Dans une interview poignante, Michael Beasley raconte son mal-être : « Dois-je être à la place de Delonte West pour obtenir de l’aide ? »

Le 17 mars 2022 à 16:04 par Arthur Baudin

Michael Beasley
Source image : The Pivot

Il y a eu Delonte West. Des photos alarmantes en 2016, une vidéo choquante en 2020. Il y en a eu d’autres, mais on ne les a pas pris au sérieux. La dépression des sportifs de haut niveau, ou l’escalade d’un sujet passé sous silence, la faute à un statut qui n’est « pas à plaindre ». Ce mardi ? Le podcast The Pivot a posté une interview de Michael Beasley à ce sujet. Prenante. Émouvante. Glaçante.

Et là, tu te sens con. Tu te sens con d’avoir déjà dit à ton pote que Michael Beasley n’était « pas un bosseur », de l’avoir catégorisé selon les ouï-dire, sans fondement. Il est un personnage, c’est indéniable. Mais dans cette interview prenante, accordée à The Pivot, Michael Beasley défait les préjugés. Entouré de trois gars – excellents journalistes sur ce moyen/long format – Michael Beasley revient sur ce qui n’a pas fonctionné. Allez, petite séance de rattrapage.

Ce poste 4 de 2m06 est sélectionné en 2ème position de la Draft 2008, après une première saison XXL sous le maillot de Kansas State : 26 points et 12,4 rebonds de moyenne à 53% au tir. Beaucoup le considèrent comme le meilleur « freshman » de tous les temps. À seulement 19 ans, ses bagages technique et athlétique lui octroient la réputation de l’intérieur moderne, presque ailier. Le Heat succombe alors à la tentation. Sa saison rookie est bonne, avec 13,9 points, 5,4 rebonds et 1 assist à 47% au tir dont 41% du parking, le tout en “seulement” 25 minutes de jeu. Mais voilà, ce gamin tiré de la rue par son talent, va connaître une cascade de péripéties. Le 12 juillet 2010, il est envoyé dans le Minnesota pour dégraisser la masse salariale de Miami : LeBron James arrive. Bon, c’est le business. Sur l’exercice 2010-11, sous le maillot des Wolves, Michael Beasley lâche sa meilleure saison statistique avec 19 points et 6 rebonds de moyenne. Il se blesse au pied l’année suivante, manque onze matchs, puis signe à Phoenix dans la foulée. Ça commence à sentir le roussi. Il ne passe qu’une saison sous l’étiquette des Suns, coupé à l’été 2013 à la suite d’une arrestation en possession de marijuana. Sa carrière prend alors un vieux tournant : retour anecdotique au Heat, Shangai Sharks, Shandong Lions, role player dans des franchises NBA qui ne jouent rien. En août 2019, bien que suspendu cinq matchs pour un nouveau contrôle positif à la marijuana, il s’engage pour une saison à Detroit. Les Pistons voulant signer Joe Johnson, il est finalement coupé un mois plus tard. Le 9 juillet 2020, il signe jusqu’à la fin de saison avec les Nets. Mais testé positif au Covid-19, son aventure avec Brooklyn s’arrête une semaine plus tard. C’est la fin de Michael Beasley en NBA, quelle carrière de me***.

« Ce n’est pas ESPN, on contrôle cette plateforme ». D’un ton rassurant, presque paternel, Fred Taylor rassure Michael Beasley sur la transparence de cette interview. « Ton message est ton message, on ne va pas le changer, on ne va pas tricher. Les médias ne seront jamais dans tes chaussures, ils sont payés pour être des journalistes ». C’est à ce moment précis que l’on comprend toute la détresse de Michael Beasley. Il se méfie de la parole médiatique, hésite à se livrer, puis cinq minutes écoulées, vide son sac. Les gars qui l’entourent sont Channing Crowder, Ryan Clark et Fred Taylor, trois anciens joueurs NFL. Eux peuvent le comprendre, après tout.

« Je découvre que tout le monde me volait. Tout le monde, de mon conseiller financier, de ma mère à tout le monde dans ma putain de famille. Soit tu laisses faire, car c’est ta famille. Soit tu coupes les ponts et tu n’as plus de famille. Mais tu ne peux pas expliquer ça à quelqu’un qui n’avait jamais vu un billet de 10 dollars auparavant. » – Michael Beasley

Quarante minutes durant, Michael Beasley fait le tour de ce qu’il n’a jamais évoqué face caméra. Sa mère – plus globalement, toute sa famille – qui lui a volé de l’argent et qu’il n’a pas osé réprimander, par peur de la perdre. Ces « bonnes personnes », qu’il a cherché en dépit des mauvaises, mais qu’il n’a jamais trouvées. Ces amis qu’il avait, auxquels il ne parle plus. À ce propos, Fred Taylor interroge Beasley sur sa relation avec Kevin Durant, qu’il qualifiait comme son « premier vrai ami ». Sa réponse est sans appel : « Je ne parle plus à personne maintenant ». Rien donc, pas une épaule sur laquelle s’appuyer. C’est là que le dialogue avec Channing Crowder devient poignant. Sans peur de toucher un cordon sensible, l’ancien des Dolphins de Miami accroche Beasley sur le train de vie qui devrait être le sien, afin de trouver ces « bonnes personnes » : « Tu as des enfants, j’ai des enfants. On ne peut pas s’assoir sous le porche pour boire des bières, du vin, puis aller traîner ». Mais Michael Beasley se défend de ce comportement. « Toute ma vie j’ai cherché des bonnes personnes. Je suis fatigué »Il fond en larmes, son mal-être est évident.

« Faut-il en arriver à Delonte West pour obtenir de l’aide ? Je ne veux pas manquer de respect à Delonte West ou aux personnes dans sa situation. Mais que faut-il pour faire ce qui est juste ? […] Toute ma vie, j’ai demandé de l’aide. Les gens m’ont traité de fou. » – Michael Beasley

S’il évoque le cas de Delonte West, c’est que l’ancien meneur de Cleveland s’est fait aider. Il est d’ailleurs en train de passer des essais pour jouer en Big 3 League, le championnat des viocs. Il aura donc fallu une vidéo d’un ancien de NBA qui fait la manche pour éveiller les consciences sur la santé mentale des sportifs de haut niveau. La plupart des joueurs touchés par la dépression n’ont pas appris à gérer la célébrité. Du moins, on ne leur a pas enseigné. On pense à un garçon comme DeMar DeRozan qui, en 2018, avait rendu public son mal-être sur Twitter. Et cela va bien au-delà du basket. Un Neymar par exemple – sorti de la banlieue pauvre de Santos – qui se retrouve avec un paquet de flouze à 9.000 km de chez lui. À 20 ans, on se perd facilement en route.

This depression get the best of me…

— DeMar DeRozan (@DeMar_DeRozan) February 17, 2018

À ce cri d’alerte, la NBA avait alors réagi en conséquence, avec plusieurs dispositifs mis à disposition des joueurs, comme des mesures de respect de la vie privée et de confidentialité, ainsi que des professionnels de la santé mentale. Est-ce assez ? C’est en tout cas un bon début. La situation de Michael Beasley doit maintenant aiguiller la suite, y compris dans d’autres sports où la santé mentale du sportif n’est toujours qu’un sujet de fond tiroir.

Source texte : The Pivot


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