Terrence Clarke, l’espoir de Boston fauché en plein vol
Le 22 avr. 2022 à 13:37 par Nicolas Meichel
Enfant de Boston à la joie de vivre contagieuse et à l’ambition vertueuse, Terrence Clarke faisait partie de ces prospects destinés à monter les marches le soir de la Draft NBA 2021 pour serrer la main d’Adam Silver. Mais quelques mois auparavant, lors d’un après-midi d’avril, le jeunot de 19 ans a brutalement perdu la vie sur une route de Los Angeles. Une terrible tragédie qui a véritablement marqué la communauté basket de Boston. Et pour cause, Terrence représentait non seulement l’un des plus grands espoirs sortis de Beantown depuis de très nombreuses années, mais en plus il comptait bien devenir un véritable porte-drapeau pour sa ville de cœur. Story.
21 novembre 2021. Jaylen Brown, Jayson Tatum et d’autres joueurs des Celtics se retrouvent à l’intérieur du BCYF Vine Street Community Center, situé sur Dudley Street dans le quartier de Roxbury à Boston. C’est dans ce gymnase que Terrence Clarke est tombé amoureux de la balle orange et qu’il a véritablement commencé son ascension. Et c’est dans ce même gymnase – rénové et renommé en son honneur – qu’un hommage poignant lui est rendu après l’horrible tragédie du 22 avril, jour où Terrence s’est crashé au volant de sa Genesis GV80 après avoir grillé un feu rouge à toute vitesse. Au milieu du parquet, le logo inscrit au sol prend désormais la forme d’un cœur bleu, avec l’inscription TC5 et un ballon de basket à l’intérieur de celui-ci. Une bannière est également accrochée en son honneur et on retrouve en plus un mémorial à l’entrée du centre. Jaylen Brown prend lui le temps pour dire quelques mots au micro, la voix forcément un peu tremblante. “Terrence est l’un des nôtres, on continuera à honorer son nom et il vivra pour toujours” déclare le All-Star des Celtics, devant des dizaines de gamins et la famille de Clarke, mais aussi la maire de Boston Michelle Wu ainsi que des leaders de la communauté locale. Tous sont là pour participer à cette cérémonie, preuve de la place qu’avait pris Terrence à Beantown et des nombreux espoirs qui furent placés en lui pour représenter la ville de la meilleure des manières.
La story de Terrence Clarke, c’est la story d’un gamin talentueux qui voulait devenir une véritable source d’inspiration pour la prochaine génération made in Boston. Né en septembre 2001, TC grandit dans le quartier de Roxbury, considéré comme “le cœur de la culture noire” de la ville. C’est en matant des anciennes Finales NBA opposant les Celtics de Larry Bird aux Lakers de Magic Johnson qu’il commence à montrer un vrai intérêt pour le basket. Et ce sont ensuite les exploits de Rajon Rondo aux côtés de Paul Pierce, Ray Allen et Kevin Garnett qui l’inspirent véritablement à suivre le chemin de la balle orange. Un chemin qui le mène d’abord à la Rivers School à Weston dans le Massachusetts, puis à la Brewster Academy (New Hampshire) qui est réputée sur le plan national pour son programme basket élite. Winner dans l’âme, doté de qualités athlétiques très sérieuses avec ses 2m01, possédant du talent plein les mains, Terrence commence véritablement à se faire un nom et devient cet espoir cinq étoiles que sa ville natale attendait depuis longtemps.
“Boston est une super ville. Je veux vraiment faire ça pour moi, mais aussi pour ma communauté parce que Boston n’a jamais vraiment été sur la carte. Personne ne dit, ‘Oh, les meilleurs [jeunes] joueurs de basket viennent de Boston’. Je veux être la personne qui change cela.”
– Terrence Clarke en septembre 2019, via boston.com
Si Boston possède la franchise NBA la plus titrée de l’histoire (à égalité avec les Lakers), si Boston a vu passer d’innombrables légendes sous le maillot vert des Celtics, Beantown n’est paradoxalement pas réputé pour être un vivier de jeunes talents comme peuvent l’être dans l’Est des States Chicago, Washington D.C. et bien évidemment New York City. Le plus grand nom qu’on peut associer à la ville du Massachusetts, c’est sans doute celui de l’ancien pivot des Knicks Patrick Ewing, passé par la Cambridge Rindge and Latin School entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Mais Patoche n’était pas né à Boston et puis Cambridge est située de l’autre côté de la rivière Charles qui sépare les deux villes. Pour Terrence Clarke, les modèles à l’échelle locale se nomment plutôt Wayne Selden Jr., Jalen Adams et Shabazz Napier, également originaires de Roxbury et devenus professionnels par la suite. Pas ouf vous en conviendrez. Car si ces gars-là ont tous réussi à faire du basket leur gagne-pain, aucun ne parvient à s’imposer en NBA pour envoyer du rêve. Les deux premiers ne sont pas draftés et décident de faire carrière à l’étranger, tandis que le dernier – double champion NCAA et MOP en 2014 avec UConn – passe de franchise en franchise malgré ses beaux exploits universitaires.
Tout ça pour dire que Boston, cette ville qui respire véritablement le basket, a peut-être plus que jamais besoin d’un porte-drapeau. Et Terrence semble être le Chosen One, lui qui est considéré comme le meilleur lycéen du Massachusetts et l’un des meilleurs de tout le pays dans sa classe d’âge. De quoi l’effrayer ? Pas du tout. Bien au contraire, Clarke semble embrasser cette responsabilité. “I want to be that guy for everyone in the city” déclare-t-il avec la passion qui le caractérise, une phrase très symbolique qui sera plus tard inscrite en marge du terrain situé à l’intérieur du Vine Street Community Center, suite à la tragédie d’avril 2021. Essayer de monter le plus haut possible pour inspirer les jeunots, telle est la mission que se fixe TC.
“L’une des principales raisons pour lesquelles je joue au basket, c’est les jeunes. En tant que gamin originaire de Boston, on n’a jamais vraiment eu quelqu’un qui est sorti de Boston pour le faire [réaliser une grande carrière NBA pour inspirer la nouvelle génération, ndlr.]. Je veux être le premier à faire ça pour la ville, pour les jeunes, à être une source d’inspiration. Je suis comme ça. Je viens de Boston, je suis né et j’ai grandi ici. C’est ma ville, j’aime cette ville, c’est ma maison, je veux tout faire pour elle.”
C’est dans cette mission très honorable mais forcément périlleuse que Terrence Clarke se lie d’amitié avec ceux qui représentent Boston sur la scène nationale et internationale, à savoir les All-Stars des Celtics Jaylen Brown et Jayson Tatum. Ayant déjà développé quelques relations avec plusieurs joueurs NBA (Donovan Mitchell notamment, également passé par la Brewster Academy) à travers les différents camps basket auxquels il a pu participer, TC se rapproche des Jay Brothers au cours de ses années lycée. Il contacte Jaylen via Instagram en espérant que ce dernier ne nexte pas son message privé. Terrence se reconnaît dans le jeu athlétique et spectaculaire de Brown, et bosser avec l’ailier des Celtics serait clairement un tremplin pour lui. Alors pourquoi pas tenter le coup ? Après tout y’a rien à perdre. Non seulement Jaylen lui répond mais il va carrément le prendre sous son aile, séduit par l’ambition de Clarke. C’est le début d’une véritable relation grand frère – petit frère entre les deux. Brown lui donne de précieux conseils autant pour développer ses skills que pour grandir en tant que personne. Terrence porte des vêtements de la marque 7uice (créée par Jaylen Brown) et squatte souvent la maison de Jaylen. Et ce dernier lui offre plusieurs fois des billets pour mater les Celtics au TD Garden.
“Terrence et moi, on avait une relation unique. Il était le petit frère que je n’ai jamais eu. Il était toujours à la maison, en train de parcourir mon dressing, jouer aux jeux vidéos. J’étais du genre, ‘T’as pas cours toi ? Qu’est-ce que tu fous là ?’ Il traînait toujours là.”
– Jaylen Brown
Un petit frère pour Jaylen, mais aussi pour Jayson Tatum. JT et TC se rencontrent pour la première fois après la saison rookie du premier et les deux apprennent à se connaître de plus en plus durant les trois années qui suivent. Ils s’entraînent plusieurs fois ensemble, tout en échangeant beaucoup au téléphone. Clarke a même le privilège d’être invité à une soirée d’anniversaire de Tatum.
Clairement, les Jay Brothers prennent à cœur leur rôle de mentor. Et ce soutien est priceless pour Clarke, surtout quand il traverse certaines difficultés comme lors de sa saison freshman au sein de la célèbre l’université de Kentucky. Victime d’une blessure à la cheville et évoluant au sein d’une équipe des Wildcats qui réalise l’une des pires campagnes de sa glorieuse histoire, Terrence connaît une expérience universitaire compliquée, surtout dans un climat COVID qui n’est pas là pour arranger les choses. De quoi faire chuter sa cote alors qu’il était considéré comme un lottery pick à sa sortie du lycée. Cependant, cela ne l’empêche pas de se présenter à la Draft NBA avec des étoiles dans les yeux et des rêves plein la tête. C’est ainsi qu’il signe avec l’agence Klutch Sports de Rich Paul et LeBron James le 21 avril 2021.
La suite, malheureusement, on la connaît.
“C’était un super gamin. Il était très talentueux, mais surtout il avait toujours un sourire sur son visage, il était toujours de bonne humeur. C’est une perte douloureuse pour tout le monde.”
– Jayson Tatum
Jaylen Brown, Jayson Tatum, Kemba Walker ou encore Brad Stevens partagent tous leur douleur en conférence de presse après la rencontre des Celtics face aux Suns du 22 avril 2021, date de la terrible tragédie. Quelques jours plus tard, un hommage est rendu à Terrence Clarke sur l’écran géant du TD Garden, lumières éteintes et avant une minute de silence évidemment remplie d’émotion. Et le 29 juillet, lors du grand soir de la Draft où Terrence aurait dû accomplir son rêve, c’est la NBA qui honore magnifiquement sa mémoire au Barclays Center de New York.
With the next pick in the 2021 NBA Draft, the NBA selects Terrence Clarke from the University of Kentucky. #LLTC5 💙🤍 pic.twitter.com/fJYvShrgK3
— NBA (@NBA) July 30, 2021
Autant d’hommages qui montrent que TC n’était pas vraiment un jeunot comme les autres. Mais là où sa perte se ressent probablement plus que partout ailleurs, c’est dans le quartier de Roxbury où tout a commencé pour lui. Car c’est à Roxbury – notamment à l’intérieur du BCYF Vine Street Community Center – qu’il est devenu à son tour une source d’inspiration pour la prochaine génération. Sa personnalité lumineuse, son éthique de travail, sa volonté de représenter les siens et d’aider les gamins de sa communauté ont fait de Terrence Clarke un modèle à suivre pour ces derniers, peut-être plus que les grandes stars NBA qui certes font rêver mais qui ne possèdent pas la même proximité. Terrence était à la fois just a kid from Roxbury et l’espoir de tout Boston. Il était à la fois un jeune homme de 19 piges qui ne se prenait pas trop au sérieux mais qui dans le même temps bossait à fond pour aller le plus haut possible. Et au final, il est celui qui est à la fois parti trop tôt mais qui a tout de même accompli sa mission.
“L’impact que ce gamin avait sur les plus jeunes, la jeune génération, était incroyable. Je pense que cela a créé une nouvelle génération de jeunes basketteurs affamés de Boston, et ils scandent tous le nom de T. Clarke.
Ils jouent pour lui. C’est terrible, mais sa legacy continuera de vivre.”
– Brandon Ball, ancien entraîneur de Terrence Clarke
Terrence Clarke représentait la fierté de Boston. Il voulait représenter la ville partout où il allait, avec comme objectif ultime d’inspirer tous les jeunes basketteurs originaires de Beantown. Malheureusement, TC a été fauché en plein vol en ce terrible 22 avril 2021, laissant derrière lui beaucoup de regrets et de tristesse. Mais il laisse surtout un véritable héritage qui est lui destiné à durer. Rest In Peace, Terrence.
Sources texte : on3.com, CBS Boston, WCVB Channel 5 Boston, boston.com, SLAM, NESN, Boston Globe, The Athletic, masslive.com