La Dream Team 1992 – 30 ans après : retour sur un légendaire scrimmage, “le plus grand match que personne n’ait jamais vu”
Le 25 juil. 2022 à 16:14 par Arsène Gay
C’était il y a trente ans. Déjà. Trente ans que les États-Unis obtenaient l’autorisation d’envoyer des joueurs NBA participer aux Jeux olympiques. Trente ans que, de ce fait, la “Dream Team” était créé. Trente ans qu’une simple équipe de basketball prenait une dimension jusqu’alors jamais vue. Records, légendes, influence… cet été TrashTalk a décidé de revenir avec vous sur toutes les histoires qui ont fait de cet effectif l’un des plus mythiques de l’histoire du sport. Sortez vos Hoverboard, montez dans la Delorean et lancez Johnny B. Goode sur l’autoradio car il est temps de revenir en 360 degrés sur ce qu’il s’est passé il y a… 360 mois. Premier épisode ? Le légendaire scrimmage entre la Team Magic et la Team Jordan.
Parmi les nombreuses histoires complètement dingues concernant la Dream Team, nous ne pouvions pas passer à côté de celle d’une rencontre rentrée dans la légende, à tel point qu’on la mentionne aujourd’hui comme “le plus grand match que personne n’ait jamais vu“.
Nous sommes le 22 juillet 1992 à Monaco. Arrivés en France depuis quatre jours, la bande à Jordan vient de remporter la veille un match amical contre la France (111-71) et s’apprête à partir pour Barcelone où elle débutera ses Jeux olympiques face à l’Angola – coucou Sir Charles – le 26 juillet. Alors à la tête de l’équipe, Chuck Daly décide en plein milieu d’un entraînement d’organiser un vrai match entre ses joueurs. L’objectif ? Augmenter l’intensité et la difficulté, toutes deux difficiles à obtenir contre Cuba (136-57) ou le Panama (112-52) par exemple. Et pour y parvenir, le coach historique des Bad Boys de Detroit va trouver une solution toute simple : mettre Magic Johnson face à Michael Jordan. Car la rivalité entre les deux superstars n’est plus à prouver. À la retraite depuis un an en raison de sa séropositivité, Johnson avait été sèchement battu par les Bulls de Michael en 1991, qui ne manque pas de le lui rappeler fréquemment. En face, le meneur des Lakers répondait habituellement en montrant ses cinq bagouzes, argument plutôt valable. C’est bien simple : les deux bonhommes se disputent la place de boss de la balle orange :
“Magic disait : “écoute, la NBA n’est pas encore à toi, je suis encore là”. Et Michael était genre : “non c’est terminé. Elle est à moi”. Et le truc marrant c’était de voir Larry, assis sur le côté qui disait : “c’est à lui [Michael Jordan, ndlr.]” (rires).” – Chris Mullin
Avant toute chose, il est important de préciser que les effectifs précis des deux teams ne sont pas connus. Seul journaliste présent sur place dans le gymnase évacué pour laisser les joueurs se la coller en toute tranquillité, Jack McCallum de Sports Illustrated raconte que Jordan faisait équipe avec Pippen, Ewing, Malone et Bird tandis que Magic se retrouvait avec Barkley, Robinson, Mullin et Laettner. Pourtant, lorsque l’on regarde les images prises par un membre du staff, on peut parfois voir Clyde Drexler et John Stockton sur le terrain alors que Bird étire son dos douloureux sur le côté. Les maillots bleu et blanc étant inversés d’une action à l’autre, on peut sans doute penser que la vidéo finale est le produit d’une fusion de deux moments bien distincts, sans doute rassemblés pour contribuer à la légende de cette rencontre. Mais revenons-en à notre rencontre justement, dans laquelle l’équipe bleue (Magic) prend très vite l’ascendant sur les blancs (Jordan). Mené 13-4 au bout de quelques minutes, Michael score à 3-points dans l’axe et avec la planche, un bon gros tir dégueulasse quoi. Saoulé par ce qu’il considère comme de la ch…ance, Johnson remonte la balle, s’arrête à huit mètres et pull-up du parking sur la tête de la star des Bulls avant de lui gueuler “right back at you” dessus. La tension est palpable, et cela rend Magic plus hype que jamais. D’ailleurs, c’est même Jordan qui en parle le mieux :
“Son énergie est à un très haut niveau, il sent qu’il a l’opportunité de prouver qu’il est encore Magic Johnson, qu’il domine encore ce jeu. […] Bien qu’il s’agisse d’un cinq contre cinq, on pouvait voir qu’à Monte-Carlo, tout cela gravitait autour de Michael et Magic.”
Très humble de parler de soi-même à la troisième personne Mike. Quoiqu’il en soit, au-delà de ce duel, c’est le mélange entre trashtalking, rivalités et jeu d’un niveau stratosphérique qui a fait la légende de ce match. Car après avoir pris un shoot de MJ sur la truffe, Clyde Drexler planche salement His Airness juste après. Après avoir pris un fadeaway par Charles Barkley, Karl Malone lui score dessus au poste. Après s’être fait contrer par Ewing, Robinson lui fait commettre 6 fautes, etc… Les légendes sont de sortie et les highlights s’enchaînent avec deux chefs d’orchestre inconscients aux commandes. Sur la vidéo au bas de l’article, on peut se rendre compte à quel point, des années après ce fameux scrimmage, Magic revit comme s’il y était ce moment. Petit à petit, dans le sillage d’un Michael en transe qui enchaîne jumper et lay-backs d’un autre monde, l’équipe blanche recolle au score et va finir par s’imposer 40 à 36. Si elles existent belle et bien grâce à McCallum, les statistiques sont totalement anecdotiques, car seul cet instant presque hors du temps restera gravé dans la tête de ceux qui viennent d’assister à cette rencontre. Toutefois, une seule retiendra notre attention ici : 11 insultes pour Magic contre 7 pour MJ, la marque des grands. Une fois la victoire en poche, Jordan va d’ailleurs se mettre à chanter “Be like Mike” de la publicité Gatorade de l’époque. L’insolence à l’état pur de la part de celui qui se souvient de cette rencontre comme celle où il s’est le plus amusé de toute sa carrière :
“C’est le meilleur match auquel j’ai jamais participé. Parce que l’accès à la salle était bloqué et on pouvait juste se concentrer sur le basketball. On a pu en voir beaucoup sur l’ADN de certains joueurs et à quel point ils voulaient gagner. Magic était fou de rage d’avoir perdu pendant deux jours.
Une petite pichenette à laquelle Johnson répondra :
“Laissez-moi vous dire quelque chose : cela aurait été pire pour tout le monde si c’est lui qui avait perdu. Parce que moi je peux laisser les trucs passer au bout d’un moment. Mais Michael ? Il ne serait jamais passé à autre chose. Il ne laisse jamais rien passer.”
Finalement, pour résumer ce que ce scrimmage représente dans l’histoire de la NBA et même du basketball en général, il vaut peut-être mieux laisser la parole à Jack McCallum :
“Je ne dis pas qu’il s’agit de la dernière génération de joueurs NBA qui s’amusait, qui jouait pour la joie que ça lui apportait, mais ce match-là n’était qu’à propos du bonheur, ce match-là n’était qu’à propos de la fierté, ce match-là n’était qu’à propos du respect. Ici, vous aviez dix des meilleurs joueurs du monde, qui étaient juste en train de se renvoyer coup pour coup dans cette salle quelconque, lors d’un matin quelconque, à l’occasion d’un entraînement quelconque. C’est cela qui a résonné en moi.”
Si l’on pouvait dire que seul un enjeu véritable manquait à cette rencontre pour devenir la plus parfaite de l’histoire, ce serait vite oublier à quel point l’honneur et la volonté de dominer l’autre ont imprégné ce scrimmage aujourd’hui devenu légendaire. “Le plus grand match que personne n’ait jamais vu” est l’une des nombreuses raisons qui font que la Dream Team est devenue mythique.
Source texte : Sports Illustrated