Adreian Payne est mort à 31 ans : le choc est immense, Lacey Holsworth va retrouver son ange gardien
Le 10 mai 2022 à 14:37 par Arthur Baudin
Ce lundi, par l’intermédiaire de son ex-coéquipier Jared Sullinger, la grande famille du basket-ball a appris le décès d’Adreian Payne à l’âge de 31 ans. Il n’était pas connu de tous. Son nom restera pour autant le souvenir des valeurs dispersées partout où il est passé : le respect, la bienveillance, le cœur, la compassion. Sa disparition nous bouleverse.
« Bordel, quelle puta** de négligence ! ». Le 16 février 2020, sous le chapiteau de la Disney Events Arena, l’ASVEL affronte Dijon en finale de la Leaders Cup. Devant l’armada de Laurent Legname – David Holston, Rasheed Sulaimon et Axel Julien, entre autres – l’équipe rhodanienne s’incline 69 à 77. Figure de proue de cette désillusion, Adreian Payne a exaspéré les supporters villeurbannais : 5 points à 1/4 au tir, 2 rebonds et 4 fautes. Du haut de ses 2m08 pour 108 kilos, il est pourtant plus costaud que n’importe lequel des Bourguignons. Summum de la discordance, la semaine passée, il posait 15 points et 8 rebonds face au Bayern de Munich. Ce contraste entre le vrai Adreian Payne et cette attitude désinvolte affichée à Disneyland, donne l’illusion à tous d’un mercenaire venu prendre son fric et ses piges européennes. Encore.
Quiconque a suivi la carrière d’Adreian Payne n’est pas trompé par ce triste spectacle. L’irrégularité est la prison de son talent. Lancé à Michigan State sous les ordres de Tom Izzo – un coach Hall of Famer – il passe quatre ans chez les Spartans et y côtoie plusieurs références : Draymond Green, Gary Harris ou encore Denzel Valentine. Le 20 mars 2014, au premier tour de sa dernière March Madness, il tape du pied et ça fait « boum » : 41 points et 8 rebonds, les Fightin’ Blue Hens gisent au tapis. C’est le plus grand nombre de points pour un joueur de Michigan State depuis Terry Furlow contre Detroit en 1975. Dans ce chantier, Adreian Payne réalise un 17/17 aux lancers, ce qui est aujourd’hui encore le meilleur total à 100% de réussite sur un match de NCAA. Les Spartans écartent ensuite Virginia et Harvard, profitant d’un trio Adreian Payne – Branden Dawson – Gary Harris de très haut niveau. Vint alors l’Elite 8, la dernière marche avant le Final Four. Il y a là l’occasion de frapper fort, mais les garçons de Tom Izzo échouent contre U’Conn, 60 à 54. Comme s’il n’avait pas lâché une perf’ de mammouth une semaine auparavant, Adreian Payne envoie cette fois 13 pts à 4/14 au tir. C’est là toute la complexité du bonhomme. Capable de faire lever une foule le mardi, avant d’en provoquer les huées le samedi.
Lacey Holsworth. Ce nom ne vous évoque peut-être rien, mais il a marqué la dernière année d’Adreian Payne à Michigan State. Cette petite fille de 8 ans – atteinte d’un cancer – était le porte-bonheur des Spartans en 2014. C’est lors d’une visite à l’hôpital que les joueurs ont fait sa connaissance. Elle et Adreian Payne se sont liés d’amitié, à tel point qu’elle a voyagé avec l’équipe à New York pour le Sweet 16 et l’Elite 8. Quand les Spartans ont remporté le titre de la Conférence Big Ten, Payne l’a laissée descendre le filet. On la retrouve un peu plus tard assise au premier rang du NCAA Dunk Contest lors duquel son protecteur a caramélisé un bon 360°, suivi d’une superbe célébration « quilles de bowling ». Cette relation était vraie. L’affection d’un sportif qui accompagne un enfant dans les derniers instants de sa vie. Il l’a rendue heureuse, elle l’a rendu heureux. Les derniers mots d’Adreian Payne pour sa petite sœur spirituelle, font aujourd’hui sens.
« Les mots ne peuvent exprimer à quel point Lacey me manque déjà. Elle est ma sœur, et fera toujours partie de ma vie. Elle m’a appris à me battre avec le sourire même quand les choses allaient mal. Je suis un homme meilleur grâce à elle. […] Je sais qu’elle sourit et danse au paradis en ce moment. Ma princesse est maintenant un ange. » – Adreian Payne, le 9 avril 2014
Le 26 juin 2014, soir de draft, Adreian Payne est sélectionné en 15e position par les Hawks. Son costume, à l’intérieur rose, rend hommage à Lacey Holsworth. Le nom de la fillette est dans toutes les bouches. Une fois descendu de l’estrade, Adreian Payne est interrogé à ce propos : « Alors, que dirait Lacey si elle était à la draft ce soir ? ». Il répond, non sans émotion : « Elle me ferait certainement un gros câlin et me dirait qu’elle m’aime ». Le début d’une nouvelle vie, loin des Spartans, sans sa protégée, dans le tourbillon du business.
Quatre ans et puis s’en va. De 2014 à 2018, Adreian Payne dispute 99 de ses 107 matchs NBA sous le maillot des Wolves. Son année rookie est sa meilleure saison, avec des moyennes de 6.7 points à 41% au tir et 5.1 rebonds en 32 rencontres. En 2017, sous two-way contract avec le Magic, il se fracture le quatrième métacarpe de la main. Cette opportunité était pour lui la dernière en NBA. Il prend la direction du Panathinaikos où il remportera son premier trophée en carrière, le championnat de Grèce 2018. S’ensuit un passage en Chine pour y faire gonfler les stats, puis un retour au Pana et cette fameuse signature à l’ASVEL en mars 2019. À son arrivée, il livre une superbe interview à Buzzer, l’émission de RMC Sport. Son discours, altruiste, défait le sens commun accolé aux joueurs américains du championnat de France. Il s’est renseigné, n’est pas venu pour briller en solitaire, et exprime ses vœux d’intégration : « L’équipe est déjà bien en place et n’a pas besoin d’un joueur qui ferait des choses extraordinaires. Juste un gars qui s’intègre facilement et est un bon coéquipier ».
Mais son irrégularité pousse l’ASVEL à s’en séparer un an plus tard, malgré plusieurs cartons sous le maillot villeurbannais : 21 points en Playoffs face à Nanterre, 17 points et 8 rebonds contre l’Étoile rouge de Belgrade. Après Villeurbanne ? Un passage anecdotique en Turquie, puis une pige en Lituanie avec le club d’Utena. Le 15 février 2022, il dispute son dernier match de basket contre Nevezis-Optibet. Trois mois plus tard, dans la nuit du dimanche 8 mai au lundi 9, Adreian Payne est tué par balles en Floride.
Draymond Green is going to reflect on Adreian Payne and the Game 4 win on his podcast because of his heavy emotions. But Draymond announced he and his wife plan to donation $100,000 to a foundation in honor of Payne. pic.twitter.com/6hFgGTR4lc
— Mark Medina (@MarkG_Medina) May 10, 2022
Le basket-ball français perd un visage. Nombreux sont ceux qu’il a marqué de par sa domination physique et son inconstante facilité. Qu’il fasse bon voyage, Lacey Holsworth l’attend là-haut.