Hansel Emmanuel jouera en NCAA la saison prochaine : retour sur le parcours hors du commun du jeune Dominicain amputé d’un bras
Le 25 juil. 2022 à 17:58 par Nicolas Vrignaud
Jouer au basket avec un bras en moins ? Voici le quotidien d’Hansel Emmanuel, un Dominicain de 18 ans qui jouera en… NCAA la saison prochaine du côté de Northwestern State, une université de l’Illinois engagée en première division. Son rêve ? La NBA, bien sûr. Le chemin reste encore long, peut-être utopique même, mais celui déjà accompli est magnifique. Allez, retour sur une histoire hors du commun.
Le début de ce récit se passe sous les cocotiers et le soleil de la République Dominicaine. Un paradis touristique vu de l’extérieur, qui possède malheureusement ses dessous assez sombres. Plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, dans des conditions parfois très compliquées liées à la criminalité. Un exemple type ? Le quartier de San Lorenzo de Los Mina, dans la banlieue de la capitale nationale Santo Domingo. C’est dans ce contexte très compliqué que grandit Hansel Emmanuel, fils d’Hansel Salvador Donato, un joueur professionnel de basketball. La vie est loin, très loin d’être celle d’un enfant normal. La pauvreté, l’insécurité… et comme si cela ne suffisait pas, un événement va faire basculer le destin d’Hansel lorsqu’il a six ans. Un mur de parpaings lui tombe dessus, bloquant son bras gauche pendant plus de deux heures sous les gravats. Face aux dommages subis par le membre du garçon, la décision tombe : ce sera une amputation. Le coup est rude pour le fan de baseball, qu’il pratique avec ses amis dans son barrio. Avec un bras en moins, c’est non seulement la pratique du baseball qui s’arrête mais surtout une vie qu’il faut complètement repenser, apprendre à nouveau. Faire ses lacets, manger, prendre sa douche, difficile d’effectuer ces tâches quotidiennes avec un bras en moins… le tout du jour au lendemain.
Comme le baseball n’est plus une option, le jeune choisit de s’adonner à la pratique du basketball. L’équilibre est un souci au début mais rapidement, sa croissance et ses qualités athlétiques prennent le pas sur son handicap. Les terrains de street du secteur apprennent à connaître et reconnaître son talent. Le papa n’est pas spécialement chaud de voir son fiston reprendre le sport à une telle intensité, ayant assez logiquement peur qu’il puisse se blesser. Oui mais voilà, Hans est un battant et impose son nom dans le basket dominicain. À tel point qu’en 2020, une télévision nationale se déplace à Santo Domingo pour tourner un petit reportage. Le succès est total, et les réseaux sociaux deviennent très vite friands de ce gars qui dégomme les autres malgré un bras en moins. Un ancien coéquipier de son père – Moise Micael – fera remonter la story du gamin jusqu’aux États-Unis, où il officie en tant qu’entraîneur pour une école privée de Floride. Arrivé à la Life Christian Academy, Kikimita – surnom d’Hansel donné d’après celui de son père, Kikima – subit un entraînement dur et intense, dans la même lignée que ses coéquipiers car même s’il s’agit de l’équipe du pote de papa, cela n’accorde aucun passe droit en terme de basket. Lay-up raté ? Allez, c’est vingt pompes pour toute l’équipe et sans discuter. C’est d’ailleurs son coach qui raconte le mieux tout ça, dans un reportage effectué par ESPN.
“Quand il est venu pour la première fois à l’école, il y avait un entraînement. J’ai demandé à tout le monde de réussir un lay-up. Il l’a raté. Avec moi, un lay-up manqué signifie vingt pompes. Tout le reste de l’équipe était silencieux, me regardant en mode ‘qu’est ce qu’on va faire maintenant ?’. Il s’est baissé, et à fait ses vingt pompes d’un seul bras [NDLR : avec l’aide du coach]. Il a changé tout le monde dans l’équipe, chacun se disant : ‘je peux être meilleur’.”
Difficile pour lui de prendre ses marques face à des lycéens américains valides ? Mdr. Première saison en AAU (championnat lycéen) : 26 points, 11 rebonds et 7 passes de moyenne… vous disiez ? Le garçon domine, malgré des défenseurs bien logiquement focalisés sur le fait de l’emmener à gauche pour le déstabiliser. Sa grande taille – 1,96 mètre – et sa rapidité lui confèrent un avantage sur le premier appui, qui met souvent le défenseur dans le rétro. Le fait de n’avoir qu’un seul bras n’est pas un très gros handicap au tir, et il s’en sort même assez bien à mi-distance. Avec des stats pareilles et un tempérament en béton armé, le garçon fait assez logiquement baver plusieurs facs, mais pas en Division II. Non, on parle ici d’équipes de Division I NCAA qui offriront une bourse d’études et une plateforme privilégiée pour le joueur, qui rêve bien évidemment d’intégrer la NBA plus tard. Memphis, Béthune-Cook, Northwestern State et même la Overtime Elite League veulent recruter Hansel. C’est finalement chez Northwestern qu’il a signé officiellement ce week-end, voulant en parallèle du basket obtenir un diplôme. L’équipe évolue en Big Ten depuis sa création – 1896 – et sera opposée à de prestigieuses facs comme Auburn, Michigan State ou encore Indiana. Face aux meilleurs prospects de sa génération, Kikimita devra prouver qu’il a le talent nécessaire pour d’une part se faire une place dans le groupe et d’autre part être impactant sur les terrains. L’aventure commencera officiellement en NCAA le 7 novembre prochain, à la maison face à Chicago State. D’ici là, objectif entraînement et encore entraînement. L’intéressé est d’ailleurs présent à la Drew League de South Central, en plein cœur de Los Angeles. Peut-être aura t-on le luxe de l’apercevoir face à des NBAers confirmés, puisque notamment LeBron James et DeMar DeRozan ont déjà pris part à des matchs depuis le début de l’événement.
Playing in #TheDrew is a rite of passage for some of the best young hoopers in the country. @BaronDavis and BB4L brought Hansel Emmanuel out today and he’s already making noise. 😤 pic.twitter.com/sl3LUu0NX4
— Drew League (@DrewLeague) July 23, 2022
Hansel Emmanuel, cette leçon de ténacité qui montre que rien n’est absolument impossible lorsque l’on a une volonté d’acier. Bientôt en NCAA, le garçon aura le temps d’un cursus pour montrer que le rêve de NBA n’est plus seulement un rêve, mais une possibilité réelle. En attendant, on ne change pas une équipe qui gagne, alors au boulot !
Source : ESPN