Gianmarco Pozzecco, la folie dans la peau : profil du sélectionneur de l’Italie, entre passion et frénésie
Le 14 sept. 2022 à 11:37 par Alexandre Taupin
Expulsé contre la Serbie, en transe pour célébrer la qualification de l’Italie, sautant dans les bras de Giannis Antetokounmpo dans les couloirs du stade… Dire que Gianmarco Pozzecco fut l’un des visages marquants des huitièmes de finale de l’EuroBasket est un euphémisme. À quelques heures du quart de finale contre la France (à suivre en direct commenté à partir de 17h15), petit portrait du sélectionneur de la Squadra Azzurra.
Il s’agite sur le bord du terrain, hurle à plein poumon à chaque décision arbitrale contraire à l’Italie, lève les bras au ciel à la moindre action décisive d’un de ses joueurs. Lui, impossible de se tromper, c’est Gianmarco Pozzecco, le sélectionneur italien. Les uns diront qu’il est fou, les autres admireront sa passion du basket, mais tous ne pourront qu’être d’accord sur le fait que Gianmarco Pozzecco a ce quelque chose qui fait qu’on ne peut pas vraiment être indifférent en le voyant. Né le 15 septembre 1972 à Gorizia, dans le Nord-Est de l’Italie, le jeune Gianmarco baigne très vite dans l’univers du ballon orange. Normal, son père comme son frère sont basketteurs. Après avoir songé un temps à se tourner vers le football, Pozzecco dit “Poz” décide finalement de tout donner pour ce sport qui le fait tant vibrer : le basket. Doté d’une excellente vision du jeu et d’un très bon shoot, le jeune meneur ne tarde pas à faire parler de lui sur les parquets italiens. C’est au sein du club de Varese qu’il connaît ses plus belles heures en tant que joueur. Arrivé dans l’équipe en 1994 au moment de la remontée en première division, celui que l’on surnomme la “Mouche Atomique” participe activement au retour au premier plan du club. Son style de jeu, son caractère bien trempé et même son look (dont une magnifique teinture rouge vive) en font vite l’un des chouchous du basket transalpin.
L’année 1999 est celle de la consécration. Il réalise le doublé Supercoupe-Championnat avec Varèse, éliminant en demi-finale le Virtus Bologne d’un certain Antoine Rigaudeau. Son apothéose aurait dû être l’Euro 1999 en France, remporté par la Squadra Azzurra, mais ce n’est pas l’amour fou avec le sélectionneur Tanjevic. Le meneur pense mériter un rôle important dans le groupe, son coach n’est pas d’accord et il décide finalement de le laisser à la maison, probablement pour éviter de se trimballer un joueur mécontent. Mis au placard en sélection mais brillant en club, il devra attendre l’arrivée de Carlo Recalcati, son ancien coach de Varèse, pour remettre le maillot bleu sur les épaules. Privé du titre de 1999, il se rattrape avec une jolie médaille d’argent olympique en 2004 à Athènes. Si les Italiens livrent un match d’anthologie pour se défaire d’une grande équipe de Lituanie en demi, ils sont un peu courts pour vaincre l’Albiceleste en finale. Dommage quand on sait qu’ils les avaient battu en phase de groupe avec notamment un Gianmarco Pozzecco au top (17 points en… 16 minutes).
Sa fin de carrière est plus discrète et marquée une fois de plus par une prise de tête avec un de ses coachs à Bologne. De quoi le forcer à l’exil en Espagne pendant que ses coéquipiers arrachent le titre en Italie. Deux saisons en Russie et un passage dans le modeste club d’Orlandina plus tard, c’est l’heure de ranger les sneakers pour l’enfant terrible du basket italien. Poz le joueur est parti mais il va rapidement laisser la place à Poz l’entraîneur. Fini le short et le jersey, place au costume et à l’ardoise mais le personnage n’a pas changé d’un pouce pour autant. Toujours aussi passionné, toujours aussi sanguin, Gianmarco vit désormais les matchs avec la même intensité mais depuis un banc de touche. La célébration contre la Serbie a marqué les foules ? Pourtant, le principal intéressé est loin d’être à son coup d’essai. Voici par exemple la fin d’un derby entre l’équipe qu’il entraînait en 2014, à savoir son ancien club de Varese, et Cantu.
Saut dans les bras des joueurs, grosse communion avec le public, on est à la limite du tour du stade. Obtention d’un trophée, qualification en coupe d’Europe ? Non pas du tout, juste la première journée du championnat italien, et accessoirement son premier match à la tête de son ancien club. Si certains se demandent à quoi ressemble une vraie célébration made in Pozzecco, on vous renvoie aux restes de la chemise du coach en 2019, lorsque son club de Sassari remporte la FIBA Europe Cup.
Gianmarco Pozzecco’s joy after winning the FIBA Europe Cup as head coach of Dinamo Sassari.
Pozzecco ripped off his shirt to celebrate the title
(foto via Luigi Canu) pic.twitter.com/5ufbNBHwo1
— Emiliano Carchia (@Carchia) May 2, 2019
Forcément, quand on est habitué au style plus posé et calme de ses pairs, le modèle Pozzecco peut surprendre et même parfois gêner. Cette folie, cette excentricité, cette rage qu’il semble si difficilement contenir en lui, elles ne sont pas là pour faire le spectacle mais plutôt pour contaminer tout son groupe. Les images ne mentent pas, le coach et ses joueurs sont plus que liés. Au moment de son expulsion durant le troisième quart-temps, il prendra une bonne minute pour aller encourager via différents gestes chaque joueur de son équipe et l’intégralité de son staff avant de quitter le terrain en larmes, conscient que son coup de sang laissait les siens sans guide. Comme par magie, ce coup du sort va transcender les Italiens, lesquels vont donner la leçon à la Serbie sur tout le money time. Une telle réaction d’orgueil ne pouvait pas rester sans réponse de la part d’un coach prêt à tout donner pour ses protégés. Forcément, avec un spécimen comme Pozzecco cela donne des scènes un peu surréalistes comme cette altercation avec un membre du staff qui tente de l’empêcher de s’approcher du banc italien avant la fin du match puisqu’il n’a pas le droit de le faire (il a été exclu pour rappel). Pas une bonne idée vu le caractère du bonhomme.
Mdr mais en fait c’est carrément un malade : à 1mn30, Pozzecco est à deux doigts de péta son kiné qui lui, veut juste lui éviter une suspension en l’empêchant de retourner sur son banc avant la fin 😭 https://t.co/8DAa5fgFP4
— Arthur TrashTalk (@ArthurJBaudin) September 12, 2022
Et puis enfin vient le temps de la célébration, les retrouvailles avec les joueurs et les scènes de joie qui vont avec. La victoire fut XXL et connaissant la réputation du coach, on pouvait donc s’attendre à un hommage au moins aussi important. Des propos retranscrits par le site de la FIBA.
“Il ne s’agissait pas de 12 joueurs, mais de 12 lions et ils ont secoué le monde ce soir.”
La formule est belle mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin quand on est lancé ? Pozzecco avait encore quelques surprises à nous offrir comme cette petite phrase sur Nicolo Melli, l’intérieur italien. C’est cette fois la Gazzetta dello Sport qui nous livre ce doux millésime.
“Melli est le meilleur joueur du monde. Nico a un QI sensationnel dans le basket et pas seulement sur le terrain de basket. Je n’ai jamais vu quelqu’un comme lui en 40 ans de basket. Il sait toujours quoi faire dans n’importe quelle situation de jeu”.
Autant on est d’accord pour dire Nico Melli a été top sur ce match et particulièrement capital en première période, autant faut pas pousser non plus. Et oui mais le Poz aime ses joueurs et comme le dit très bien l’adage, quand on aime on ne compte pas. Voilà sans doute pourquoi le coach italien a décidé de laisser… sa carte de crédit à ses ouailles pour qu’ils puissent aller célébrer la victoire à ses frais ! Partout ailleurs on s’étonnerait probablement d’une telle initiative mais de l’autre côté des Alpes personne n’est surpris. Une folie ? Non, juste Gianmarco Pozzecco.
La France s’apprête à rencontrer le phénomène Gianmarco Pozzecco en quart de finale de l’EuroBasket et ça promet un match haut en couleur. Attachant pour les uns, fou pour les autres, le sélectionneur italien attise toutes les lumières avant cette rencontre de prestige. Ses joueurs lui offriront-ils la victoire une nouvelle fois ? Réponse à partir de 17h15.
Source texte : Gazzetta Dello Sport / FIBA