cette assurance défensive ne pourra que faire du bien à San Antonio, puisque les Spurs sont la… 30ème défense NBA cette saison. D’autant plus depuis le départ de Jakob Poeltl, principale menace du secteur. C’est un peu le tapis rouge dans la raquette, par manque de protecteur de cercle dans le roster. L’arrivée de Wembanyama va pouvoir immédiatement apporter une identité à cette équipe qui perdait énormément de match par sa défense.

Surtout que des joueurs comme Jeremy Sochan par exemple peuvent être parfaitement complémentaires à Wemby pour venir faire des aides dans le bon timing. En se plaçant comme l’ancre défensive de la raquette, Victor va sublimer le jeu défensif de certains de ses coéquipiers en leur octroyant un droit à l’erreur. Sur pick-and-roll, il offre la possibilité tactique de défendre aussi bien bas dans la raquette pour protéger le cercle (Drop), que haut sur le porteur de balle grâce à sa mobilité (Hedge). Bon, si on fait le bilan, pas de quoi non plus devenir une top 5 défense à lui tout seul pour l’instant, mais sachez que le spot TTFL de San Antonio risque de perdre pas mal de valeur…

L’inquiétude : les missions traditionnelles du “pivot”

Lorsqu’on commence à réfléchir sur le profil de Wembanyama, on se rend compte que la complémentarité de son binôme intérieur peut avoir pas mal de valeur. L’associer à un intérieur costaud, tout en le décalant en 4, peut être une solution défensive intéressante, mais pas facile de rentabiliser offensivement, surtout aux Spurs… Donc Victor risque de pas mal se coltiner les différentes missions qu’on attend d’un pivot traditionnel. Sauf qu’il n’est pas un pivot traditionnel. On a tous en tête, par exemple, cette séquence virale qui a donner pas mal d’eau au moulin des plus sceptiques :

Imagine what an average NBA center will do to this kid pic.twitter.com/BI9KgnskYl

— Rockets Enjoyer (@rockets_enjoyer) June 18, 2023

Bon… Plusieurs choses. Déjà, le jeu sur post-up est très peu présent dans la NBA d’aujourd’hui. Certes le centre de gravité de Wemby est très haut, ce qui le désavantage pour contenir la barbaque qui l’enfonce, mais les situations dos au panier comme celle-ci représentent moins de 5% des possessions dans la Grande Ligue, ce qui minimise pas mal leur impact. En plus de ça, on peut rajouter que les défenses NBA, habituées à défendre du Jokic ou du Embiid, ont de plus en plus tendance à venir aider sur le poste bas pour tenter des prises à deux, ou simplement gêner le tir. Et si on ajoute à ça le fait que peu de pivot aujourd’hui ont la technique et le physique suffisant pour être efficace au poste bas, on est tout de même face à plus de peur que de mal. Évidemment, Victor devra prendre des kilos en NBA pour muscler sa défense et absorber un peu mieux les contacts, mais pas tant que ça non plus pour ne pas dénaturer son jeu si particulier. Donc oui, Victor risque de prendre des mixtapes contre Joel ou Nikola, mais comme tout le monde en fait.

Ce qui est un peu plus embêtant dans le fait de décaler Wemby en vrai 5 à San Antonio, c’est le fait qu’il ne soit pas encore un très bon rebondeur par rapport à ses mensurations. Quand on se dit que le gars peut câliner une voiture sans permis, on s’attend à un Dyson haut de gamme au rebond, mais ce n’est pas vraiment le cas. Victor manque encore un peu de discipline pour s’engager pleinement dans la bataille de rebond. Cela est surtout dû à son manque de robustesse dans la peinture certes, mais Wemby peut clairement gagner en attention à ce niveau là, et on compte sur coach Pop pour lui tirer les oreilles là-dessus.

Mais qui dit grosses responsabilités offensives en protecteur de cercle, dit également exposition aux fautes. On l’a dit, Victor s’est amélioré dans ce secteur, mais le jeu NBA va bien plus vite, avec un standard d’athlète différent. Bien que le gratte-ciel tricolore possède des mensurations qui réduisent pas mal les écarts, il ne faudra pas être trop en retard en se faisant sanctionner par la patrouille. Le genre de choses qu’il apprendra à terme, et qui ne sont pas vraiment des inquiétudes, mais qui peuvent un peu l’embêter en début de carrière.

Le point de bascule : une sélection de tir adapté et un 3-point fiable

Oui, ce qui fait que Victor Wembanyama est un véritable alien, c’est le fait de dribbler comme Paul George alors qu’il est plus grand que Rudy Gobert. C’est précisément en cela que l’ancien intérieur des Metropolitans est un prototype de joueur encore jamais vu au plus haut niveau. Et cette capacité de jouer comme un ailier balle en main lui permet de se créer des tirs que les superstars prennent en NBA.

On a vu pas mal de tirs du genre cette année en Betclic Elite, et le français a plutôt excellé dans l’exercice avec un encourageant 43% sur des pull-up à 2-points. Sa variété de tir, grâce à un bagage technique de haut niveau, laisse présager un potentiel de scoreur autonome très intéressant lorsqu’on prend en compte sa taille de géant. Mais une sélection de tir plus saine reste à mettre en place. Il peut parfois encore trop se faire embarquer dans la folie de ses dribbles en prenant des tirs qu’il ne semble pas vraiment maîtriser. Bien que Wemby ait tout intérêt de continuer à prendre ce type de pull-up dans le jeu intermédiaire, qui est un fond de commerce conséquent de son scoring, il faudra peaufiner les choix en capitalisant sur ses spots préférentiels. On compte sur le coaching staff des Spurs pour l’encadrer comme il se doit là-dessus.

La continuité de ce bémol se retrouve dans son tir à 3-points. Malgré les pluies de highlights, parfois même sur une jambe, Victor est encore loin d’être un sniper du parking en tournant à 28% (47/166) cette saison. Ce qui est plutôt mauvais si l’on transpose au contexte NBA. Mais il y a tout de même de quoi être optimiste à ce niveau puisqu’il a fait de gros progrès en efficacité ces dernières saisons, tout en possédant une bonne mécanique de tir. De quoi poser les fondations d’un potentiel tir lointain respectable à terme. S’il ajoute cette arme avec fiabilité à son arsenal, il ne fera que renforcer sa gravité sans ballon déjà omniprésente par son physique hors du commun. Et surtout lui permettre, si c’est pertinent, d’être aligné en 4 durant sa carrière à côté d’un pivot plus traditionnel, sans tuer le spacing en attaque.

Dernier élément de son jeu sur lequel il devra encore progresser pour atteindre son plafond : sa qualité de passe. Victor Wembanyama se définit également par un QI basket de haut niveau. Il progresse à vu d’œil dans sa capacité à créer pour les copains, avec des flashs très prometteurs à ce niveau. Surtout que cette qualité est de plus en plus nécessaire au flow offensif de la NBA moderne : si les intérieurs savent passer le ballon, le jeu peu continuer de circuler sans couper le décalage d’une action, sans revenir au point de départ du meneur par manque de solution. Wemby devra gagner en propreté pour avoir une qualité de passe réellement fonctionnelle. Mais là encore, il y a de quoi être optimiste lorsqu’on sait à quel point le basket des Spurs est axé sur le collectif. Un système de jeu qui lui va à ravir.

Après l’époque de The Beautiful Game, Victor Wembanyama tourne la page du livre des Spurs pour commencer sa propre histoire. Une équipe collective qui n’attendait plus qu’une superstar pour défendre passer au stade supérieur. L’association sportive coule de source en faisant tout le bonheur du basket français. Allez Wemby, si t’écoutes Pop et que tu prends soin de ton corps, c’est de la ligne droite vers une belle carrière NBA !

Sources : Envergure, Hoop Intellect, Thinking Basketball, Process Corporation, CleaningTheGlass, NBA.com/stat


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