L’épopée Kings 2002 – 20 ans plus tard : la fin de série contre les Lakers, et un arbitrage dont on parle encore aujourd’hui
Le 22 juil. 2022 à 18:58 par Nicolas Vrignaud
C’était il y a 20 ans, déjà. Les Kings s’offraient – sur la saison 2001-02 – la plus belle épopée de leur histoire en Playoffs, qui rentrera carrément dans la légende du basket lors de cette finale de conférence perdue contre les Lakers. Deux décennies plus tard, retour sur l’aventure d’une équipe si particulière, dont l’histoire est devenue un classique des récits pour coucher les gosses. Épisode six : la Finale de Conférence Ouest contre les Lakers, les deux derniers matchs qui font basculer la série.
Au Staples Center, ce 31 mai 2002, l’ambiance est loin d’être à la fête. Les Lakers sont menés 3-2 dans la série et semblent presque acculés face à une équipe des Kings pleine de coeur et déterminée à laver les affronts de 2000 et 2001, saisons durant lesquels ces mêmes Lakers avaient stoppé leur parcours en Playoffs. Voilà pour le contexte. Le soir du match, pas d’absent notable de quelconque côté. Tout le monde est là, les uns pour porter le coup de grâce et les autres pour sauver leur peau. Un détail qui aura son importance ? Les noms de la triplette arbitrale qui sera au sifflet de ce Game 6 importantissime : Dick Bavetta, Ted Bernhardt et Bob Delaney.
Le match commence donc, et tout de suite certaines choses marquent un peu les esprits. Le Game 5 n’a pas été objectivement une perle d’arbitrage, mais le début de cette partie est clairement un niveau au dessus en terme de décisions contestables. Par où commencer… Ah oui, Vlade Divac sera exclu. D’accord, le géant des Kings est un habitué des expulsions pour six fautes et il se coltine le Shaq’. Il faut quand même noter que certains des gestes sanctionnés sont très, très légers lorsqu’on les rapporte à la globalité de la série et même à ce qui se siffle normalement en NBA. Deuxième chose suspicieuse dans ce registre ? Scot Pollard, aka la meilleure arme défensive de Sacramento, est lui aussi exclu à cause d’une accumulation de faute. D’une c’est chelou car un défenseur de sa trempe est justement reconnu à l’époque pour la propreté de son jeu. De deux, il est sommé de sortir au bout de onze minutes seulement. Là aussi, les fautes sont très légères, pendant que de l’autre côté ce sont les standards Playoffs qui s’appliquent, à savoir ceux d’un jeu assez rugueux et dur. Pour ne rien arranger, Chris Webber est lui aussi souvent repris par la patrouille. Il ne sera pas exclu, mais vous saisissez bien qu’avec quelques fautes au compteur, la marge d’action est considérablement réduite des deux côtés du terrain.
On vous l’a dit au début de ce papier, les Kings ont du coeur. Vlade et Scot sont sortis, mais Sac-Town tient le choc et aborde le quatrième quart à égalité. 75-75 et douze minutes à jouer pour changer à tout jamais l’histoire d’une franchise. Dans cette ultime explication, l’arbitrage continue son très étrange ballet, accordant 27 lancers aux Lakers contre seulement 9 du côté des Kings. Bien sûr, il faut remettre tout cela dans le contexte car les ballons étaient majoritairement envoyés sur Shaq’ en bas, favorisant les passages sur la ligne pour les Lakers. Là encore, les Kings répondent, et arrivent dans les trois dernières minutes avec deux points d’avance (92-90) et la possession pour en ajouter à minima deux autres au compteur. Sur cette action, nouvel élément très suspect du côté des zèbres : un passage en force de Webber clairement survendu par Robert Horry est accordé. Bien sûr, la lecture et l’analyse d’un tel geste dans un laps de temps si court est très compliqué. Pourtant, le flopping paraît bien plus flagrant que la faute en elle même, et ce sont en premier lieu les commentateurs du match qui le relèvent à l’image d’un Bill Walton – alors consultant pour ESPN – très dubitatif : “C’est un très mauvais coup de sifflet“. Quelques possessions plus tard, c’est au tour de Doug Christie d’être sanctionné pour une très légère faute de main lors d’un shoot de Kobe Bryant, alors même que Chris Webber lui envoie dans le même temps un bon gros scotch des familles. Une fois n’est pas coutume, le TV Cast s’interroge à nouveau sur la validité de cette faute. Dernier fait troublant de ce match six ? Lors d’une possession pour mettre revenir à égalité, Mike Bibby est touché au visage par le coude de Kobe Bryant et s’écroule devant les yeux de Bob Delaney qui ne bronche pas. En revanche, ce dernier sifflera sans aucune hésitation la faute de Doug Christie sur la remise en jeu, celle qui donne l’avantage décisif aux Purple and Gold et le permet de remporter le match.
Dans la foulée directe de la rencontre, les réactions sont très logiquement assez vives. Dans quasiment tous les médias sportifs, les journalistes s’interrogent, notamment au sujet du quatrième quart temps et de son arbitrage plus que suspicieux. Le sujet prend même un petit tour politique quand Ralph Nader – candidat du Parti Vert aux présidentielles de 2000 – interpelle les autorités américaines. Voici quelques unes des interrogations de l’époque.
“D’un point de vue arbitral, ce match est l’un de ceux ayant le plus été dans le sens d’une seule équipe depuis ces dix dernières années. Dans le seul quatrième quart-temps, il y a eu au moins six coups de sifflets suspicieux contre les Kings”.
– Bill Simons, journaliste chez ESPN
“J’ai noté dans mon carnet six fautes ouvertement incorrectes, toutes contre Sacramento, et toutes dans le quatrième quart”
– Michael Wilbon, journaliste au Washington Post
“Quelque chose pue à Los Angeles, mais David Stern et les propriétaires de la ligue n’ont pas écouté”.
– Ralph Nader, candidat aux présidentielles américaines.
Lors du Game 7, le jeu sera une fois de plus serré, et l’on compte pas moins de 16 égalités pour 19 changements de leader durant le match. Malheureusement, les Kings auront trop de mal à se relever de cette très douloureuse défaite à L.A. et perdront le match 112-106. Les têtes sont baissées, logiquement malheureuses mais surtout remplies de frustration et d’incompréhension. Dans le même temps, les Lakers fileront vers le three-peat en écrasant les Nets 4-0 lors des Finales NBA. Un résultat d’autant plus amer à Sacramento quand on ne sait que très bien que la série a été très disputée et que les hommes de Rick Adelman ont failli l’emporter.
Vous pensiez qu’on finirait sobrement ce récit là-dessus ? Détrompez vous, cette affaire est loin d’avoir livrée ses derniers secrets. En 2008, le dossier est complètement relancé par Tim Donaghy, un ancien arbitre NBA épinglé par le FBI pour avoir faussé des matchs sur fond de paris sportifs truqués. Avant l’annonce de sa peine, l’avocat de ce dernier fait parvenir aux médias un document contenant des informations… pour le moins troublantes.
“Les arbitres A, F et G ont officié sur une série de Playoffs entre les équipes 5 et 6 en mai 2002. Il s’agissait du sixième match d’une série en sept, et une victoire de l’équipe cinq aurait mis un terme à cette dite série. Toutefois, Tim a appris par l’arbitre A que lui et l’arbitre F voulaient pousser la série en sept. Tim connaissait les arbitres A et F pour être des ‘hommes dévoués’ agissant toujours dans l’intérêt de la NBA, et c’était justement ce soir là dans l’intérêt de la NBA d’ajouter un match à la série. Les arbitres A et F ont lourdement avantagé l’équipe 6. Les fautes personnelles ont été ignorées même quand elles sont survenues sous les yeux des arbitres. Inversement, les arbitres ont sifflé des fautes imaginaires pour donner des opportunités de lancers francs à l’équipe 6. Leurs coups de sifflet ont également poussé à l’expulsion de deux joueurs de l’équipe 5. La préférence des arbitres pour l’équipe 6 a mené cette équipe vers la victoire ce soir là, et l’équipe 6 a réussi au final à remporter la série.”
– Communiqué de l’avocat de Tim Donaghy
Alors. Wow. Bien sûr, il ne sera compliqué pour personne d’associer les équipes 5 et 6 respectivement aux Kings et Lakers. De même pour les arbitres A, F et G. Selon plusieurs observateurs, Dick Bavetta serait l’arbitre A, mais rien aujourd’hui ne le prouve. Comme tout le reste de ce communiqué d’ailleurs. Au sujet de ce cher Bavetta, Bill Simmons a d’ailleurs publié une enquête elle aussi troublante quant au fait que beaucoup de matchs à l’arbitrage contestable dans les années 90 et 2000 ont été gérés par ce cher Dick. Bien sûr, le passif assez sombre de Donaghy ainsi que son ancienne position d’officiel renforce dans nos raisonnements émotionnels le sentiment qu’il ait pu avoir accès à ce type d’informations très sensibles. Et d’un côté, il est vrai qu’un Game 7 entre les deux grands rivaux du moment apparaît alors comme une aubaine financière pour la ligue : places, droits TV, publicités diverses… ça chiffre en dizaines de millions de Dollars. Ajoutez en plus qu’il s’agit des Lakers, la franchise la plus bankable de la ligue, et vous obtenez de nombreuses raisons de vouloir sur le papier qu’un ultime match ait lieu. Gardez aussi en mémoire la déclaration de David Stern lui même, datant de 2004 et qui avait fait grand bruit à l’époque : “Ma finale idéale ? Ce serait les Lakers contre les Lakers”. Bon, ce n’est pas la déclaration la plus clutch de la carrière du Commish’, convenons-en. D’ailleurs, ce dernier a été très clair avec le communiqué présenté ci-dessus : il ne s’agit que de la tentative désespérée d’un homme condamné pour attirer la lumière sur lui. Personne n’aura le fin mot de cette histoire, et chacun possède donc sa vérité autour de ce match désormais marqué au fer rouge dans l’histoire de la NBA. Les Kings ne s’en remettront pas, et la suite ne sera jamais aussi resplendissante que cette fabuleuse saison 2001-02.
Quelle affaire, quelle histoire ! Ce match a t-il été truqué ? Est-ce un sale coup de la NBA ou tout simplement le fait d’arbitres un peu trop tête en l’air ? Dans tous les cas, il semblerait bien qu’il y ait anguille sous roche à un moment. La finalité, c’est bien qu’avec cet événement presque extrasportif, les Kings n’auront plus l’opportunité d’autant se rapprocher du titre.
Sources : ESPN, The Washington Post, Los Angeles Times, CBS Sacramento, Sport Illustrated, Bleacher Report.